Frédéric Alpozzo : « Nous sommes pour un service public à Toulon »

Les syndicalistes CGT marins ont fait, ces deux dernières années, grève contre la volonté de la SNCM de desservir le port de Toulon en libre concurrence. Mais sont favorables à l’extension du périmètre de la Délégation de service public (DSP) maritime dans le port varois. Le leader de la CGT marins, Frédéric Alpozzo, explique, à Corse Net Infos, que la priorité est de préserver le service public et de développer les emplois, aussi bien en Corse que dans la région PACA, sans opposer les territoires.

- Quelle est votre position concernant l’extension du périmètre de la DSP maritime au port de Toulon ?

- Nous sommes bien entendus favorables à l’extension de la DSP afin que les ports et les compagnies ne soient plus en concurrence, mais soient complémentaires les uns des autres. La priorité est de maintenir l’emploi dans les compagnies SNCM et CMN, mises en difficulté par le dumping social de Corsica Ferries, financé avec l’argent public. Cette absence de concurrence déloyale et destructrice permettrait, également, de générer des recettes pour les compagnies SNCM et CMN, délégataires de service public, et de faire baisser de manière significative le tarif des usagers tant pour le transport des marchandises que des résidents et des citoyens, qu’ils soient insulaires ou continentaux, qu’ils aient à se déplacer en Corse ou sur le continent.

 

- Vous avez fait plusieurs grèves contre la présence de la SNCM sur ce port varois. N’est-ce pas contradictoire ?

- Absolument pas. Notre idée n’était pas de refuser l’extension de la présence de la SNCM à Toulon, mais de nous opposer à la volonté de la direction, dont on voit malheureusement les effets aujourd’hui, d’ouvrir une ligne avant que ne débutent les débats de la CTC. La direction voulait faire la démonstration de l’impossibilité d’étendre la DSP. Ce que, d’ailleurs, les Libéraux défendent en disant que l’initiative privée est suffisante. La SNCM perd des millions d’€ sur cette ligne puisque le fret n’est pas au rendez-vous. Comme sur Marseille, les volumes de fret ont vocation à être subventionnés. Le Président de l’Office des transports l’a clairement rappelé : il y a 40 initiatives privées en matière de fret sur Toulon.

 

- Votre refus initial de Toulon n’est-il pas du au fait que la CGT est loin d’être majoritaire dans ce port ?

- Aujourd’hui, pas plus la CGT qu’un autre syndicat n’est majoritaire puisque, seule, la Corsica Ferries dessert la ligne. Il n’y a pas de syndicat, pas de droit du travail qui s’applique en réalité, la précarité règne à bord des navires. Il est regrettable que personne n’en ait parlé lors du débat à la CTC, hormis le groupe communiste et Jean-Baptiste Luccioni qui a demandé la mise en valeur d’un cadre social.

 

- Que pensez-vous de l’idée de dissocier le trafic fret et le trafic passagers sur ce port ?

- Que la DSP soit fondée autour du fret est un principe partagé par tout le monde. Maintenant, au regard de l’expérience pratique, séparer les flux dans un seul et même port ne me semble pas réalisable. Nous sommes pour le trafic passagers et fret dans le cadre d’une DSP. La période touristique nécessite des flux importants qu’il faut bien acheminer en Corse dans des conditions de qualité, de confort et conformes au droit social qui, aujourd’hui, n’existe pas à Toulon. Il y a des choses à réguler, à réorganiser pour que tout le monde ait sa place, pas en concurrence pour se détruire les uns, les autres, mais en harmonie pour préserver le service public et développer l’emploi sur l’ensemble des territoires en Corse, comme dans la région PACA, aussi bien à Toulon qu’a Nice et Marseille. C’est la politique qu’il faut suivre.

 

- L’extension de la DSP à Toulon apparaît comme un sauvetage social. Combien y-a-t-il d’équipages à sauver ?

- Au delà des menaces qui pèsent, l’emploi à la SNCM pourrait être sécurisé par la décision prochaine du Conseil d’Etat, si celle-ci réaffirme le principe que la Collectivité décide de ses besoins et de la qualité de l’emploi qu’elle désire dans le cadre du service public. Ce qui pourrait conforter le service actuel dans le cadre du cahier des charges avec le maintien des ferries jusqu’en 2014.

 

- Comment réagissez-vous à la volonté de la CTC d’imposer un service minimum dans le cahier des charges de la future DSP?

- Nous comprenons, sans aucun problème, la mise en place d’un mécanisme d’alerte sociale pour anticiper et éviter les conflits et la nécessité d’assurer une continuité  du service, en cas de blocage total du service et dans le cadre d’une exclusivité de la compagnie délégataire. Nous pouvons comprendre les difficultés liées à l’insularité et aux besoins fondamentaux de la Corse.

 

- On vous accuse de faire pression sur la politique des transports de la Corse. Que répondez-vous ?

- Le président de l’exécutif a répondu qu’il ne cédait pas aux pressions. La délégation de la CGT, sur ce dossier-là, s’est prononcée très largement, aussi bien pour l’aérien que pour le maritime, en faveur de la DSP. Nous défendons le service public qui ne peut pas se marier à une concurrence faussée. La concurrence doit s’exercer au moment des appels d’offres pour l’intérêt général et générer l’emploi dans les territoires. Il faut arrêter d’opposer les territoires, que ce soit Marseille, la région PACA, la région Corse, qui doivent être complémentaires et se développer ensemble harmonieusement. C’est vrai que la CGT est peut-être la seule à porter ces principes-là d’intérêt général. Mais c’est tellement plus simple de se cacher, quand on défend la libre concurrence ou le libéralisme, derrière les grèves, de caricaturer notre action comme s’il y avait un lobby à Marseille pour je ne sais quelle raison, alors que les salariés donnent de leur salaire pour défendre aussi bien leur emploi que le service public.

                                                                                      Propos recueillis par Nicole MARI

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