Collectivité territoriale de Corse : L'urgence santé

Les représentants du Conseil exécutif ont été reçus, mardi 24 juillet, au ministère de la Santé pour expliquer l’état d’urgence de la situation sanitaire et médicosociale de la Corse, les difficultés subies par les hôpitaux insulaires et le désert médical recouvrant des pans entiers du territoire. Cette entrevue, qualifiée de satisfaisante, a déjà permis d’apporter quelques réponses positives. La révision des zonages et une enveloppe de 8 millions € pour l’hôpital d’Ajaccio.

« La situation délicate des hôpitaux en Corse est un problème qui nous concerne tous ». C’est par ces mots que Josette Risterucci, élue territoriale, représentante auprès des instances de l’ARS, a justifié l’intervention de l’Assemblée territoriale auprès du ministère de la santé à qui le Président de l’exécutif avait demandé une entrevue «  en urgence ».  Une délégation, composée de Paul Giacobbi, Dominique Bucchini, Maria Giudicelli et Josette Risterucci a, donc, été reçue par Jean Luc Nevache, ancien préfet de Haute Corse, aujourd'hui directeur de cabinet du ministre de la santé, et ce, en présence de Jean Jacques Coiplet, Directeur de l’Agence régionale de santé (ARS) Corse.

Une priorité

D’emblée, Paul Giacobbi a rappelé que « la santé et l’égalité d’accès aux soins sont une priorité », placée, par les premiers résultats de l’enquête public sur le PADDUC, en tête des préoccupations des Corses. « Même si la santé est du domaine de compétence de l'État, la mise en place des ARS et l'élaboration du prochain Plan régional de santé pour la Corse place la CTC comme un partenaire incontournable de cette politique qui s'articule avec le PADDUC ». La délégation a donc fait, à Jean Luc Nevache, un état des lieux de la situation sanitaire insulaire en insistant sur la problématique des retards structurels et des situations d’urgence.

Des touristes pas pris en compte

En premier lieu, a été abordée la situation particulière du double handicap liée à l'insularité et la géographie montagneuse de l'île, qui nécessite la prise en compte d'un coefficient correcteur géographique adapté. Mais également un élément non considéré par les services de l’Etat dans la définition de l’offre de soins : les trois millions de touristes qui envahissent l’île chaque été. Aussi le seuil minimum imposé pour le calcul des autorisations d'activité, c’est-à-dire certaines interventions chirurgicales et les installations de médecins, kinésithérapeutes, etc, et celui des dotations budgétaires afférentes n’est-il pas atteint ! Et la Corse continue de pâtir d’un retard structurel en équipement avec une permanence des soins basée sur le volontariat et assurée par les urgences des établissements publics, saturées en période estivale.

Des critères inadaptés

« Nous sommes la seule région de France qui n'a pas de CHU et la seule région d'Europe qui n'a pas un kilomètre d'autoroute. Donc, les déplacements se comptent en heure/km, ce qui augmente le temps de recours à l'offre de soins. Les zonages et les critères nationaux ne sont pas adaptables à la Corse. Il faut les recalculer et revoir la cartographie pour savoir quelle est la zone déficitaire ou pas en matière de personnels de santé », précise Josette Risterucci.

La CTC a donc plaidé pour la nécessité  de contourner ces seuils et pour la révision des différents zonages et cartographies (déserts médicaux, installations des professionnels de santé, etc.) afin de réduire les inégalités territoriales d'accès aux soins, de premiers secours et donc de la permanence des soins. Elle a expliqué, à l’ancien préfet de Haute Corse, l'urgence de prendre en compte la démographie médicale et les déserts sanitaires.

« A partir du moment où les critères ne sont pas adaptés, les zonages ne sont pas adaptés et donc les moyens qui sont alloués avec. On a donc demandé à l’ARS de revoir le zonage et cette demande a reçu un accueil favorable », résume, en écho, Maria Guidicelli.

Favoriser les maisons de santé

Pour autant, la CTC estime que les aides financières à l'installation « ne sont pas la solution miracle et unique » pour faire revenir les médecins dans le rural. Elle défend l'implantation, par le biais de contrats d’engagement de service public, des maisons de santé pluridisciplinaires qui regrouperaient des professionnels médicaux et paramédicaux (orthophonistes, psychologues, etc). L’objectif est d’améliorer les conditions d'exercice des professionnels, ainsi que l'accès et la permanence des soins. « Il faut établir un véritable dialogue entre l'ARS et les professionnels de santé pour apporter des solutions dans l'intérêt du patient. J’ai demandé à l’ARS de mettre tout le monde autour de la table pour éviter les blocages », révèle Josette Risterucci.

8 millions pour Ajaccio

La délégation a, ensuite, évoqué la situation difficile que traverse l’ensemble des hôpitaux de l’île et réaffirmé « le rôle pivot » des hôpitaux locaux de Bonifacio, Sartène, Corte-Tattone et Calvi qui « qui peuvent encore développer leurs offres de soins en partenariat avec ceux de Bastia et d'Ajaccio car ils participent à l'essentiel maillage territorial de l'accès aux soins en zone rurale ». Elle a obtenu une aide immédiate de 8 millions € pour assurer les salaires des personnels de l’hôpital d’Ajaccio en cessation de paiement des charges et des fournisseurs.

Celui-ci ne comptant plus qu'un seul directeur en poste, 3 inspecteurs de l’IGAS (Inspection générale des affaires sociales) arrivent la semaine prochaine pour rétablir, comme il y a 4 ans, « dans le dialogue social », l'équilibre financier sans obérer « les nécessaires projets médicaux ». La construction du nouvel hôpital est confirmée et financée à 90 %, « ce qui est exceptionnel, les aides sont normalement à hauteur de 50 % », note Josette Risterucci.

Bastia en attente

La délégation a également insisté sur l’urgence de tenir, enfin, les engagements financiers prévus depuis 15 ans pour moderniser l’hôpital de Bastia. Près de 27 millions € sont nécessaires pour concrétiser le schéma directeur des travaux. « Notre priorité est une réponse positive. Nous l’espérons la semaine prochaine, sans quoi l’hôpital ne commencera pas ses travaux de mise en conformité. Ce qui est hors de question ! », explique Josette Risterucci.

La CTC entend également travailler en partenariat avec l’université de Corte pour favoriser l’internat médical en Corse et favoriser le retour et l’installation des futurs médecins. « La CTC finance la première année de médecine et veut un retour sur investissement en récupérant les jeunes médecins par le biais d’un temps partagé avec les CHU du continent pour qu’ils continuent de se former », poursuit l’élue territoriale.

Le problème des EVASAN

Enfin, la CTC a demandé, pour les EVASAN (évacuations sanitaires) et les SAMU, un financement pérenne en dotation pluriannuelle de fonctionnement versée en début d’année et non plus, comme c’est le cas aujourd’hui, en missions d’intérêt général qui sont toujours variables. « Les transferts d’urgences vitales sur le continent sont une réalité permanente et incontournable et sont confrontés à l’handicap de l’insularité. Il y en a, en moyenne, 300 par an. Je ne lâcherais rien là-dessus », assure Josette Risterucci. La CTC travaille également sur un projet de lieux d’hébergement pour les familles obligées de partir sur le continent et pour la prise en charge du premier accompagnant.

Des réponses à venir

Si la délégation s’est félicitée de l’entrevue « constructive » avec des interlocuteurs qui « connaissent nos problèmes », elle entend rester vigilante sur les promesses accordées.

« Notre souci est de parvenir à l’égalité des chances face à la maladie, à la mise en place de l’éducation thérapeutique, à la prise en charge médicosociale, aux droits des usagers en Corse et à la démocratie sanitaire. L’ARS a bien compris que nous étions déterminés. La santé n’a pas de prix, mais elle a un coût », conclut la présidente de la Commission santé. D’autres réponses du ministère et de l’ARS sont attendues la semaine prochaine.

                                                                                                                                             N. M.

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