Au surlendemain de son importante avarie causée par des conditions climatiques extrêmes, le Napoléon-Bonaparte a désormais sa quille posée au fond du port de Marseille. Les équipes de secours ont travaillé lundi toute la journée afin de stabiliser au mieux le navire qui a bougé durant la nuit. Les experts plongeurs travaillent pour estimer les dégâts et colmater les brèches importantes dans la coque avant de pouvoir envisager un renflouage. Mais après cet accident, ce sont désormais les questions des responsabilités et des moyens mis en œuvre qui se posent et créent la polémique.
Le géant des liaisons Corse/Continent de la SNCM Napoléon-Bonaparte, a désormais sa quille entièrement immergée dans les eaux du bassin portuaire de la cité phocéenne, après avoir rompu ses amarres et heurté violemment un quai dans la nuit de samedi à dimanche. Une image rarissime et déconcertante que celle de ce mastodonte des mers que l’on a davantage l’habitude de voir, toute proue fendant l’eau, accoster ou appareiller des ports d’Ajaccio ou de Bastia…
Colmatage des brèches et barrages anti-pollution
Sur place, les équipes de secours et les experts ont travaillé jusqu’à dimanche soir et toute la journée de lundi afin de maintenir, autant que faire se peut, le navire hors de l’eau. Un remorqueur les a aidés dans cette tâche périlleuse en tirant le bâtiment à l’envers du quai. Des plongeurs ont examiné la coque pour évaluer les dégâts et commencer à colmater les brèches importantes dues à la collision avant d’envisager un début de pompage et de renflouage dans les prochaines heures. Actuellement, le navire amiral de la SNCM a sa quille entièrement immergée dans les eaux du port et semble provisoirement stabilisé. Les équipes de secours ont également déployé des barrages anti-pollution flottants tout autour de la poupe du navire immergée jusqu’au niveau des portes du garage, même si officiellement, il n’y aurait pour l’instant aucun signe de pollution due à l’avarie du navire.
Des précédents en 2007, 2008 et 2011
Après cet accident (évoqué comme rarissime de l’avis général), ce sont maintenant des questions qui se posent concernant à la fois la prévention de cette avarie mais également les moyens mis en œuvre pour secourir le navire durant sa folle dérive avant qu’il ne percute le quai. Concrètement, si l’ampleur prise par ce naufrage d’un bâtiment de la SNCM est effectivement très rare, d’autres accidents moins importants en terme de conséquences ont déjà touché le ferry de la compagnie. Ainsi, en juillet 2008, le même Napoléon-Bonaparte était allé percuter une passerelle du port de Marseille, après la rupture du filin qui le reliait au remorqueur présent pour le faire accoster par un jour de grand vent, avec des rafales à plus de 100 km/h. L’accident, qui n’avait fait aucun blessé, avait toutefois occasionné une déchirure de plus de 4 mètres dans la coque au dessus de la ligne de flottaison et 10 mètres de plaques de coque avaient été changées. En 2011, une collision avait également eue lieu entre le navire amiral de la SNCM et le cargo mixte Girolata de la Méridionale, alors qu'ils terminaient leur manœuvre de mise à quai.
« Le phénomène est connu de la SNCM qui n’a pas su anticiper »
Mais il suffisait de consulter les sites et les forums spécialisés dans le domaine maritime ces jours-ci pour trouver un autre accident. En 2007, le navire également amarré en zone d’hivernage sur l’une des digues du grand large du port aurait subi une avarie dans des circonstances quasi-similaires. Un internaute (que nous nommerons Thierry) technicien, responsable de la sécurité à bord du ferry à l’époque, témoigne sous couvert d’anonymat : « C'est la deuxième fois que cela arrive (ndlr : une avarie de ce type) au Napoléon-Bonaparte. C'était totalement prévisible puisqu'en 2007, la première fois, j’étais a bord en pleine réparation avec une centaine d'ouvriers au poste 114 de la digue du large. Et il s’était produit exactement la même chose. Les amarres et aussières (ndlr :Une aussière est un gros cordage employé pour l’amarrage et le remorquage des navires) ainsi que la chaîne d'ancre avaient cassé net et une brèche de 2 mètres carré environ était apparue a 7 mètres au dessus de la ligne de flottaison sur l’arrière bâbord. Cette brèche était due à l'arrachage d'une bigue d’amarrage qui avait frappé la coque. Donc oui c’était prévisible puisqu'en 2007 le vent ne dépassait pas les 100 km/h. Donc le phénomène est connu de la SNCM qui n'a pas su anticiper ».
Une position d’hivernage au large inadaptée
Et l’un des objets de la polémique est bel et bien là. La situation d’amarrage du navire en zone de maintenance hivernale sur l’une des digues du grand large poserait problème. Dans le gigantesque port autonome de Marseille, le poste auquel était amarré habituellement le Napoléon Bonaparte pour les opérations de maintenance est situé au grand large et est donc particulièrement exposé aux vents violents. Une situation maintes fois dénoncée par divers syndicats du Port. Alors, avec une alerte météo aux conditions climatiques extrêmes sur la cité phocéenne (avec des pointes de vent allant jusqu’à 180 kms/h au moment de l’accident), ne fallait t-il pas que l’armateur (SNCM) ou les responsables du port décident de déplacer le navire vers une zone d’amarrage davantage abritée ?
Des amarres pas assez renforcées
Autre point de tension, une possible erreur d’appréciation quant à l’amarrage du navire. En prévision d’un gros "coup de tabac" annoncé, toutes les dispositions ont-elles été prises pour tripler voire quadrupler les éléments d’amarrage ? Plusieurs marins en activité contactés via des sites spécialisés demeurent sceptiques. Même s’il est évident qu’un vent d’une telle puissance peut avoir raison des amarres d’un navire, certains évoquent à demi-mot une erreur des lamaneurs (personnel employé spécifiquement aux opérations d’amarrage du navire) qui n’auraient pas suffisamment rajouté d’amarres en les triplant voire les quadruplant.
Une intervention simultanée des 2 remorqueurs indispensable
Enfin, la polémique la plus vive relève des conditions d’intervention et des moyens mis en œuvre par les secours pour porter assistance au navire. Pour comprendre le problème, il faut synthétiser le déroulement des faits : dans la nuit de samedi à dimanche, le ferry rompt ses amarres sous les assauts du vent et se met à dériver de la digue du large vers un môle qui lui fait face.
A ce moment là, peu de personnel à bord, si ce n’est une poignée de mécaniciens qui ne peut rien faire pour contrôler la situation. Le navire dérive dans le chenal pendant de longues minutes avant de pivoter et que son flanc tribord vienne percuter de plein fouet l'angle du terminal 40 au Cap Pinède et déchire une partie de sa coque.
Un remorqueur du port arrivera pour tirer le navire à l’inverse du quai tout au long de la journée et lui éviter de se renverser. Un autre viendra plus tardivement lui apporter de l’aide dans sa mission. Là encore, certains personnels professionnels du port (qui désirent témoigner anonymement) évoquent de gros dysfonctionnements qui ont eu lieu dans la procédure d’assistance. Et d’affirmer que si 2 remorqueurs étaient intervenus immédiatement et simultanément, l’un pour pousser la proue et le second la poupe, le navire aurait eu plus de chance d’être maîtrisé, permettant avec un peu de chance aux lamaneurs de réamarrer le navire au môle. Et ainsi d’éviter une avarie suivie d’un naufrage partiel. Une décision de limiter au maximum l’utilisation de ces puissants remorqueurs qui serait la politique directe du port autonome de Marseille et de ses pilotes (PAM).
Marc Dufour : « Le temps n’est pas à la polémique mais à la mobilisation »
Interrogé par nos confrères de Corse-Matin, le Président du Directoire de la SNCM a voulu relativiser la situation, tant en termes économiques qu’à propos de la polémique qui se fait jour. « Le Napoléon-Bonaparte était en hivernage et son immobilisation ne touche pas l’exploitation du moment. Nous assurons toutes nos traversées et l’ensemble de nos obligations de service public (…) Nous allons devoir trouver dans les jours qui viennent une solution pour le service complémentaire de fin d’année, car est désormais certain que le Napoléon-Bonaparte ne sera pas réparé d’ici là. Il est encore trop tôt pour chiffrer le coût de la réparation. Il n’y aura donc pas non plus de marins en chômage technique car le bateau était désarmé ».
Concernant la polémique marc Dufour estime que « le temps (pour moi) n’est pas à la polémique mais à la mobilisation (…) Bien sûr que j’entends ces polémiques monter. Beaucoup sont les fruits de l’émotion. Je constate d’abord que nous avons connu un évènement climatique d’une violence rare (...) Cela fait 20 ans que nos navires sont positionnés là par décision du port et nous n’avons pas, à ma connaissance, connu de problèmes ». Ce n’est pas là la position de tous les marins et autres spécialistes consultés…
Un avenir économique incertain pour la SNCM
Quoiqu’il en soit et sans vouloir refaire l’histoire, il faudra maintenant que l’enquête menée par les experts apporte des pistes et des débuts d’explication pour éviter qu’un tel accident ne vienne encore à se reproduire, avec le risque de blessés voire pire à la clé. D’un point de vue économique, il est par ailleurs évident qu’un tel chantier de renflouage va avoir un coût exorbitant pour la SNCM, déjà dans une situation financière préoccupante.
D’autant que la compagnie prévoyait de se séparer du Napoléon-Bonaparte en 2014 car le bâtiment était considéré comme inadapté dans le cadre de la nouvelle délégation de service public (DSP) envisagée par l’Office des Transports de la Corse. Le coût des travaux de réparation aura sans nul doute une incidence non négligeable sur le prix de vente final du bâtiment, rendant ainsi encore plus difficile l’opération déjà compliquée.
Il en va de même pour la volonté affichée de la SNCM de renouveler sa flotte, qui passerait en outre par l’obligation de vente d’un autre ferry (probablement le Danielle-Casanova, semblable au Napoléon-Bonaparte) mais aussi d’un cargo mixte (certaines sources proches du port parlent déjà du Jean- Nicoli acquis il y a peu de temps).
Sans vouloir en rien présager des conséquences économiques et sociales funestes pour la compagnie et l'emploi, ce qui est sûr, c’est qu’en ce moment, la SNCM semble naviguer en pleine tempête.
Yannis-Christophe GARCIA
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Rospi (mardi, 30 octobre 2012 08:37)
Ca s'appelle "naviguer à vue" !!!!
Hassan Céhem (mardi, 30 octobre 2012 09:12)
Marseille, son port et la CGT.....no comment!!!
SCHETTINO (mardi, 30 octobre 2012 12:50)
CÉLOUI LÀ IL Ê PIRÉ QUÉ. MOUA !!!
Santiago (mardi, 30 octobre 2012 12:53)
un grand bravo à ces incapables, qui laisse un bateau de cette envergure amarré n'importe ou !!!!
Au lieu de faire des grèves et compagnie, faite votre boulot plutôt !