Tentative d'assassinat de Patrimonio : Henri Palazzo était visé

Henri Palazzo, Jean-Guy Talamoni et Pierre Casanova (Photo Nicole Mari)
Henri Palazzo, Jean-Guy Talamoni et Pierre Casanova (Photo Nicole Mari)

La tentative d'assassinat perpétrée, mercredi matin, sur la route de Patrimonio, contre Pierre Casanova, militant de Corsica Libera, serait une méprise. C'est un autre militant, Henri Palazzo, membre de l'exécutif, qui aurait, en réalité, été visé. Le mouvement nationaliste assimile cet acte à une volonté de déstabilisation, estimant que son combat contre la spéculation immobilière gêne des intérêts politico-économico-mafieux considérables. Il lance un appel à un sursaut collectif pour refuser "la mise en coupe réglée" de la société insulaire. Témoignages, pour Corse Net Infos, de Pierre Casanova et d'Henri Palazzo.

Mercredi matin, aux environs de 7 heures, alors qu'il circulait en voiture sur la route de Patrimonio, Pierre Casanova, militant de Corsica Libera, était victime d'une tentative d'assassinat par deux hommes à moto. Blessé superficiellement à la tête, il parvient à échapper à ses agresseurs. Une enquête en flagrance avec commission rogatoire a été ouverte par la police judiciaire pour tentative d'assassinat, la victime n'ayant pas déposé plainte. Pour Corsica Libera, qui tenait une conférence de presse jeudi après-midi, les tueurs se seraient trompés de cible. C'est Henri Palazzo, directeur de la résidence hôtelière où travaillait Pierre Casanova, qui aurait été visé. C'est lui qui, chaque matin, à la même heure, empruntait la route pour acheter le pain et les viennoiseries du petit-déjeuner des clients de l'hôtel. Or, mercredi matin, pris par son travail, il a demandé à Pierre Casanova, son employé et ami de longue date, de prendre sa voiture pour faire ces commissions à sa place.

Menaces et intimidations

Condamné par la cour d'assises spéciale à dix ans de prison pour une série d'attentats commis entre 2001 et 2003, Pierre-Ferdinand Casanova était en liberté conditionnelle depuis un an. Ancien responsable du personnel de la CGS (Corsica gardiennage services), ex-Bastia Securità, présentée comme une succursale du FLNC, qui rémunérait huit de ses employés pour commettre des attentats, il est considéré comme l'homme de confiance de l'ancien leader nationaliste, Charles Pieri, actuellement en prison.

Egalement militant de Corsica Libera, Henri Palazzo est devenu membre de l'exécutif du parti, remplaçant, à son poste, Charles-Philippe Paoli, autre proche de Charles Pieri, assassiné en juillet 2011. Dès ce jour, il aurait été victime de toute une série d'intimidations : menaces, colis contenant deux balles de pistolet, bombages sur le mur de la résidence et tentative déjouée d'attentat en mars dernier.

Des appétits mafieux

Pour le mouvement indépendantiste, ces actes sont liés à l'engagement politique des deux hommes qualifiés "d'exemplaires et d'irréprochables". A  travers ces deux militants, c'est le mouvement que l'on tenterait de déstabiliser pour son combat contre la spéculation immobilière. "Ce n'est pas un homme qui est attaqué, mais un militant. C'est une attaque contre l'action globale de Corsica Libera à l'avant-garde du combat contre la spéculation immobilière pour que les Corses ne soient pas dépossédés de leurs biens", affirme François Sargentini. Les Indépendantistes assurent qu'il n'y a pas d'autre piste possible.

Un parti en première ligne

Pour l'élu territorial, Jean-Guy Talamoni, la maîtrise du foncier est au coeur de ces enjeux avec la question de la citoyenneté portée par les nationalistes et qui serait susceptible d'être adoptée. Cette avancée politique gênerait beaucoup d'intérêts. "Si une telle disposition est prise par la CTC et après une modification de la loi, des gens vont perdre beaucoup, beaucoup d'argent. Nous menaçons des intérêts politiques, économiques et mafieux considérables. Notre courant, dans son expression publique comme dans son expression clandestine, demeure manifestement le dernier rempart contre la dépossession. C'est la raison pour laquelle, aujourd'hui, nous sommes en première ligne face à ce type d'évènements".

François Sargentini enfonce le clou : "Nous sommes un parti politique public. Nous ne sommes en guerre avec personne mais personne ne nous fera dévier de notre combat qui remet en cause des puissances économiques, politiques et des acquis parfois centenaires. Il y a derrière ces actes une déstabilisation future qui est en train de s'annoncer car beaucoup de gens sont contre toute avancée politique et ne veulent pas perdre les intérêts qui dominent la Corse. La clé est là".

Un appel à un sursaut collectif

Déterminé à lutter "quoiqu'il arrive", Corsica Libera demande aux élus insulaires d'assumer leur part de responsabilité et lance un appel à un sursaut collectif. "Il incombe à chacun de se lever et de refuser la mise en coupe réglée de la Corse. Corsica Libera ne pourra pas y parvenir, seule. Notre détermination ne saurait faiblir, mais il est important que chaque Corse se sente concerné par ce qui se passe", déclare Jean-Guy Talamoni.

Il devient urgent, selon lui, de sortir des atermoiements, à la CTC et ailleurs, et d'avancer en prenant des positions claires.

Fiumorbo Bis

Une des voies serait de relancer le processus du Fiumorbu pour ouvrir le débat autour de la dérive mafieuse et tenter d'apaiser les tensions dans les différentes régions."Aujourd'hui, les nationalistes, ensemble, en cohérence, ont une partie importante à jouer qui pourrait régler bien des choses. Ils doivent prendre leurs responsabilités historiques, c'est-à-dire se mettre au niveau des attentes du peuple corse en termes d'engagement et de débats", répète, encore une fois, Jean-Guy Talamoni.

Un nouveau processus pour mettre tout le monde d'accord, ce qui est loin d'être acquis !

Des spéculations électorales

Et l'élu territorial de fustiger les intérêts électoralistes qui empêcheraient ce rassemblement. " On joue avec des idées en spéculant sur des résultats qui sont incertains, sur des accessions hypothétiques aux responsabilités. Avec qui ? Pour faire quoi ? L'accession aux responsabilités est un moyen, pas une fin. Le but n'est pas de faire n'importe quoi. Ce n'est pas comme ça qu'il faut faire !". Et de conclure, ironiquement, qu'il faudra, certainement, attendre la fin des élections législatives pour espérer, peut-être, voir tous les nationalistes réunis autour d'une table.

                                                                                                                                             N. M.

Pierre Casanova : "C'est la première fois qu'on s'en prend à ma vie"

 

 

Pris pour cible par deux tueurs à moto, mercredi main, alors qu'il regagnait l'établissement hôtelier E Caselle où il travaille à Patrimonio, Pierre Casanova raconte, à Corse Net Infos, ce qu'il a vécu. Il estime qu'il n'y a aucune raison qu'on attente à sa vie.

 

- Que s'est-il passé mercredi matin ?

- Exceptionnellement, je suis allé chercher de quoi faire le petit-déjeuner des clients. C'est le fait du hasard. J'ai emprunté la voiture d'Henri. A l'aller, je n'ai rien remarqué de particulier. De toute façon, je ne faisais pas attention, je ne craignais rien. C'est en remontant, sur la route pour retourner aux Caselle, que j'ai entendu les détonations. On m'a tiré dessus, à deux reprises, depuis un buisson.

 

- Qu'avez-vous fait, alors ?

- Dès que j'ai entendu la première détonation, j'ai accéléré pour pouvoir m'en aller le plus vite possible. Puis j'ai entendu la deuxième détonation. Mais je ne me suis pas rendu compte que j'étais blessé. C'est en arrivant aux Caselle que j'ai senti cette chaleur sur le visage. C'est Henri, qui m'a vu ensanglanté quand je suis sorti de la voiture, qui m'a dit que je saignais.

 

- Vous n'avez pas compris tout de suite ?

- Non. Je n'avais pas de raison de le comprendre. Je ne fais rien. Je n'attends rien. C'est quand j'ai entendu le coup de feu et les balles siffler que j'ai compris qu'il se passait quelque chose. Ma tête est restée droite et mon pied sur l'accélérateur. Mais je ne m'attendais pas à une tentative d'assassinat contre moi. Je n'ai fait de mal à personne. Je ne suis contre personne.

 

- Avez-vous eu peur ?

- Sur le moment, oui. Mais, avec le recul, celui, qui va me faire peur, n'est pas encore né !

 

- Vos blessures semblent superficielles ?

- J'ai été légèrement blessé par une des deux balles qui m'a éraflé la tête. Puis, j'ai saigné abondamment.

 

- Avez-vous déposé plainte?

- Non. Je n'ai jamais déposé plainte. Je ne vais pas commencer aujourd'hui.

 

- Comment allez-vous vivre maintenant ?

- C'est évident que je vais prendre des mesures particulières. Je ne vais plus vivre comme avant. Je ferais un peu plus attention sur les routes. Ce sera plus difficile de me promener librement dans la rue. A part ça, je ne vois pas ce qu'on peut faire d'autre. J'espère que les services de police et de gendarmerie feront leur travail et qu'ils mettront fin à tout ça.

                                                                                                     Propos recueillis par N.M.

Henri Palazzo : "Ce n'est pas une tentative d'assassinat qui me fera reculer"

Supposé être la cible des deux tueurs à moto qui ont tiré sur Pierre Casanova, mercredi matin, à Patrimonio, Henri Palazzo, militant nationaliste, membre de l'exécutif de Corsica Libera, livre, à Corse Net Infos, son témoignage et son sentiment sur ce qui s'est passé. Tout en affirmant sa détermination à poursuivre son combat politique.

 

- Qu'est-ce qui vous permet d'affirmer que c'est vous qui étiez visé par cette tentative d'assassinat ?

- Les faits. Le matin, je vais chercher le pain, les pains au chocolat et les croissants pour les clients de la résidence, toujours quasiment à la même heure, vers 7 heures. Mercredi matin, Pierre était à la réception. Comme je devais traiter des demandes de réservation car on n'avait pas eu d'Internet pendant quatre jours à cause de l'orage de vendredi soir, j'ai demandé à Pierre d'aller chercher le pain à ma place. Il a pris ma voiture et il est parti. C'est au retour qu'on lui a tiré dessus. J'ai entendu les deux détonations.

 

- Pourquoi, selon vous, avez-vous été visé ?

- Je suis nationaliste depuis 1975. J'ai connu la prison. J'ai participé à faire reculer la spéculation immobilière dans la région, au moment où la famille Rotschild avait un projet de milliers de lits entre Mafalco, Saleccia et le Lodu. Nous avons réussi à préserver nos rivages et nos paysages. Tous les jours, sur le terrain, j'ai conscience que mon combat est juste depuis 35 ans. Beaucoup de Corses ont payé le prix fort de cet engagement.

 

- Depuis quand subissez-vous des tentatives d'intimidation ?

- Depuis ma nomination à l'exécutif de Corsica Libera, suite à la mort de Philippe Paoli en juillet dernier. On essaye de m'intimider depuis que j'occupe son poste.

 

- En quoi consistent ces menaces ?

- Il y a eu des bombages : un grand cercueil dessiné sur la réception de l'établissement. Des tags signés FLNC qui me traitaient de racketteur et d'assassin. J'ai reçu deux vraies balles avec mes initiales dans un colis. Suite à ces tags, avec ma famille et Pierre, on se relayait pour surveiller, la nuit, l'établissement qui n'ouvre qu'en saison, en avril. Une nuit, début mars, des poseurs de bombe, la charge à la maison, se sont approchés et nous les avons fait fuir.

 

- Vous attendiez-vous à ce que l'on essaye d'attenter à votre vie ?

- Non. Pas du tout. Sans quoi, j'aurais pris des précautions. J'ai été soulagé que Pierre n'ait que des blessures légères.

 

- Une information a été ouverte par le Parquet de Bastia. Avez-vous été entendu par la PJ ?

- Oui. La PJ s'est déplacée jusqu'à l'établissement, ce matin. Nous n'y étions pas. Les policiers ont voulu nous entendre avant la conférence de presse. Ils nous ont questionnés pendant deux heures. Ils bougent beaucoup, connaissent tout de la vie des uns et des autres. Ils vont retourner, vendredi, enquêter sur le site, mais dans une semaine, l'affaire est au panier.

 

- Avez-vous porté plainte ?

- Non. Je n'ai jamais porté plainte de ma vie. Jamais ! Je reste constant. Les policiers m'ont dit que cet acte était commis pour que je me retire. Mais je suis déterminé à rester engagé dans le combat politique. Plus que jamais, nous serons présents.

 

- Comment allez-vous vivre maintenant ?

- Je vais faire attention. Mais ce n'est pas une intimidation ou une tentative d'assassinat sur Pierre, sur ma famille ou sur moi-même qui peut avoir lieu, qui me fera reculer. Je pense que nous verrons cette avancée institutionnelle majeure et le pouvoir législatif qui va rendre la Corse aux Corses.

                                                                                   Propos recueillis par Nicole MARI

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Commentaires: 4
  • #1

    ex-ilien ou ex-ilé (vendredi, 01 juin 2012 12:36)

    je lis
    - Avez-vous déposé plainte?
    - Non. Je n'ai jamais déposé plainte. Je ne vais pas commencer aujourd'hui.

    Pourquoi ne porte-t-il pas plainte? Pour simplement perpétuer la tradition de la vengeance et de la surenchère de la violence.Comment voulez vous que cela s’arrête?
    Qui sème le vent récolte la tempête.

  • #2

    jmj (vendredi, 01 juin 2012 20:33)

    C'est bien mal connaître Henri PALAZZO que d'affirmer d'une manière aussi péremptoire "perpétuer la tradition de la vengeance et de la surenchère de la violence", c'est tout le contraire. Si la Corse a su rester telle qu'elle est aujourd'hui, c'est justement grâce à personnes comme lui.

  • #3

    Tartanpion (lundi, 04 juin 2012 23:05)

    Espèce d' abruti il dépose pas plainte et veut que les services de la justice fassent leur boulot. Peut être faut il se poser la question pourquoi lui ou eux . Un gourou voudrait il reprendre sa place?

  • #4

    Teofila Needleman (dimanche, 22 janvier 2017 16:25)


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