Pour sa 7ème édition, Histoire en Mai inaugure une collaboration avec l’IRA, qui accueille un premier rendez-vous du 23 au 25 avril. La seconde partie se tiendra du 14 au 16 mai. Le thème retenu, cette année, parle des cicatrices mémorielles ou comment tourner la page. Une victime de la catastrophe de Furiani viendra témoigner du traumatisme subi. Explications conjointes de quatre étudiantes, fonctionnaires stagiaires de l’IRA : Linda Fournier, Maud Le Quillec, Laetitia Dandrau et Pauline Younes-Moreno.
Une première donc pour ce festival du livre d’histoire et de fiction historique, organisé, depuis sept printemps, par Arte Mare. Il débute, dès lundi, une collaboration avec l’IRA, l’Institut régional d’administration de Bastia, notamment pour sa première partie, qui, seconde nouveauté, se déroule, pour des contraintes de calendrier, en avril, dans les locaux de l’IRA.
Une manifestation en deux volets
« Cette collaboration s’est faite à la demande du directeur de l’IRA qui avait apprécié la programmation du festival, sa ligne éditoriale très ferme, sa variété et sa richesse. Nous ne pouvions qu’être ravis de voir venir à nous des jeunes passionnés, dynamiques, qui voulaient s’investir dans la manifestation. Il ne pouvait y avoir mariage plus prometteur », se réjouit Michèle Corrotti, présidente d’Arte Mare.
Pour Yvon Alain, le nouveau directeur de l’IRA, la décision de faire participer les stagiaires à cette manifestation répond à un souci d’intégration et d’implication de l’institut dans la vie sociale et culturelle bastiaise. « Pour permettre cette participation, Arte Mare a fait l’effort de décaler sa manifestation et de la scinder en deux parce que la structure de la formation à l’IRA ne permet pas aux étudiants, qui partent en stage fin avril, d’être là en mai » explique Yvon Alain.
Participer pour s’intégrer
Une démarche volontariste validée par l’enthousiasme des étudiants. « Il nous tenait à cœur de participer. Il semblait particulièrement important de nous intégrer dans la ville dans laquelle nous avons vécu presque un an. Nous voulions aussi participer à la vie locale et culturelle bastiaise, cela nous semblait majeur. Ensuite, c’est une opportunité assez rare de pouvoir rencontrer des intervenants de ce niveau et pouvoir apprendre d’eux. Enfin, ce thème, Tourner la page, parle à tout le monde. Les grands traumatismes de notre histoire appartiennent à tous, à notre background culturel commun », commente Pauline Younes-Moreno, une des fonctionnaires stagiaires de l’IRA, qui s’est impliquée dans le festival.
Une équipe de volontaires
Mais aussi, une démarche collective, autour d’une équipe de volontaires, que les étudiantes jugent très formatrice, à l’instar de Linda Fournier. « Nous avons toutes décidées d’intégrer cette démarche pour des motivations différentes. Certaines sont motivées par l’organisation logistique, d’autres par les thématiques abordées, que ce soit le Cambodge ou le franquisme, d’autres encore sont intéressées par la photo. Nous avons essayé de contribuer, chacune à hauteur de nos capacités. Nous y avons pris beaucoup de plaisir, c’était très enrichissant ».
Une coopération pérenne
Enfin, une démarche qui se veut pérenne. « Il était important pour nous de lancer cette première coopération. Nos collègues, qui vont arriver en septembre, vont pouvoir s’impliquer dans toutes les manifestations d’Arte Mare, notamment le festival du film méditerranéen en novembre. Ensuite, ce thème nous a touché parce que nous sommes dans une phase de formation, d’apprentissage et, pour beaucoup d’entre nous, de remise en question, de transition professionnelle et personnelle. Cette année bastiaise est très particulière. Il y a un avant et un après l’IRA et Bastia », avoue-t-elle.
Tourner la pageAu programme de cette 7ème édition, plusieurs conférences, une exposition de photo et une projection de film. Le thème retenu, cette année, est : Tourner la page ou comment soigner les cicatrices mémorielles. Il s’agit en fait d’évoquer des moments douloureux de l’histoire, à la fois d’un point de vue général en permettant la visibilité historique autour d’époques troublées, et plus particulières avec des témoins ou des victimes de ces drames.
Un thème essentiel sur le travail de mémoire qui entre en résonnance en chacun d’entre nous, selon Linda Fournier. « C’est un thème qui nous permet de réfléchir. Chacun d’entre nous a ses blessures et se demande comment passer d’une étape à une autre dans un moment de vie ».
Et à ceux que le thème assez dur pourrait rebuter, Pauline Younes-Moreno assure :
« Tourner la page, c’est aussi porteur d’espoir, c’est-à-dire recommencer, renaître à la vie et se reconstruire. Cette première partie accueille des survivants, des gens qui ont réussi à faire de leur témoignage, une force et à continuer à vivre ».
La mémoire du franquisme
Chaque jour, sont proposés un thème et un intervenant différents.
« Nous nous sommes efforcés d’avoir différents supports. Ces trois jours vont être très animés. Chacun, en fonction de sa sensibilité, pourra se reconnaître à travers le sujet et dans une des approches proposées », précise Laetitia Dandrau.
Le festival débute le lundi 23 avril avec une conférence de Ramon Chao, journaliste et écrivain galicien, auteur de L’Odyssée du Winnipeg, qui raconte la mémoire de l’après-franquisme. « C’est un livre de fiction historique, une sorte de roman picaresque entre l’amertume de l’exil et l’humour. Il raconte l’histoire de Kilowatt, un électricien qui fuit sur un bateau affrété par Pablo Neruda, alors diplomate, vers le Chili », indique Maud Le Quillec.
La tragédie cambodgienne
Le mardi 24 avril, l’IRA accueille la projection du film : Bophana, une tragédie cambodgienne, de Rithy Panh, un auteur-réalisateur franco-cambodgien.
« Ce film, tourné en 1996, raconte l’histoire d’une jeune Cambodgienne de 25 ans qui, sous le régime Khmer rouge, se retrouve au centre d’un acte de résistance singulier, mais remarquable. Elle écrit jusqu’à son emprisonnement et son exécution des lettres d’amour à son mari, un acte jugé déviant. Elle se compare, notamment, aux héros légendaires du Ramaker, la version khmer du Ramayana indien. C’est une belle histoire d’amour et une très bonne première approche de la thématique de la cicatrise mémorielle du régime khmer rouge qui, en même temps, n’est pas aussi dur que d’autres films de Rithy Panh tels que S21ou Dutch qui mettent en scène des rencontres tortionnaires/victimes », poursuit Maud Le Quillec.
« Nous avons eu à cœur avec Arte Mare de choisir un film avec une thématique abordable, qui reprenait le thème de la souffrance dans la tragédie cambodgienne, mais aussi l’histoire d’amour », renchérit Linda Fournier.
L’empire du traumatisme
Cette première partie s’achèvera le mercredi 25 avril avec une conférence-débat du Dr Richard Rechtman, sur le thème du dialogue comme thérapie. Cet anthropologue, psychiatre des hôpitaux, se consacre essentiellement aux victimes des génocides et pratique la thérapie par la parole afin que les gens puissent raconter ce qui s’est produit, tourner la page et se reconstruire.
Cette conférence-débat s’articulera autour du thème de son livre : L’empire du traumatisme. « Il a fait une étude sur dix ans sur l’explication de la notion de traumatisme et son évolution au niveau sociétal, politique et anthropologique. Le dialogue comme thérapie sur des gens victimes de génocide est un sujet qui touche tout le monde. C’est grâce à des survivants que nous avons pu changer notre vision du traumatisme et l’approche sociétale des victimes et, à partir de là, reconstruire », affirme Laetitia Dandrau.
Un témoignage sur Furiani
Le traumatisme, la Corse l’a expérimenté à Furiani. A l’occasion du 20ème anniversaire de la catastrophe du stade et de la sortie d’un livre qui lui est consacré, Arte Mare et l’IRA ont invité une victime, faisant partie du Collectif du 5 mai, à venir, juste après la conférence-débat, raconter ce qui s’est passé. Est prévue la présentation du livre, en présence d’un de ses auteurs.
Aura également lieu le vernissage d’une exposition de photos prises par Lea Eouzan dans le centre de torture S21 à Phnom Penh, capitale du Cambodge, où Bophana, le héros du film de Rithy Panh, a été torturé et exécuté.
Une seconde partie en mai
La seconde partie du festival se tiendra du 14 au 16 mai autour de divers intervenants : David Toscana, Souâd Belhaddad et Christine Féret-Fleury. Elle se clôturera sur la thématique et le guide d’Auschwitz avec Jean François Forges, Pierre-Jérôme Biscarat et Léa Eouzan. « Nous allons distribuer des petits livrets, que nous avons rédigés avec les volontaires de l’IRA. Le public, qui sera présent au premier rendez-vous, pourra conserver ce petit livret et avoir en tête le second, qui aura lieu en mai et se tiendra au Lycée Giocante de Casabianca et dans les libraires partenaires », conclut Michèle Corotti.
N. M.
Écrire commentaire