Pantaleon Alessandri : « Il est très important de rénover la châtaigneraie qui dépérit »

 

 

Menuisier et président de l’Association « I legni di Castagniccia », Pantaleon Alessandri explique, à Corse Net Infos, l’état de la sylviculture en Castagniccia. Il plaide pour la qualité, parfois méconnue, des bois locaux et pour sauver, à la fois, la châtaigneraie qui dépérit et un savoir-faire ancestral qui disparaît.

- Dans quel état est la sylviculture en Castagniccia ?

- Le désintérêt total des propriétaires de châtaigniers a fait complètement oublier les règles de la sylviculture en Corse et tout un savoir-faire s’est perdu. Or, la sylviculture est une activité  économique intéressante. Les pouvoirs publics et des organismes comme l’ODARC ont commencé à intervenir et ont entrepris, en Castagniccia, un très important travail de rénovation, mais qui doit se faire en cohérence pour dégager des moyens économiques qui inciteront les propriétaires à rénover leurs propriétés. On ne peut pas parler de rénovation, sans présenter aussi son intérêt économique. Il faut montrer aux propriétaires que l’entretien et la rénovation de leurs châtaigneraies peuvent rapporter un revenu.

 

- Travailler sur la châtaigneraie, est-ce aussi un moyen de la pérenniser ?

- La châtaigneraie est d’abord un verger qui a été planté par l’homme, entretenu par l’homme et qui ne peut vivre que si l’homme continue son activité d’entretien. Un châtaignier doit être planté, greffé, taillé. Quand il arrive à maturité, il n’est pas mauvais de le couper et d’en replanter un autre. Ce qui ne se fait plus depuis des années. Il n’y a plus de plantations nouvelles. Quand aux châtaigniers qui poussent naturellement, ils subissent des dégâts importants par les animaux en divagation qui mangent les jeunes pousses. Ce qui fait qu’il n’y a plus, aujourd’hui, de châtaigniers de 30 ans. La châtaigneraie dépérit et, dans certains endroits, la forêt naturelle d’autrefois, c’est-à-dire le chêne, revient. Mais comme il revient de façon naturelle, il est inexploitable. On peut, à la limite, en faire du bois de chauffage.

 

- Pourquoi est-il inexploitable ?

- Parce qu’il n’est pas planté et pas élevé. Il faut 300 ans pour faire une belle forêt de chênes Les chênaies françaises ont été plantées à l’époque des rois de France. Ici, nous n’en avons pas, nous avons un autre bois, le laricio, mais il n’y en a pas en Castagniccia.

 

- Est-ce pour cette raison que vous avez choisi de travailler aussi d’autres bois, en plus du châtaignier ?

- Nous nous sommes aperçus qu’il serait très difficile de faire tourner la scierie rien qu’avec du châtaignier parce que la châtaigneraie est en très mauvais état. Elle a été abandonnée. Il faudra des années, s’il y a une volonté politique, pour la remettre en bon état sanitaire. Nous allons donc nous tourner vers d’autres bois, peu utilisés en Corse, notamment le hêtre qui pousse, en grande quantité, dans des forêts qui ont été entretenues par l’ONF (Office national des forêts) pendant des années.

 

- Même en Castagniccia ?

- Oui. Il y a une très belle hêtraie en Castagniccia sur tout le massif du San Pedrone, qui s’étend jusqu’au dessus d’Alesani et descend de l’autre côté du Boziu. On pense, également, à l’aulne, un bois qui, ici, n’est pas reconnu pour ses qualités, mais est excellent pour faire des meubles. Il est très utilisé par les Italiens qui en achètent parfois des quantités importantes en Corse. Ils le transforment en meubles en merisier qui se vendent très bien. Il faut prendre conscience des qualités de nos bois locaux et demander aux professionnels de les utiliser.

 

- La châtaigneraie dépérit. N’est-ce pas du aussi aux maladies ?

- La maladie se répand. Depuis des années, nous sommes confrontés au chancre et à l’encre et, maintenant, à  une nouvelle maladie. Les castanéiculteurs, qui font de la farine à châtaigne, vont avoir des difficultés. Il faut soigner la châtaigneraie pour obtenir une production, à la fois, fruitière et forestière. Beaucoup d’arbres, aujourd’hui, sont bâtards parce qu’ils n’ont pas été greffés et font, néanmoins, de très belles charpentes. L’arbre à fruit, greffé à 2 m ou 2,50 m et taillé régulièrement, est très veinuré et donne de très beaux bois. La veinure est une qualité des bois corses, très recherchée en ébénisterie. C’est une richesse que l’on ne peut pas laisser dépérir. Il faut revenir à des procédés anciens qui ont fait leurs preuves et prendre en compte les savoirs faire locaux.

 

- C’est-à-dire ?

- Il existe, en Corse, une quarantaine de variété  de châtaigniers qui répondaient à des besoins différents. Avant, 80 % de la récolte de châtaigne servait à la nourriture des animaux. Les propriétés étaient disséminées un peu partout à cause des conditions climatiques, ce qui permettait d’obtenir toujours une production. Ce savoir n’a pas été pris en compte. Pendant des années, on a imposé à des jeunes castanéiculteurs de s’installer sur 5 ha d’un seul tenant. Ces conditions étaient une hérésie. Ensuite, on a voulu abandonner l’activité fruitière au bénéfice de l’activité forestière. C’est une autre hérésie parce qu’un châtaignier fruitier rapporte, chaque année, que ce soit en production fruitière ou en bois. Ne faire que du bois n’est pas possible et n’est pas rentable. Des techniciens formés ailleurs, qui n’ont aucune connaissance ni du lieu, ni des gens, ont imposé des normes et des techniques qui ne correspondent pas à la réalité économique, historique et sociale corse. Des conflits sont nés de cette méconnaissance de la réalité.

 

- Faut-il revenir sur ce qui a été fait avant ?

- Ce que les gens ont fait pendant des siècles, ils l’ont fait pour une raison bien précise, alors avant de changer, il faut essayer de comprendre pourquoi ils l’ont fait et comment ils ont acquis tout ce savoir-faire. On peut améliorer ce qui existe déjà, mais changer totalement au nom de règles qui viennent d’ailleurs ou d’expériences qui ont, peut-être, été positives ailleurs, mais qui n’ont jamais été faites ici, c’est perdre du temps et de l’argent !

 

- Reste-il beaucoup d’exploitants forestiers en Castagniccia ?

- L’offre venant d’ailleurs était si importante et à bas prix que les professionnels, petit à petit, se sont détournés des bois locaux. Les exploitants forestiers n’ont pas eu d’autre solution que de se rabattre sur des perspectives plus restreintes : le bois de chauffage et le piquet grâce au renouveau de la viticulture qui a créé des débouchés. Même si le nombre de menuisiers ou de charpentiers s’est réduit, l’activité se maintient grâce à une demande de savoir-faire et de travail traditionnel concernant la rénovation de mobiliers de maisons, d’églises et de monuments historiques. C’est un créneau à occuper. Mais, il faudrait que les professionnels du bois se tournent plus vers les bois locaux. D’autant que les bois, qui viennent d’ailleurs, sont de plus en plus chers à cause d’abord de la rareté due à la surexploitation des forêts naturelles en Afrique et des guerres, ensuite de l’augmentation des prix des transports. Certains bois africains coûtent désormais plus chers que les bois locaux. De nouvelles perspectives se dégagent.

 

- Les Corses doivent-ils retrouver le goût de leurs produits ?

- Oui. Bientôt, les matières premières locales vont être financièrement attractives. De nouvelles lois prévoient une plus grande utilisation du bois dans la construction car le bois est un très bon capteur de CO2 et est, à l’inverse de la pierre, un matériau renouvelable. On peut couper une forêt, la replanter et elle redonne du bois, de l’énergie, c’est un matériau écologique intéressant.

                                                                                  Propos recueillis par Nicole MARI

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Commentaires: 3
  • #1

    Remadi Jules (jeudi, 06 septembre 2012 09:31)

    seria ora !!!!!

  • #2

    Emelina Willmore (dimanche, 22 janvier 2017 00:09)


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