Emmanuelle de Gentili : « Nous sommes pour la diminution des dépendances, pas pour l’indépendance »

Figure de proue de la gauche progressiste bastiaise, membre du bureau national du Parti socialiste, Emmanuelle de Gentili a participé au débat des Ghjurnate di Corti sur l’évolution institutionnelle. La conseillère exécutive en charge des affaires européennes avance prudemment sur les notions de citoyenneté et de statut de résident, estimant qu’il faut d’abord en définir le contenu. Elle explique, à Corse Net Infos, que François Hollande écoutera les décisions prises au niveau local, mais qu’il y a encore des réticences à lever au sein même du PS.

- Quelle est la position du Parti socialiste concernant le foncier et la citoyenneté corse ?

- C’est une question d’actualité, mais qui n’est pas tranchée. Ce débat anime beaucoup nos rangs. Bien entendu, on ne peut pas le solutionner d’un coup de baguette magique. La solution n’est pas une solution simple, mais l’articulation d’un certain nombre de dispositifs. Il se peut que le statut de résident et la citoyenneté contribuent à cette solution. Pour autant, je ne crois pas qu’ils représentent, à eux seuls, une solution magique, tant le problème est important et dure depuis longtemps. Il faut, à mon sens, travailler à donner un vrai contenu à la dimension foncière derrière laquelle se décline la question du logement, du bien-être et des relations intergénérationnelles, donc des questions sociales sous-jacentes.

 

- Le travail en amont de la famille nationaliste, qui porte ce projet depuis des décennies, peut-il rejoindre le vôtre ?

- Le travail de chacun est important. A un moment donné, il converge. Depuis 2010, chacun arrive à dépasser les postures de son parti sur des projets concrets qui ont été mis en avant pendant les élections et intéressent la population. Ce travail prend en compte sereinement les préoccupations des Corses. Ce qui est essentiel. C’est pour ça qu’aujourd’hui, nous avons passé un cap, celui de réussir à regrouper des familles politiques très diverses, qui ne partagent pas nombre d’orientations.

 

- Quelles sont les divergences fondamentales ?

- Nous sommes, par exemple, pour la diminution des dépendances, mais pas pour l’indépendance. Nous travaillons, depuis plusieurs années, sur la diminution des dépendances énergétiques, agricoles, etc. C’est un travail de longue haleine. Ce n’est que par étapes que nous pourrons solutionner la question du développement de la Corse. Il faut un projet avec, derrière, des moyens, des outils comme la réforme de la constitution sur un certain nombre de points, la refonte des statuts, voire l’autonomie. Nous sommes favorables à une certaine autonomie, mais, là aussi, il faut définir son contenu. L’autonomie ne veut rien dire en soi, tout dépend du contenu.

 

- Vous êtes réservée sur la citoyenneté et le statut de résident. Que préconisez-vous concrètement pour résoudre la question foncière ? 

- La citoyenneté, je ne sais pas ce que ça veut dire ! Comment allons-nous définir le statut de résident ? Parce que je vis et je travaille en Corse, je vais être résident corse. Un membre de ma famille, qui travaille à l’extérieur parce qu’il y est obligé, n’aurait peut-être pas le statut de résident et ne pourrait peut-être pas investir ou racheter une maison en Corse ? Il faut approfondir cette notion, la définir en prenant en compte les contradictions et toutes les spécificités. La diaspora doit pouvoir être associée à ce dispositif ainsi qu’un certain nombre de personnes qui veulent participer au développement et au projet de la Corse. Là-dessus, nous sommes très loin d’avoir défini un contenu réel.

 

- Le PS sera-t-il favorable à ce qui se prépare en Corse ? Quel écho en avez-vous ?

- François Hollande, pendant sa campagne, a été très clair en parlant de la 3ème phase de la décentralisation. Il a dit qu’il ne fallait pas que la Corse s’inquiète dans la mesure où il ne cherche pas à la normaliser dans un travail de décentralisation, mais entend tenir compte de l’expérience que nous avons acquise en 30 ans de décentralisation grâce au statut particulier. Maintenant qu’il est Président de la République, je crois qu’il ira dans ce sens. Il nous a également explicité son souhait de voir la Corse montrer par l’exemple ce qu’elle désire et ce dont elle a besoin. Tout doit venir de nous. On ne doit pas attendre un Messie ou un président miracle. La situation, qu’elle soit locale, européenne ou internationale, est compliquée et nécessite du pragmatisme, du réalisme pour répondre aux enjeux du quotidien. François Hollande sera, bien entendu, un président à l’écoute.

 

- En tant que membre de la majorité gouvernementale, quelle sera votre action ?

- Je considère que, en tant que membres du PS, nous avons le devoir d’être les courroies de transmission pour faire remonter tout le travail, tout ce qui se passe, tout le ressenti de la population et éviter, qu’à un moment donné, il y ait des postures, même au niveau national. Parce qu’effectivement, même dans notre famille politique, il y a encore des gens qui sont réfractaires aux évolutions et aux changements pour la Corse.

                                                                                      Propos recueillis par Nicole MARI

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