La CGT interpelle la CTC sur les priorités des Corses

Au lendemain de l’intervention télévisée de François Hollande qui confirme la politique de rigueur, le syndicat CGT de Haute Corse monte au créneau et affirme que la seule solution pour sortir de la crise et réduire le chômage est de tourner la page de l’austérité. Il interpelle l’Assemblée de Corse (CTC) qui, focalisée sur le débat institutionnel, se trompe, selon lui, de priorité et lui demande de concentrer plutôt ses efforts sur l’emploi, la vie chère, le prix des carburants et l’accès au logement. Explications, pour Corse Net Infos, de Jean Pierre Battestini, ecrétaire départemental de la CGT de Haute-Corse.

- Vous définissez les priorités des Corses. Quelles sont-elles, selon vous ?

- Elles sont les mêmes que celles de nos collègues au niveau national : la question du chômage et de la précarité. Mais, ici, elles sont aggravées par la question de la cherté de la vie. Aussi faut-il vraiment une politique de relance de l’emploi ! Il faut aussi stopper les suppressions d’emplois dans le service public. C’est, certes, fait dans l’éducation nationale, mais on va continuer à supprimer beaucoup d’emplois ailleurs, ne serait-ce qu’au ministère des finances, par exemple. Il faut savoir que les gens qui se présentent au guichet pour avoir des documents cadastraux sont refoulés puisqu’il n’y a plus de personnels sur place. Ils sont obligés de se débrouiller tous seuls sur Internet, s’ils l’ont. Il faut vraiment un soutien à la politique de l’emploi, ce à quoi, malheureusement, semble avoir renoncé François Hollande !

 

- Pourquoi interpellez-vous l’Assemblée de Corse ?

- On ne comprend pas trop ce énième débat institutionnel qui fleurit à la CTC alors que le social est la priorité des Corses. Les gens ont des difficultés à se loger, à payer l’électricité, beaucoup de salariés saisonniers ne sont pas payés… On souhaiterait que la CTC s’intéresse vraiment aux problèmes corses, se penche sur la question sociale et prenne à bras-le-corps ces questions de vie chère.

 

- Vous l’interpellez notamment sur le prix du carburant. Que demandez-vous ?

- L’essence frôle 1,80 € en Corse. Compte tenu de la distance et de la faiblesse des transports en commun, il faut agir. Le gouvernement a agi, même si c’est insuffisant, en faisant baisser le prix de 6 centimes. En Corse où la TVA est plus faible, il n’y a pas de raison qu’on paye l’essence 15 centimes de plus que la moyenne nationale. Donc, là aussi, on demande que la CTC organise, sur la question de l’essence, une table ronde avec tous les acteurs locaux pour faire baisser les prix d’au moins 6 centimes, ce qui permettrait d’avoir des prix plus proches de ceux du continent.

 

- Vous soulevez le problème de la prime de transport qui n’est pas renouvelée. Qu’en est-il exactement ?

- Nous avions négocié, il y a trois ans, avec l’ensemble des partenaires patronaux et syndicaux, une indemnité de trajet régionale de 200 € par an pour l’ensemble des salariés du privé afin de compenser le coût du trajet domicile-travail. La CGPME (Confédération générale des petites et moyennes entreprises de Corse), qui est une organisation patronale, a refusé de prolonger cet accord. Nous sommes très inquiets pour ces milliers de salariés corses qui en bénéficiaient. On voit bien qu’il y a besoin de se mobiliser !

 

- Vous accusez le patronat corse d’avoir déclaré la guerre aux salariés. De quelle manière ?

- Je ne sais pas si les patrons sont influencés par les débats qui se tiennent aujourd’hui sur un nouveau statut d’autonomie pour la Corse… mais, par exemple, dans le transport, ils veulent que les statuts soient alignés sur le moins-disant social. Ils disent que payer tout le monde au statut le plus faible pourrait faire baisser le coût du transport. Pour nous, c’est très inquiétant. Cela signifie revenir sur les garanties du code du travail français. C’est une déclaration de guerre contre les droits des salariés ! Le patronat corse rêve d’un SMIC à moins de 1000€. Nous savons très bien qu’en Corse, le SMIC est insuffisant, compte tenu de la vie chère et des besoins des gens. Le patronat corse, comme national, est vent debout contre les mesures sociales qui pourraient être prises. Il y a besoin que les salariés s’unissent pour riposter à ces attaques.

 

- Vous demandez une réunion avec le Préfet de Corse sur la situation de la fonction publique. Dans quel but ?

- Le gouvernement a acté la fin de la RGPP (Réforme générale des politiques publiques), c’est-à-dire la suppression d’un fonctionnaire sur deux qui partait à la retraite. La RGPP a coûté 1000 emplois en Corse. Il faut maintenant faire un bilan, un état des lieux des services publics en Corse pour essayer d’améliorer les choses parce qu’on ne peut pas rester en l’état. Il faut également augmenter le pouvoir d’achat des fonctionnaires qui est bloqué  depuis trois ans. Les services de proximité ferment. Dans les regroupements de services, les agents ne savent plus quoi faire, le public est désorienté. Or, les services publics, que ce soit la santé, l’école, les finances, le service à l’emploi, le logement, la jeunesse et les sports, sont essentiels pour aider les gens à  trouver des solutions à leurs problèmes.

 

- Que proposerez-vous lors de cette réunion ?

- Le gouvernement a donné consigne aux préfets dans toutes les régions de faire les états-généraux des services publics. Nous allons y aller avec nos propositions pour redonner de la vigueur au service public et créer des emplois statutaires pour répondre aux besoins des gens. C’est un moteur essentiel de la relance de l’économie.

 

- En quoi consiste cette grande campagne d’information que vous lancez ?

- Nous allons nous adresser aux 40 000 salariés corses qui travaillent dans les TPE, Très petites entreprises, c’est-à-dire les entreprises de moins de 11 salariés, et qui, pour la 1ère fois, vont pouvoir voter pour élire leurs délégués du personnel, leur représentativité. On sait très bien que c’est, dans ces entreprises-là, que les salaires sont les plus faibles, qu’il n’y a souvent ni mutuelle, ni ticket-restaurant, ni prise en charge collective de soutien des salariés. Il y a besoin d’aller au contact de ces salariés pour qu’ils votent massivement pour la CGT et que leur situation change dans le bon sens.

 

- Lors de son intervention dimanche soir, François Hollande a reculé  sur nombre de ses promesses phares de campagne. Comment réagissez-vous ?

- Nous disons aux gens de ne pas se résigner. C’est pour cela que le 9 octobre, nous les appelons à se mobiliser, partout, pour l’emploi, que ce soit nos camarades de Peugeot qui sont licenciés, mais aussi en Corse où nous assistons tous les jours à des licenciements dans le bâtiment et le commerce. Il faut absolument rappeler à François Hollande ses promesses de s’attaquer à la finance, aux patrons voyous, aux actionnaires voraces… Que fait-il maintenant ? Il baisse la garde. On sait très bien que cette politique va avoir, en France, les mêmes résultats qu’en Grèce ou en Espagne, qu’elle va conduire le pays à la récession, à la montée du chômage et à l’accroissement de la dette. Il faut absolument changer de cap !

 

- Etes-vous déçu par ce gouvernement de gauche ?

- Déçu, mais combattif. On ne regrette pas d’avoir contribué à faire battre Nicolas Sarkozy, parce que vraiment, s’il était passé, son 2ème mandat aurait été l’enfer pour le monde du travail. Il était aussi pour le respect strict du pacte européen de stabilité qui limite les possibilités sociales des gouvernants. Il méprisait les syndicats. Dans les discours du nouveau gouvernement, on sent la volonté de discuter avec les syndicats, même si, pour l’instant, les mesures positives se font attendre. En même temps, le changement de politique ne se fera qu’avec la mobilisation des gens. La CGT y est prête. En espérant que ce gouvernement, qui est respectueux de la volonté des salariés et des syndicats, prendra des mesures pour éviter, notamment, des licenciements boursiers dont les plans sociaux arrivent les uns après les autres. Cette situation n’est pas acceptable.

 

- La forme et la méthode changent, mais ne craignez-vous pas que le fond reste le même ?

- On verra. L’avenir nous le dira. Il y a une volonté très forte dans ce pays, comme en Europe puisque l’action du 9 octobre est coordonnée au niveau européen, pour ne plus rester en l’état. De plus en plus de gens commencent à réfléchir sur ces dogmes européens de structure budgétaire, de déficit… Des économistes font des propositions alternatives pour éviter cette austérité qui mène dans le mur. Les choses bougent. Rien n’est figé. Nous sommes confiants dans la mobilisation des salariés pour faire évoluer les choses.

                                                                                Propos recueillis par Nicole MARI

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