Marie-Arlette Carlotti, ministre déléguée aux personnes handicapées et à la lutte contre l'exclusion, effectue, ce jeudi après-midi et vendredi matin, une visite éclair à Bastia pour examiner la situation du handicap dans le département. Une situation jugée exemplaire dans un domaine sensible où, globalement, la France accumule les retards.
C’est la 1ère visite officielle d’un membre du nouveau gouvernement en Corse. Et elle a tenu, dit-elle, à être la première à fouler le sol insulaire.
Marie-Arlette Carlotti, ministre déléguée aux personnes handicapées et à la lutte contre l'exclusion, a, d’abord, été reçue, ce jeudi après-midi, à la mairie de Bastia où elle s’est entretenue quelques instants avec Emile Zuccarelli, avant de rejoindre la nouvelle Maison départementale des personnes handicapées de Haute-Corse (MDPH 2B) où l’attendait son président, Joseph Castelli. Entourée, notamment de Pierre-Marie Mancini, conseiller général de Belgodere, en charge par délégation du handicap au sein de la MDPH, Hyacinthe Mattei, le conseiller général de L'Ile Rousse, et de Jean-Jacques Coiplet, le directeur de l’ARS (Agence régionale de santé), elle a rencontré le personnel administratif de cette structure qui est, sur le département, le guichet unique d'accueil, d'information et d'accompagnement pour toutes les demandes des personnes handicapées et de leurs familles. Dotée d’un budget de 1,5 million €, dont 42 % assurés par le Conseil général, la MDPH 2B a examiné et traité, en 2011, 6910 demandes liées à l’handicap.
Le modèle corse
Pour une fois, la Corse a été citée en exemple dans un domaine où la France fait figure de mauvaise élève. Un rapport de l'IGAS (Inspection générale des affaires sociales), commandé par l’ancien gouvernement, mais dévoilé par le nouveau, stigmatise le très lourd retard pris dans l'accessibilité des lieux publics pour les personnes handicapées. La France ne remplira pas l’objectif fixé par la loi handicap de 2005, qui oblige tous les établissements recevant du public à être aux normes d’accessibilité au 1er janvier 2015. L’IGAS évalue à seulement 15% le nombre d’établissements aux normes. La ministre va demander à tous les préfets d'établir un état des lieux précis des transports et des constructions sur l'ensemble du territoire.
Marie-Arlette Carlotti s’est, ensuite, entretenue avec les associations sur l’autisme en regrettant que ce trouble du comportement, qui touche 80 000 personnes, soit si mal pris en compte en France. Elle poursuivra sa visite, vendredi matin, à l’Atelier, un établissement et service d'aide par le travail (ESAT) situé à Montesoro où, là aussi, elle rencontrera le personnel. Certaines associations, comme l'APF (Association des paralysés de France) et le CISS (Comité interassociatif du sanitaire et social), qui n’ont pas été invitées à la visite ministérielle, ont déploré que la ministre ne rencontre pas les associations travaillant sur le handicap.
N. M.
« Je suis venue m’inspirer des choses qui fonctionnent bien »
La ministre déléguée aux personnes handicapées et à la lutte contre l'exclusion, également conseillère générale des Bouches-du-Rhône, s’est lancée dans une sorte de tour de France des structures liées à l’handicap qui marchent bien. En particulier, celle de Haute-Corse, dont l’efficience et le dynamisme l’ont ravie. Marie-Arlette Carlotti explique, à Corse Net Infos, qu’elle repart riche d’enseignements et que la France entend atteindre les objectifs fixés pour 2015 en matière d’accessibilité des lieux publics.
- Quel est le but de votre visite en Corse ?
- D’abord, je voulais, absolument, pour des raisons de cœur, être la première ministre du gouvernement de Jean Marc Ayrault à venir en Corse. J’y ai, notamment en Balagne, des attaches très particulières. Ensuite, comme je suis chargée de travailler sur les situations de handicap, pour être efficace et regarder les choses de près, je visite quelques MDPH (Maison départementale des personnes handicapées) pour voir comment elles fonctionnent, ce qui marche et ce qui ne marche pas. Je suis, donc, venue en Corse parce que la MDPH de Haute-Corse et l’ESAT (Etablissement et services d'aide par le travail) sont des structures qui marchent bien. On parle surtout des difficultés de la Corse, il faut aussi parler de ses atouts. Je repars, riche, d’enseignements.
- Lesquels ?
- Il est intéressant de voir une MDPH dynamique qui traite énormément de dossiers avec des méthodes modernes, de pointe, notamment informatiques, et des équipes très performantes et déterminées. Les délais, ici, sont plus courts qu’ailleurs. Les dossiers sont traités dans les temps. Les associations sont respectées. Le tissu associatif sur le handicap est riche et actif. Je suis venue m’inspirer de ces choses qui fonctionnent bien.
- En ce domaine, la Haute-Corse peut-elle servir de modèle ?
- D’abord, le handicap est largement décentralisé. C’est une compétence des départements. On envisage d’aller plus loin dans la décentralisation, c’est peut-être un des domaines où il faut qu’on avance et qu’on progresse. On va voir si on peut laisser un peu plus de marge de manœuvre aux départements, notamment sur le fonctionnement des MDPH, tout en respectant le rôle et le pouvoir des associations qui sont parties prenantes dans la gestion des dossiers.
- C’est-à-dire ?
- Il faut faire très attention. On ne peut pas enlever des compétences aux associations qui ont un rôle très important. Elles ont de vraies compétences et veulent les garder au sein de la MDPH. Elles travaillent très bien et en bonne entente avec les fonctionnaires de l’Education nationale et du Conseil général.
- Les transferts de compétences vont-ils s’accompagner de transferts de moyens ?
- On n’en est pas là ! Aujourd’hui, on travaille sur la décentralisation. Les moyens, on verra après ! Chaque fois qu’on décentralisera, les moyens suivront, mais des moyens limités. La crise est grave, son ampleur nous surprend. La situation financière est très délicate et impose la rigueur. Le gouvernement a deux fers au feu : la justice sociale et fiscale pour que ce ne soit pas toujours les mêmes, les plus démunis et les couches moyennes, qui payent, mais aussi résorber le déficit par une gestion correcte des deniers publics, ce qui n’a pas été le cas précédemment. On fera les deux, mais pas au dépend des personnes en situation de handicap car la justice sociale et fiscale passe, aussi, par le respect de ces personnes. On fera des économies dans ce secteur, comme dans tous les secteurs, mais pas plus qu’ailleurs !
- Comment réagissez-vous au rapport de l’IGAS qui dit que les objectifs prévus pour 2015 en matière d’accessibilité ne seront pas atteints ?
- J’en pense le plus grand mal. Effectivement, la loi de 2005, qui prévoyait une accessibilité universelle au 1er janvier 2015, n’a pas été conduite politiquement. C’est une grande loi de la République qui permet l’accessibilité des lieux publics à toutes les personnes en situation de handicap et à toutes les formes de handicap. Mais il n’y a pas eu d’échéancier, pas de calendrier intermédiaire. On se rend compte que l’objectif ne sera pas atteint. Pire, on le sait depuis pas mal de temps. Le rapport de l’IGAS (Inspection générale des affaires sociales) a été commandé par le gouvernement précédent. Il a été livré en octobre 2011 et, depuis, il est sous le coude.
- Pourquoi, selon vous ?
- Parce qu’il devait déplaire ! Le gouvernement précédent communiquait quand c’était intéressant pour lui et se taisait quand ça ne l’était pas ! Ce dossier n’était pas intéressant puisqu’il montrait un manque de volontarisme. Une loi de plus et pas de moyens pour l’appliquer ! On était habitué à ça, mais, maintenant, c’est fini, ce n’est plus la politique du nouveau gouvernement.
- Qu’allez-vous faire sur ce dossier ?
- Je veux aller vite, dire la vérité, jouer la transparence, mais pas seulement ! Je veux essayer de trouver des dispositifs pour atteindre les objectifs. Le 1er ministre a donné une mission parlementaire de trois mois sur le bâti et les transports à une sénatrice, Mme Campion, qui a déjà travaillé sur ce dossier handicap et qui connaît très bien ce problème. En fin d’année, elle dira si ce qu’ont préconisé les inspecteurs de l’IGAS est réalisable et avec quel calendrier. Tout en sachant que l’accessibilité, c’est d’autres choses aussi. Je vais travailler dans d’autres domaines ou pour d’autres formes de handicap que le handicap moteur. Mais sur le bâti et les transports, il y a urgence à agir et à faire des propositions. Une circulaire sera envoyée aux préfets leur demandant d’établir un constat de ce qu’il reste à faire dans ce domaine, tant dans les collectivités territoriales que dans les entreprises. Une fois que nous aurons tous ces résultats, nous ferons un échéancier qui intègre l’objectif fixé.
- Les objectifs ne sont-ils pas remis en question ?
- On conserve les objectifs. On va voir si on peut assouplir les normes. Je sais que ça ne plait pas à tout le monde, mais si le plan incliné n’est pas au degré voulu et qu’il permet à la personne de rentrer dans l’établissement… ! Les normes sont compliquées, démobilisent quelquefois les gens. Il faut avancer.
Propos recueillis par Nicole MARI
Écrire commentaire
Indépendance Royale (jeudi, 20 septembre 2012 16:46)
Cette visite a été l'occasion de revoir les atouts et les faiblesses de la Corse en termes d'accueil des personnes en situation de handicap. Le bilan semble plutôt positif !
monte escalier (jeudi, 27 septembre 2012 21:13)
Apparemment, la ministre voulait donc puiser de nouvelles énergies pour poursuivre sa mission qui est de veiller à l'accessibilité des handicapés. Effectivement, le bilan négatif de la France en général, n'a pas empêché certaines régions de connaître un bilan positif et on félicite la Corse pour ses résultats.