Les habitants de Castagniccia remontent au créneau pour sauver le couvent d’Orezza, situé sur la commune de Piedicroce. Ils lancent une pétition sur Facebook et une campagne de souscription. Les nationalistes de Femu a Corsica avaient déjà porté la question devant l’Assemblée de Corse, fin 2011, et obtenu l’assurance de Paul Giacobbi et le vote à l’unanimité d’une motion de sauvegarde. Saveriu Luciani, élu territorial, explique, à Corse Net Infos, que rien n’a été fait depuis neuf mois et qu’il est urgent que l’Exécutif tienne ses engagements.
- Que se passe-t-il, de nouveau, au sujet du Couvent d’Orezza ?
- L’association Terra è Omi di a Castagniccia lance une pétition pour sauver le couvent d’Orezza. Depuis plusieurs années, cette association organise, notamment, une merendella à Pâques à Piedicroce, pendant la Fiera di a Castagniccia. Elle a apposé, cette année, une plaque devant les ruines du couvent, sur le bord de la route, pour rappeler son importance dans l’histoire de la Corse et la nécessité de le restaurer. Elle avait, déjà, à cet effet, contacté Femu a Corsica, en octobre 2011, pour saisir l’Assemblée de Corse (CTC). Je m’étais donc emparé du problème.
- Qu’avez-vous fait alors ?
- J’avais posé, le 1er décembre 2011, une question orale au Président de l’Exécutif, Paul Giacobbi, qui est directement en charge de la culture et du patrimoine, et je l’ai complétée par une motion votée, le lendemain, à l’unanimité. La question s’appuyait sur la loi du 22 janvier 2002 qui, dans son article 9, permet à la CTC de définir la politique culturelle, de coordonner des études et d’établir des actions sur le patrimoine, les travaux de conservation et la mise en valeur des monuments historiques. Donc, la CTC peut, aujourd’hui, si elle s’en donne les moyens, restaurer et réhabiliter tous les monuments, notamment le couvent d’Orezza. Paul Giacobbi avait d'ailleurs établi une feuille de route.
- Que disait la motion ?
- J’ai soulevé un paradoxe. La Haute-Corse compte 94 monuments historiques. Le paradoxe est qu’en Castagniccia, tous les couvents sont classés monuments historiques : ceux de Zuani, de Sant’Antone di a Casabianca, de Boziu, de Merusaglia, de Cervioni et d’Alisgiani. Le seul, qui ne soit pas classé, est celui d’Orezza alors qu’il est historiquement le plus important avec Sant’Antone. La motion demandait, premièrement, de mobiliser tous les services spécialisés pour aboutir à court terme à un règlement de la question foncière permettant de lancer une campagne de restauration de l’édifice d’Orezza. Deuxièmement, son classement en monument historique.
- Qu’entendez-vous par règlement de la question foncière ?
- Le couvent est la propriété d’une famille et non celle de la commune de Piedicroce. Il a été vendu à des particuliers par l’Etat au 19ème siècle et est, aujourd’hui, en ruines. Pendant la 2nde guerre mondiale, l’armée italienne en avait fait son QG en Castagniccia et l’utilisait comme dépôt de munitions. Au moment de l’armistice avec les Alliés et de l’arrivée des Allemands, en septembre-octobre 1943, les Italiens firent sauter le dépôt de munitions et le couvent fut gravement endommagé. Le foncier est donc, pour l’heure, privé. Il est important de le racheter ou de le préempter.
- Qu’a répondu l’Exécutif ?
- Paul Giacobbi m’a répondu que la culture et le patrimoine faisaient partie des enjeux majeurs de la CTC. Il a donné une feuille de route avec trois axes intéressants. Le premier disait qu’il fallait, dans le cadre de la politique patrimoniale, mettre en réseau tous les lieux de mémoire, tous les centres d’interprétations et les musées.
- Que sont ces centres d’interprétations ?
- Ce sont des centres d’accueils originaux qui seront construits sur des sites remarquables du patrimoine historique corse pour aménager l’espace et accueillir le public, des expositions, des conférences, un musée, un parking, des parcours fléchés, etc. Un projet est en cours de réalisation à Cucuruzzu, sur le plateau de Levie, qui est un site préhistorique important. Un autre centre est prévu, à moyen terme, sur le site antique d’Aleria et un autre sur le site préhistorique du plateau de Cauria à Sartène.
- Quels sont les autres axes de la feuille de route ?
- Le deuxième est de mettre en place un pôle pour la conservation-restauration des monuments. Ce pôle doit assurer un accompagnement, à la fois, juridique, technique, administratif et scientifique de l’ensemble de l’opération. C’est un outil assez intéressant, mais j’ignore si, pour l’heure, il existe. Le troisième axe prévoit la mise sur pied d’un Observatoire de la culture et du patrimoine avec pour tâche essentielle, dans un premier temps, de faire le recensement général du patrimoine matériel, le patrimoine immatériel relevant d’autres cadres.
- La CTC ne s’était-elle pas engagée auparavant pour la préservation du patrimoine ?
- Dans la précédente mandature, la CTC avait pris, le 30 juin 2005, une délibération visant à se donner les moyens d’aider les petites communes jusqu’à 85% du montant total de la restauration des monuments. C’est une délibération importante puisqu’elle signifie que la CTC assume quasiment la totalité du coût de la restauration. Son intérêt est pluriel. Elle fait œuvre de mémoire, mais permet aussi à des couvents, comme celui d’Orezza, en plus d’être réhabilité et réaménagé, de contribuer au développement local, de pérenniser de manière économique le patrimoine et surtout de mettre en synergie tous les acteurs du terrain pour rendre cohérents les projets patrimoniaux et territoriaux.
- C’est-à-dire ?
- Le patrimoine n’est pas isolé. Il fait partie d’un programme de développement local tous azimuts qui met en jeu tous les partenaires : les communes, les intercommunalités, les associations, le département, la CTC… La conservation du patrimoine a un objectif économique évident et contribue, au même titre que la rénovation des sentiers par exemple, a un développement local, notamment dans des régions comme la Castagniccia qui ont grandement besoin de ce type de projets.
- Qu’a proposé Paul Giacobbi pour sauver le couvent d’Orezza ?
- Il avait dit que la question de sa sauvegarde était légitime et que la CTC apporterait son ingénierie à toute initiative allant dans le sens de la mise en valeur de ce monument. Et qu’il allait, je le cite, mot à mot, solliciter les collectivités locales intéressées, dès le premier semestre 2012, aux fins d’établir un diagnostic de cet édifice sur les plans juridiques, techniques et économiques. Au vu, des résultats de cette première analyse, il établirait un programme de valorisation concerté.
- Ces propositions ont-elles été suivies d’effet ?
- Eh bien, ça fait 9 mois, qu’on attend de passer des discours aux actes ! Pour l’instant, rien n’arrive. Rien de nouveau sous le soleil ! La situation est bloquée. C’est pour cela que l’association Terra è Omi di a Castagniccia remonte au créneau et lance une pétition.
- Vous remontez également au créneau. Que comptez-vous faire ?
- Je remonte souvent au créneau car le couvent fait partie d’une route historique, patrimoniale, exceptionnelle. Il est d’une importance extrême dans l’histoire de la Corse. Dès 1730, il est un haut lieu de la révolution corse où ont été prises des décisions politiques capitales. Nous allons, d’abord, voir l’impact de la pétition et, avec Femu a Corsica, essayer d’en parler à l’Exécutif. Si rien n’évolue d’ici à un mois, nous repartirons au feu à la prochaine session, pour reposer le problème, comme nous l’avons fait pour le Centre d’arts polyphoniques de Sartène (CAP). La CTC a pris un engagement par écrit avec une motion votée à l’unanimité, maintenant il faut le tenir.
- Où en est le Centre polyphonique de Sartène ?
- Un an et demi après sa mise en place, il n’est pas encore ouvert ! Il a été inauguré en décembre 2011. Depuis, non seulement il ne fonctionne pas, mais il n’a pas de locaux. Il occupait des locaux municipaux que la mairie a récupérés au printemps, depuis il ne fait rien.
J’ai reposé une question au printemps à l’Exécutif, mais, depuis quatre mois, toujours rien !
- Est-ce à dire que la CTC ne fait rien pour sauver le patrimoine ?
- En matière de culture, deux grandes questions se posent en Corse : sur le patrimoine matériel avec le couvent d’Orezza et sur le patrimoine immatériel avec le CAP de Sartène. Sur ces deux volets, il y a des retards à l’allumage qui sont dommageables. Il serait temps que la CTC agisse et passe du dire au faire. Les habitants de Castagniccia veulent défendre leur village, leur patrimoine, leur économie, il est important de les soutenir. La CTC doit prendre ses responsabilités sur la question et, au delà, sur le patrimoine où rien n’est fait. On mène une course contre le temps, que ce soit au niveau du patrimoine matériel comme immatériel, il est crucial que la CTC s’en préoccupe.
Propos recueillis par Nicole MARI
Une pétition et une campagne d'adhésion sont lancées à l'adresse suivante : Terra è Omi di a Castagniccia, Pantaléon Alessandri, Hameau de Petricaghju, 20229 Nucariu, sur le site internet mesopinions.com, ou sur Facebook.
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Éolienne (samedi, 01 septembre 2012 13:35)
Il y a des dizaines de couvents qui sont entretenus par des confréries locales...l'omi di castagnuccia auraient dû ,depuis longtemps se redresser les manches .Comme c'est facile de tout mettre sur le dos des collectivités ...La Castagnicia c'est le pays des châtaigniers ...mais on trouve aussi des saules pleureurs !
...un eu d'humour das ce monde de brutes
chailley-pompei (lundi, 08 juillet 2013 10:17)
En avril 2012 j'avais,sur le parvis du couvent,avec Paul SILVANI,Pantaléon ALESSANDRI et quelques autres,jeté les bases d'une association devant oeuvrer pour:
- la clarification de la situation juridique du monument (non classé,propriété privée...)
- la mise en chantier d'un programme de réhabilitation
- l'appel aux bonnes volontés de la Castagniccia
Depuis lors...à ma connaissance rien n'a bougé
Que sont les bonnes volontés de ce jour là devenues?
François CHAILLEY-POMPEI
CHIARELLI/JEANSEBASTIEN (mercredi, 06 décembre 2017 22:10)
Un projet de sauvegarde du Couvent d'Orezza est-il en route ?
Ou en sommes nous aujourd'hui ? Le couvent continue de se dégrader et il faudrait commencer rapidement des travaux de confortation du clocher