Camille de Rocca Serra : « Faut-il une réforme constitutionnelle pour faire un PADDUC ? »

Les grandes orientations du futur PADDUC, Plan d'aménagement et de développement durable de la Corse, ont été adoptées, jeudi dernier, à l’assemblée de Corse par la majorité des élus, à l’exception du groupe de droite qui s’est abstenu. Co-auteur de la première mouture, tant décriée et jamais achevée, Camille de Rocca Serra, conseiller territorial UMP, revient, pour Corse Net infos, sur le document voté et fustige la confusion entre le PADDUC et la réforme constitutionnelle, les deux dossiers majeurs de la mandature.

- Que pensez-vous des orientations proposées ?

- Le document présenté n’est pas le PADDUC, mais une philosophie qui pose problème. Le PADDUC est un plan d'aménagement et de développement durable, c’est-à-dire un document stratégique qui doit avoir une déclinaison, une projection spatiale. Pour le moment, le document décline des idées et des concepts avec un aspect normatif plus ou moins caché, entre les mots prononcés par la conseillère territoriale, Maria Guidicelli, qui leur donne un certain sens, et la famille nationaliste qui veut leur donner un sens juridique. On est encore dans un flou bien orchestré.

 

- Où est le problème ?

- La question essentielle est : faut-il une réforme constitutionnelle pour faire un PADDUC ? Est-elle un préalable au PADDUC ? Dans ce cas, il n’y a pas lieu de débattre, allons à la réforme constitutionnelle ! J’ai bien compris qu’il y avait, en ce moment, un mariage tout à fait possible entre Pierre Chaubon et Maria Guidicelli. Les deux grandes réflexions sont en train de fusionner. Une fusion dans une fusion !

 

- Qu’entendez-vous par là ?

- Le Conseil exécutif dit que rien n’est possible sans une réforme constitutionnelle. Alors, mettons au point la méthodologie et le calendrier pour dégager une majorité, engager une réflexion et rencontrer le gouvernement pour connaître son approche. Parce qu’on peut toujours vouloir des choses sans jamais les obtenir ! Si le PADDUC est conditionné à la réforme constitutionnelle, il faut le préalable de la réforme constitutionnelle. Et donc, il n’y aura pas de PADDUC avant ! Si la réforme constitutionnelle ne se fait pas, est-ce que cela voudrait dire qu’il n’y aura jamais de PADDUC ? C’est une des ambiguïtés de la discussion. Tout cela est flou et, comme l’a dit si bien Martine Aubry, lorsque c’est flou, il y a un loup ! Là, il y a peut-être plusieurs loups qui se cachent ! Si on considère qu’il n’y aura pas de PADDUC sans réforme constitutionnelle, que celle-ci est déterminante et que rien ne peut se faire sans elle, ce que globalement veulent les nationalistes, il faut le dire clairement.

 

- Les élus ont salué la méthode adoptée par Maria Guidicelli, éreintant au passage celle qui a prévalu à l’élaboration du 1er PADDUC. Comment réagissez-vous ?

- Personne ne peut critiquer la méthode et la concertation qui ont prévalues. J’ai critiqué ma propre majorité dans la mandature précédente et prôné la concertation la plus large possible. En même temps, il faut un document stratégique qui puisse, après, faire l’objet de programmations.

 

- N’est-ce pas le cas ?

- Si on me dit demain : voulez-vous qu’il fasse beau tous les jours ? Je réponds : oui, peut-être. Voulez-vous rendre les gens heureux ? Je suis d’accord. Voulez-vous que les plus fragiles deviennent plus forts ? Je suis entièrement d’accord. Mais, comment fait-on ? Ce document fixe énormément d’objectifs très ambitieux mais quels seront demain les moyens pour mettre en œuvre et atteindre ces objectifs ? Si on me dit qu’on a tous les moyens financiers possibles pour les atteindre, qu’on me le démontre ! Soyons dans le réel. On n’a pas les moyens financiers. Sans moyens financiers, les objectifs resteront des mots. On ne peut pas vendre ce que l’on n’a pas en magasin.

 

- Etes-vous d’accord avec les points abordés, notamment la notion de peuple corse ?

- Il y a des points de convergence importante et des points de divergence. Cela ne me dérange pas qu’on parle de la langue et qu’on se donne les moyens de la sauver. Parler du peuple corse, tel qu’il a été défini et adopté par la CTC en 1988, c’est-à-dire une certaine identité historique et culturelle sans valeur normative, je suis d’accord. Mais lui donner une valeur normative implique de rentrer dans un autre débat. Comme pour la citoyenneté. Si pour faire un PADDUC, il faut la reconnaissance du peuple corse, la citoyenneté, la co-officialité de la langue… et donc une réforme constitutionnelle se déclinant par des lois organiques et ordinaires, cela pose la question du temps nécessaire. Soit, l’éternité pour faire un PADDUC ! Quel est le calendrier prévu ? C’est une question que je poserai au Président de l’exécutif.

 

- Que proposez-vous ?

- Un PADDUC, c’est très simple et très clair. Ce sont les scénarii du possible. Qu’est-ce qu’on doit interdire et totalement bannir ? Et qu’est-ce qui est possible dans les 30 ou 40 prochaines années ? Nous n’allons pas tout déterminer, définir l’alpha et l’oméga. Le législateur n’a pas dit, dans la loi du PADDUC, que nous devions tout faire pour l’éternité. Il y aura des majorités successives à la CTC et, donc, des évolutions. Le monde va bouger. Dans dix ans, ni Paul Giacobbi, ni Jean-Guy Talamoni, ni moi-même ne serons là ! D’autres élus auront, peut-être, une vision de la Corse qui ne sera pas celle que nous avons aujourd’hui. On ne peut pas tout figer. Faisons confiance aux Corses pour prendre en main leur destin et leur développement. Ce n’est pas une économie administrée qui va régler le problème de la Corse.

 

- Qu’est-ce qui doit être banni ?

- Le mot bannir est un peu fort. Nous ne voulons plus être dépendant en termes de société de consommation, mais devenir une terre de production. Entièrement d’accord ! Comment arrive-t-on à le faire ? En excluant les uns, les autres ? Prenons un exemple simple : le foncier. On ne va pas déposséder les propriétaires de leurs terres. Même une réforme de la Constitution ne va pas enlever, dans le Préambule de la Constitution, ce qui est un acte essentiel de l’article 2 des Droits de l’Homme et du Citoyen et qui rend inaliénable la propriété. On ne va pas réinventer toutes les normes, tout redéfinir, sauf si on n’est plus dans la République ! A ce moment-là, il faut le dire. Moi, je préfère rester dans la République et bénéficier des lois qui nous protègent. Ce qui n’empêche pas d’avoir des évolutions législatives, institutionnelles à condition qu’elles soient pertinentes et pas uniquement des postures politiciennes. On est train de définir le PADDUC comme la conséquence des réformes successives qu’il faudra mettre en œuvre. Le PADDUC, ce n’est pas cela !

 

- Qu’est-ce qui est possible ?

- Nous avons à peu près, tous, défini le sens de ce qui serait nécessaire de préserver et d’un modèle d’urbanisation possible. Justement, déclinons-le ! Il faut aller dans la définition, ne pas rester dans la philosophie. Faut-il attendre plusieurs années pour avoir un PADDUC ou est-il nécessaire d’en avoir un aujourd’hui, notamment sur le plan de l’aménagement de l’espace et de l’application spatiale de règles existantes comme les lois littorale et montagne ? Comment leur donner du sens puisque l’article 4 de la loi portant PADDUC prévoit que la Corse peut préciser les modalités d’application de ces deux lois ? Ne nous privons pas de ce privilège, ne déformons pas les lois, mais donnons-leur la meilleure application possible ! Aujourd’hui, on est dans le préambule ou le préalable de quelque chose. Certains groupes ont mis des préalables, l’Exécutif propose un préambule. J’attends du concret : le vrai document PADDUC qui, lui, pourra être critiqué.

 

- Pourquoi avez-vous choisi l’abstention, lors du vote ?

- Nous ne sommes, ni d’accord avec tout, ni contre tout ce qui est proposé. Nous avons choisi une abstention vigilante face à du verbe, des mots et des concepts. Notre attitude reste positive.

                                                                                      Propos recueillis par Nicole MARI

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Commentaires: 1
  • #1

    querci (lundi, 30 juillet 2012 05:04)

    ne nous parlez plus de droite et de gauche,mais de la corse et des corses!on voit ou les interets particuliers ont mene l'ile !du bon travail a ete fait,il faut le terminer