Réflexion : Surella… d'Islanda !

Reflexion - Comme la Corse, l'Islande est une petite île dotée d'une faible démographie. La crise financière de 2008 a durement touché son économie. Cependant la "terre des glaces" a su trouver les ressources pour reconstruire une cohésion sociale. Son expérience innovante de démocratie est souvent citée comme référence dans le monde entier.

Tout le monde a en mémoire la chanson de Canta u populu corsu, "Surella d’Irlanda". Elle a servi à tisser des liens de solidarité, plus ou moins symboliques, entre deux îles qui avaient choisi le conflit armé pour revendiquer des droits politiques. 40 années se sont écoulées et la société corse s'est transformée. Pourquoi ne pas s'autoriser une autre comparaison symbolique ? Il suffirait de changer d'air pour que la sœur irlandaise devienne une cousine islandaise.

 

 

Il y a au moins 3 points communs entre la Corse et l'Islande. Comme la Corse, l’Islande est une île ; comme la Corse, sa population atteint un peu plus de 300 000 habitants ; et comme la Corse, elle connaît une crise. L’analogie peut s’arrêter là car pour le reste, elles diffèrent sur bien des aspects y compris sur la nature de la crise.

 

En effet, contrairement à la Corse, l’île nordique, indépendante depuis 1944, a vu son économie s’effondrer à la suite de la crise financière de 2008. La faillite du système bancaire et son impact sur l’économie locale ont conduit le pays dans une crise profonde. Alors qu’elle se classait première au monde par l'ONU pour l'Indice de développement humain (IDH), aujourd'hui, l'Islande a dégringolé au 17e rang. Cet électrochoc a conduit l'île à remettre en cause les fondements même de son fonctionnement.

L’e-constitution démocratique

 

Après la faillite des banques, d’énormes manifestations - que l'on nomme " Révolution des casseroles", de novembre à janvier 2009 - ont contraint le gouvernement à démissioner et ont imposé des élections législatives anticipées qui portèrent au pouvoir une coalition de gauche.

A l’initiative d’associations civiques, une Assemblée citoyenne de 1 200 personnes tirées au sort et de 300 personnalités était rassemblée pour dégager les valeurs fondamentales sur lesquelles le système politique et économique devrait se baser.

 

L’expérience fut réitérée en novembre 2010 avec l'approbation du gouvernement. Composée d’un millier de personnes sélectionnées de façon aléatoire sur la base de quotas permettant la parité hommes / femmes et une représentation de toutes les régions. Cette Assemblée citoyenne avait pour objectif de faire ressortir les axes sur lesquels devait porter la réforme constitutionnelle : meilleure séparation des pouvoirs exécutif et législatif, davantage de démocratie participative, des garanties pour mieux contrôler les responsables du pouvoir...

 

Réunion du Þjóðfundur, l'assemblée populaire chargée de rédiger une nouvelle constitution pour l'Islande.

Dans la foulée, un Conseil constituant fut élu, composé de 25 citoyens « ordinaires » chargé de rédiger la constitution. Le comité a travaillé dans la transparence (sessions ouvertes au public) et proposé aux internautes, via les réseaux sociaux, d'enrichir directement le texte (du «crowdsourcing»), les réunions du conseil pouvaient être suivies en direct sur le site.

Toute cette procédure prend sa source d'une interrogation légitime : est-il démocratique que les règles qui délimitent les pouvoirs des gouvernants soient écrites par les gouvernants eux même ? « C’est la première fois qu'une Constitution est pratiquement écrite sur Internet par des contributions citoyennes » a commenté Thorvaldur Gylfason, l'un des membres du Conseil. La reflexion a été poussée jusqu'à envisager une dose de tirage au sort pour l'élection des parlemenaires.

 

Le réel n’épuise pas le possible.

La réflexoin institutionnelle a eu pour but de favoriser le débat démocratique en y associant les citoyens. La procédure utilisée donne une légitimité renforcée à la nouvelle constitution. Elle a été à l'origine d'avancées notables : elle instaure un contrôle et équilibre des pouvoirs, institue un droit au référendum d’initiative citoyenne (10% de l’électorat islandais), prévoit notamment qu’aucune des terres et ressources naturelles qui ne sont pas propriété privée, ne puissentt être vendues de manière définitive. Quant au président, il peut être destitué en cours de mandat si les trois quarts des députés consentent à l'organisation d'un référendum sur la question.

 

Certes, l’Islande est très éloignée de la Corse. Cependant, l'expérience islandaise nous rappelle au moins quelques évidences : les crises peuvent déboucher sur des mobilisations de la société ; une société peut influer le cours de sa propre histoire si elle se fixe un objectif commun en vue de sa pacification ; cet objectif ne peut être qu'un approfondissement de la démocratie car elle n'est pas simplement un mode de gouvernement mais aussi une manière de faire société, de produire un monde commun. Et s'il est encore besoin, elle nous rappelle que le réel n’épuise pas le possible.

 

 

   Damien BIANCHI

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