C’est une première ! Les salariés des TPE (Très petites entreprises) sont appelés à voter, du 28 novembre au 12 décembre, par courrier ou par Internet, pour désigner sur sigle leurs représentants syndicaux. Craignant une faible participation, le syndicat CGT de Haute Corse lance une campagne d’incitation au vote et dénonce les ratés de cette première élection. Explications, pour Corse Net Infos, de Jean Pierre Battestini, Secrétaire départemental de la CGT de Haute-Corse.
- Qui est donc appelé, pour la première fois, à voter ?
- Les salariés des TPE, des Très petites entreprises de moins de 11 salariés. 30 00 salariés sont concernés en Corse, plus de 4,5 millions sur le plan national pourront, pour la première fois, exprimer leur choix pour un syndicat. Les autres ont droit aux délégués du personnel et aux comités d’entreprises.
- Pourquoi ces salariés étaient-ils, avant, exclus du droit syndical ?
- La réglementation du code du travail ne prévoit pas de représentants du personnel pour les entreprises de moins de 11 salariés, donc ils ne pouvaient pas voter. Ce n’est pas parce qu’ils vont voter qu’ils auront le droit, tout de suite, de créer un syndicat, mais déjà ils pourront donner leur avis. Nous, à la CGT, nous utilisons aussi ce vote pour les aider à construire des syndicats départementaux de profession ou de branche.
- C’est-à-dire ?
- Par exemple, pourquoi pas un syndicat CGT de Haute Corse d’employés de tous les salons de coiffure ou de tous les petits commerces ou encore des professions libérales comme les cabinets dentaires ou de radiologie ! Le but est justement d’avoir droit à des négociations salariales par branche et par département pour que les salariés des TPE soient aussi des salariés comme les autres.
- Sans syndicat, qui les défend ?
- Le code du travail au dessous duquel aucun patron ne peut descendre et l’inspection du travail. Ces salariés peuvent aussi venir à l’union départementale CGT voir nos militants pour qu’on les aide à formuler des revendications. Dans les TPE, il n’y a pas de représentants syndicaux, il n’y en aura pas demain non plus !
- Qu’est-ce qui a permis la tenue de ces élections, aujourd’hui ?
- La loi sur la représentativité que la CGT a portée en 2008. Nous voulions autre chose, que des gens se présentent par territoire avec des listes de noms pour identifier le vote. Mais on ne désespère pas qu’après ce vote, ces salariés puissent se regrouper et s’organiser avec les syndicats qu’ils auront choisis pour défendre leurs intérêts en commun.
- Ne vote-t-on pas pour un nom ?
- Non, il n’y a pas de listes syndicales, les salariés ne voteront pas pour des noms, mais pour des sigles : CGT et ceux d’autres syndicats. Ils auront le choix. Nous les appelons à voter CGT parce que nous nous battons au niveau national, comme au niveau local, pour améliorer leurs conditions de travail. Ce sont souvent des salariés à temps partiel, qui ne bénéficient pas des avantages que peuvent obtenir les autres salariés, comme les chèques restaurants, les chèques vacances ou les couvertures mutuelles. Pour qu’ils deviennent des salariés comme les autres, nous les appelons à se mobiliser fortement et à voter CGT.
- N’est-ce pas un peu ambigu de voter pour élire des représentants syndicaux qui n’ont pas de nom ?
- Oui. La CGT voulait que ces salariés puissent élire leurs représentants syndicaux. Non pas par entreprise, mais par branche. On voulait que la personne élue représente l’ensemble des entreprises du secteur des TPE, notamment par branche professionnelle de l’artisanat et des services. Cette mutualisation de moyens permettrait des conventions collectives régionales. Par exemple, dans la coiffure, le représentant élu parlerait au nom des centaines de salariés.
- Quel est, donc, l’intérêt de voter ?
- Le fait, que les salariés s’expriment, est déjà une avancée. La remontée des votes de toute la France va déterminer la représentativité au niveau régional, comme au niveau national. Par exemple, dans la branche de la coiffure, ne pourront discuter que les syndicats qui recueillent plus de 10 % des voix. Ce vote permettra d’asseoir la représentativité légitime des syndicats au plan régional et national. Nous espérons, dans une deuxième phase, créer des syndicats régionaux et départementaux qui pourront représenter les salariés de manière plus précise.
- Vous pointez un problème sur les modalités de vote. Quel est-il ?
- Les pouvoirs publics et le ministère du travail n’ont, pour l’instant, fait aucune publicité sur ce vote, alors qu’il est très important. Il n’y a pas d’urne, on ne vote pas dans son entreprise. Les gens peuvent voter soit par correspondance puis qu’ils vont recevoir tout le matériel chez eux, soit par Internet. Ils peuvent venir à la CGT avec leurs documents, nous mettons des ordinateurs à leur disposition et nous les aidons à voter par Internet. Il faut faire connaître ces modalités de vote pour qu’un maximum de salariés s’emparent de cette élection et s’expriment. Le vote est secret et anonyme. Les patrons ne sauront pas que leurs salariés votent et pour qui ils votent. Donc, nous les invitons à utiliser ce vote pour être entendus.
- Pourquoi les salariés auraient-ils peur de voter ?
- Aujourd’hui, quand on pose la question à un salarié : « pourquoi ne vous syndiquez-vous pas ? ». 1 sur 2 répond : « par peur des représailles ! ». Malheureusement, le fait syndical n’est pas encore établi dans toutes les entreprises, notamment dans les petites. Nous invitons les salariés à lire toutes nos propositions que ce soit pour la prime de trajet en Corse, pour les conventions collectives, les tickets restaurants… Nous nous battrons à leurs côtés pour qu’ils ne soient plus des salariés de seconde zone comme c’est trop souvent le cas.
- Cette peur repose-t-elle sur des faits ? Y a-t-il vraiment des représailles ?
- Pas plus tard qu’hier, dans des entreprises, des salariés, qui voulaient créer un syndicat, ont été menacés de licenciement. C’est malheureusement très fréquent et pas seulement dans les TPE ! Bien souvent, dans les TPE règne une bonne entente avec l’employeur qui est un artisan. Implanter un syndicat dans une grosse entreprise, alors que c’est la loi, c’est autorisé et même encouragé, relève du parcours du combattant. Notamment en Corse !
- Ces salariés n’ont pas de culture syndicale. N’y a-t-il pas de la part des syndicats tout un travail à faire à ce niveau-là ?
- Nous allons essayer de leur faire connaître leurs droits. Même si, pour l’instant, ils n’ont pas de syndicat dans leur entreprise, ils ont quand même des droits prévus par le Code du travail. Ils ont droit à des augmentations de salaires, à tel ou tel congé, au paiement des heures supplémentaires. Ils peuvent avoir droit à des tickets restaurants, à des chèques vacances que l’on pourrait mettre en place au niveau inter-entreprises. Ils ont droit aussi à une couverture mutuelle, prise en charge en partie par l’employeur, et au 13ème mois. Toutes ces choses bénéficient à beaucoup de salariés, mais très peu à ceux des TPE.
- Pourquoi le ministère du Travail estime-t-il la participation à seulement 15 % des salariés ?
- Parce que le taux d’abstention risque d’être très important. D’abord, il faut que tous les salariés soient inscrits pour voter. Ensuite, que le matériel arrive à domicile, les déménagements et les changements d’adresse peuvent générer beaucoup de pertes. A partir du 15 novembre, les salariés vont recevoir des paquets d’informations à la maison sans savoir vraiment ce qu’il en est. Ils peuvent croire que c’est de la publicité et le jeter à la poubelle parce qu’ils ne sauront pas que c’est du matériel pour voter. Nous irons voir les salariés, là où ils se trouvent pour leur donner des informations, pour qu’ils se saisissent de ce vote qui pourra s’effectuer du 28 novembre jusqu’au 12 décembre au soir. C’est parce que nous craignons une forte abstention que nous lançons notre campagne.
Propos recueillis par Nicole MARI
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