Jean-Christophe Angelini :« Nous avons élu un député pour rien ! »

Leader du PNC et président du groupe Femu a Corsica à l’Assemblée de Corse, Jean Christophe Angelini a payé cash au second tour des législatives, dans la deuxième circonscription de Corse-du-Sud, l’opposition critique et déterminée de son groupe à l’exécutif territorial. L’élu nationaliste revient, pour Corse net Infos, sur son duel avec le député UMP réélu, sur ses rapports avec la gauche locale qui a favorisé son adversaire, et dévoile sa stratégie pour les municipales de 2014 à Porto Vecchio.

Quel bilan tirez-vous des élections législatives ?

- C'est une élection qui s'est très bien déroulée. Je rappelle que nous avions fait 4,80% des voix en 2002, 14,5% en 2007 et près de 47% en 2012. La progression d'élection en élection, d'année en année est très significative. Le petit recul, que nous avons enregistré à Porto Vecchio, est essentiellement imputable à l’enjeu national. Lorsqu'on va revenir à des élections locales, et donc à des enjeux de gestion territoriale, les électeurs retrouveront la dynamique initiée, ces dernières années. Donc, pas d'inquiétude, pas de doute, une grande sérénité et une grande détermination pour la suite.

 

- La victoire était-elle possible ?

- Oui. Il fallait, pour cela, remplir deux conditions. D’une part, que la gauche notamment ait un comportement plus clair et plus cohérent. Il y a plus de 2000 bulletins blancs, alors qu'il ne me manquait que 1900 voix pour gagner. D'autre part, les appels lancés pour le 2nd tour laissent penser que certains ne voyaient pas, cette fois-ci, d'intérêt à battre le premier représentant de l'UMP en Corse. C'est regrettable, mais ça n'entame en rien ma détermination pour les combats futurs, essentiellement les municipales.

 

- La gauche n'a pas joué le jeu, comme aux cantonales. Vous ne vous y attendiez pas ?

- Ça avait déjà été le cas aux municipales de 2008, ce fut de nouveau le cas aux législatives 2012, je vais travailler à ce que ce ne soit plus le cas dans l'avenir.

 

- Comment ?

- Il y a plusieurs manières d'y travailler. Pour moi, la manière essentielle n'est pas l'anathème, la critique ou l'incantation, mais le dialogue. Dans les semaines qui viennent, je vais m'attacher à dialoguer avec tous les gens, sincèrement progressistes, sincèrement et résolument ancrés à gauche, qui sont l'immense majorité et voir ce qu'il est possible de construire au plan local.

 

- La gauche est plus progressiste, mais aussi plus jacobine. N'avez-vous pas pâti de son caractère jacobin ?

- Je n'en suis pas persuadé. Quand on voit les jeunes élus de gauche, Jean Charles Orsucci, Jean Louis Luciani, Jean Baptiste Luccioni, François Casasoprano, Emmanuelle de Gentili, pour ne citer qu'eux... On s'aperçoit que des gens ont, sincèrement et publiquement, pris position depuis longtemps pour l'autonomie, le peuple corse, la langue corse, un développement maîtrisé... Ces éléments, posés sur la table, sont de nature à susciter des convergences. Manque, entre nous, un espace de dialogue que nous allons, peut-être, formalisé à l’avenir et qui devrait permettre de débloquer les derniers verrous. Cet espace n’est pas exclusif et peut inclure des gens de droite qui, à titre individuel, sont désireux de travailler avec nous. Malheureusement, dans cette élection comme dans d’autres, l’UMP a montré son vrai visage, hostile à toute évolution.

 

- Comment expliquez-vous que des villes, comme Bonifacio, dirigées par un maire de gauche élu grâce aux voix nationalistes, portent le député UMP en tête ?

- Il n’y a pas beaucoup d’exemples de cet ordre-là. Il y a d’autres exemples largement plus positifs : Ajaccio, la vallée du Prunelli, les communes de la rive Sud où nous sommes arrivés en tête ou en très bonne position. Ça n’a, parfois, pas été le cas, c’est vrai, dans des communes dirigées par des amis ou des maires de gauche. Mais, il y a deux paramètres. D’abord, ce phénomène était déjà survenu aux présidentielles, il n’est donc pas applicable qu’à Jean Christophe Angelini, mais à tous types de scrutin en dehors des municipales. Des communes, foncièrement de droite, qui ont connu récemment l’alternance au plan local, ont gardé le réflexe, lors d’élections nationales, de voter à droite. Ça n’enlève rien au soutien et à l’amitié existant entre, notamment, Jean Charles Orsucci et moi-même. Ensuite, il n’y a pas, aujourd’hui, d’accord politique construit entre tout ou partie de la gauche et Femu a Corsica, y compris dans des enjeux locaux. Il y a, là, matière à dialogue.

 

- N’y-a-t-il pas eu aussi une forme de sanction de l’exécutif territorial qui n’apprécie pas la position très critique de Femu a Corsica à son égard ?

- Peut-être bien ! Mais, autant je ne partage pas l’attitude, et pour cause, j’en ai été la première victime, qui consiste, à un moment donné, même en creux, à privilégier la droite à un candidat de progrès, autant je reconnais qu’il n’existe aucun accord politique avec Paul Giacobbi, pas plus qu’avec d’autres. Cela signifie-t-il que nous ne devons pas discuter ? Nous devons parler et tenter de voir ce qu’il en sera dans l’avenir. Nous continuons dans une voie d’opposition déterminée, mais pas systématique, à l’Assemblée de Corse. Il est clair que nous continuerons à nous opposer à un certain nombre de choses, mais, parallèlement peut-être, à tisser ou à retisser les fils du dialogue avec un certain nombre d’élus.

 

- Votre positionnement clairement à gauche ne vous a-t-il pas privé de voix de droite ?

- Peut-être. Mais, je n’ai jamais dit que je siégerais dans le groupe PS, PRG ou autre. J’ai dit, clairement et publiquement, que je siègerais au sein de la majorité présidentielle. Pour deux raisons. Premièrement, chacun sait les liens existant avec Europe Ecologie. Deuxièmement, Camille de Rocca Serra a siégé pendant 10 ans sur les bancs de l’UMP. Je ne pouvais décemment pas prétendre siéger sur les mêmes bancs que lui ! Ce n’était ni politiquement, ni intellectuellement concevable ! A partir de là, ne restait plus que deux solutions. Etre du côté des non-inscrits condamnait à être un député inutile et godillot comme Camille de Rocca Serra, privé de moyens, le sera pendant les 5 ans qui viennent. Il n’a pas été efficace au moment où ses amis politiques étaient au pouvoir, je ne vois pas comment il le serait, aujourd’hui, dans l’opposition. Nous avons élu un député pour rien ! Je pensais pouvoir être utile en proposant un accord politique à la majorité présidentielle et parlementaire. Etait-elle prête, oui ou non, sur les Arrêtés Miot, le peuple corse, la langue corse, le PADDUC, l’énergie, la citoyenneté de résidence, etc… à avancer ? Cela a désarçonné quelques électeurs ici ou là, mais en a convaincu beaucoup d’autres. Quand on double son score d’un tour à l’autre, que l’on passe de 6 800 voix à plus de 14 000 voix, c’est signe que ce discours de clarté et d’efficacité a été entendu et préféré à des discours d’ambiguïté.

 

- Le véritable enjeu reste les municipales. Comment les préparez-vous ?

- Pour l’instant, je laisse décanter l’après-législative. Les électeurs et les militants ont été mis sous tension pendant six mois par une séquence électorale déterminante. A la rentrée de septembre, je me préparerai très activement aux municipales dans une double optique. D’abord, renouveler complètement mon équipe et mon projet pour être prêt à affronter cette échéance avec davantage d’outils. Ensuite, être en capacité de dialoguer avec tous ceux qui, comme moi, sont localement opposés à Camille de Rocca Serra et à Georges Mela et qui sont la majorité des Porto-Vecchiais.

 

- Allez-vous composer une autre liste, différente de celle de 2008 ?

- Tout à fait. J’avais dit, dès 2008, que je ne reproduirai pas, en 2014, la même démarche et le même groupe, y compris au plan des femmes et des hommes. Certains seront présents, de nouveau, à mes côtés, tous le seront en tant que militants, pas forcément en tant que candidats. Il est temps, aujourd’hui, de tirer les leçons des dix ans écoulés et de présenter une offre profondément renouvelée qui intègre l’évolution de Porto Vecchio et reflète, un peu mieux, la réalité sociologique, économique et confessionnelle de la commune que j’aspire à diriger. Ça passe aussi naturellement par des accords.

 

- Etes-vous ouvert à tous les accords politiques ?

- Exactement.

 

- Plutôt à gauche ?

- On verra. Tout dépendra des discussions qui seront menées. A l’évidence, ce ne pourra pas être du côté de l’UMP !

 

- Sa victoire a remis Camille de Rocca Serra en selle. La prenez-vous en compte et est-elle préjudiciable pour les municipales ?

- Je prends en compte sa victoire, comme je prends en compte les miennes. Nous avons gagné à Porto Vecchio aux Européennes, aux Territoriales, aux Cantonales et, quelque part, nous avions même gagné, dès 2008, aux Municipales puisque nous étions largement majoritaires en votes physiques. Après une série de 3 élections victorieuses, je subis une défaite que j’assume totalement. Mais, posant la question à l’envers : Camille de Rocca Serra, perdant 3 ou 4 fois d’affilée, a-t-il renoncé, pour autant, à être candidat aux législatives ? Non.

 

- Etes-vous confiant pour 2014 ?

- Très clairement, oui. Sans être prétentieux ou présomptueux. Mais, parce que l’immense majorité des Porto-Vecchiais aspire au changement. J’ai gagné avec mes amis toutes les élections locales depuis 2008, nous avons perdu une élection nationale, un mois après les présidentielles alors que la circonscription avait massivement voté Nicolas Sarkozy aux deux tours. Le bilan de Camille de Rocca Serra, sa personnalité et la perspective qu’il incarne me semblaient, quand même, de nature à susciter un rejet. Ça n’a pas été tout à fait le cas. J’en prends acte, mais je n’en tire aucune conclusion définitive. Je pense même, à voir les scrutins locaux qui ont précédé les législatives, que la dynamique et la tendance positive restent de notre côté.

                                                                                Propos recueillis par Nicole MARI

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Commentaires: 9
  • #1

    Paoli j.l (samedi, 21 juillet 2012 13:03)

    Plutôt à gauche: vous répondez "on verra"... Vous nous rappelez cette citation d'Edgar Faure: "ce n est pas les girouettes qui tournent, c'est le vent."
    Par ailleurs, si vous étiez élu député vous aurez été dans la majorité et votre confrère Me Simeoni n aurait été ni dans la majorité ni dans l opposition... vous dites que tous les députés de l opposition sont des députés "inutiles" et des
    "godillots"...belle vision de la démocratie!

  • #2

    Lucien (samedi, 21 juillet 2012 13:20)

    C'est surtout les électeurs du canton de Porto Vecchio qui ont élu, il y a un an, un conseiller général pour rien!

  • #3

    Jean (samedi, 21 juillet 2012 20:00)

    Il se prend pour qui? Qu'aurait il fait de plus, sinon la même chose que les députés de gauche?

  • #4

    Sumerone (lundi, 23 juillet 2012 06:05)

    Quel dommage ! M. Angelini vous payez la politique de votre parti, la modération et les idées "giacobbistes".

    le jour ou vous vous érigerez en force du "non" en un courant soudé nationaliste vous arriverez a détrôner les tenants des affaires.

    dire non passe par des votes négatifs et non pas des abstentions...

    Forez e curagiu

  • #5

    Édifiée (lundi, 23 juillet 2012 09:24)

    Le parti du 'Non' nous mènera dans l'impasse. Nous ne pouvons rien construire sans travailler de concert avec les acteurs du monde politique actuel. Si nous voulons sortir la Corse du marasme dans lequel elle se trouve depuis des décennies il faudra doter l'île d'un Padduc structurant. Arrêtons de pratiquer la politique du non !

  • #6

    quella (lundi, 23 juillet 2012 20:16)

    pour l'instant cette soit disant politique du "non", n'a pas l'air d'impacter les différentes décisions importantes insulaires et encore moins la physionomie infrastructurelle de notre ile. Seul un veritable contrepouvoir peut se targuer d'une telle mission d'interet general... Ne reste plus que la volonte insulaire de creer cette impulsion politique par le biais du choix du parti representatif de cette pensee..

  • #7

    Yauco (jeudi, 26 juillet 2012 23:09)

    Populisme primaire et hypocrite.

  • #8

    quella (samedi, 28 juillet 2012 19:26)

    avec de pareilles reflexions, nul ne s'etonnera que le travail qu'il reste a faire ds les mentalites est colossal... a bon entendeur !!!!

  • #9

    Cusi Sia (dimanche, 29 juillet 2012 22:52)

    Le non passe par des votes négatifs. C'est ce que font les modérés à l'assemblée. Et ce sont les seuls à le faire ! Il suffit de bien lire les comptes-rendus de la presse pour s'en rendre compte! Que dire des non modérés qui, eux, s'abstiennent systématiquement ou votent pour !