Le procès des 16 personnes, dont six seulement étaient présentes à l’audience, accusées d’avoir mis en place un réseau crapuleux pour faciliter le séjour d’étrangers, originaires du Maghreb, sur le sol français, s’est achevé, mercredi matin, avec les plaidoiries de la défense. Les avocats du médecin et de l’avocat mis en cause ont, tous deux, demandé la relaxe. Le jugement a été mis en délibéré.
Ce mercredi matin, les avocats des deux principaux prévenus, qui achevaient les plaidoiries de la défense, se sont évertués à déplacer le champ des responsabilités pour dédouaner leurs clients des accusations de trafic organisé visant à délivrer frauduleusement des titres de séjours à des Algériens sans papiers. Que ce soit Me Jean-Marc Lanfranchi, conseil du docteur Louis Ansalvi ou Me Jean-Paul Eon, conseil de l’avocat Me Jean-Marie Peres, ils ont plaidé la bonne foi de leurs clients et tenté de renvoyer la balle dans le camp d’une administration dont le laxisme laisse pantois.
Une question de procédure
« Mon client n’avait pas conscience de commettre une infraction. Il a juste suivi la procédure », déclare, tout de go, Me Lanfranchi. Le Dr Louis Ansalvi, médecin agréé par l’ancienne DDASS (Direction départementale des affaires sanitaires et sociales), était habilité à examiner des étrangers en situation irrégulière, demandeurs de permis de séjour pour raisons médicales. En moins de six mois, il a délivré plus de 400 certificats médicaux à des Algériens venus de toute la France qui allaient, ensuite, constituer un dossier de régularisation provisoire chez Me Peres. L’avocat se chargeait de faire établir, par des tiers, des certificats d’hébergement et de déposer, en personne, le dossier à la préfecture de Haute-Corse contre un récépissé permettant au bénéficiaire de rester trois mois supplémentaires sur le sol français.
Pour le bâtonnier Lanfranchi, « Les certificats médicaux n’étaient pas des faux. Il n’y a pas eu de faux documents, mais des attestations ». Il estime que rien ne prouve, ni ne démontre que son client a détourné la procédure. La preuve : « Le contrôleur de la DDASS n’avait pas, à l’époque, sanctionné le médecin et l’administration ne s’est pas constituée partie civile ».
Des arguties juridiques
Un argument repris par Me Eon qui déclare qu’un avocat « ne peut pas, sans manquer à son devoir professionnel, mettre en doute les attestations et les certificats produits par son client. C’est à l’administration de vérifier ». Son client, Me Peres étant, également, poursuivi pour recel de faux, il se lance dans toute une série d’arguties juridiques pour tenter de démontrer que « Rien ne prouve que les fausses attestations de logements ont été en la possession de mon client car elles ont été saisies à la préfecture ». Il va, de la même manière, tenter de déminer, une à une, toutes les accusations du ministère public, plaidant longuement, à la fois, le fond et la forme en centrant son argumentaire sur une ligne de flottaison : mon client n’a rien à se reprocher, la responsabilité est ailleurs ! Il pose la question du rôle moral et déontologique d’un avocat dont l’une des activités principales serait, en substance, d’expliquer à son client ses marges de manœuvre vis-à-vis de la loi.
Les failles de l’administration
Pour les deux avocats, la vraie faute incombe à l’administration, « à son laxisme étrange, ses procédures fantaisistes, ses disfonctionnements aberrants ». Elle a un pouvoir de vérification dont elle n’a pas usé. « L’élément essentiel est l’attestation de logement qui ne permet pas de déposer un dossier médical. Pour cela, il faut un certificat de résidence. L’administration aurait du, sur ce simple fait, rejeter le dossier au stade du guichet. Elle ne l’a pas fait. Le médecin de la DDASS aurait du recevoir les demandes et les vérifier. Il a donné des avis favorables sans faire la moindre vérification. Il a violé la loi de manière manifeste. A quel point, l’administration est-elle l’artisan de cette situation ? », s’interroge Me Eon. Il a effectivement beau jeu de fustiger les carences inexplicables d’une administration qui ont, certainement, favorisé l’ampleur de la fraude.
Les fautes des uns sont-elles effacées par les fautes des autres ? Le tribunal devra répondre à la question. Les avocats ont demandé la relaxe pure et simple de leurs clients les qualifiant de « boucs émissaires » et de « victimes d’un acharnement judiciaire ».
Le jugement, mis en délibéré, est attendu le 9 octobre, à 14 h.
N. M.
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