Comment on fait référence à Jean-Guy Talamoni pour expliquer le profil de… Mohamed Merah !

 

 

Dans un éditorial de l’hebdomadaire Valeurs Actuelles de cette semaine, la journaliste Christine Clerc s’adonne à ce que l’on pourrait appeler un « comparatisme hasardeux ». Dans une certaine confusion, elle tente d’expliquer le profil type du terroriste tel Mohamed Merah en faisant référence au leader nationaliste... Jean Guy Talamoni.

A la suite des tueries de Montauban et Toulouse, le numéro de Valeurs Actuelles de cette semaine est consacré à la question : « Comment on fabrique un terroriste ? ». Dans un court papier intitulé « Histoires de France », l’ancienne journaliste du Figaro propose une interprétation à propos du terroriste Mohamed Merah.

« Mais son destin a basculé quand il a commencé à se sentir méprisé. C’est là, vers 11, 12 ans, qu’on peut transformer des adolescents en machines à torturer comme chez les Khmers rouges, en tueurs comme chez les djihadistes. Il suffit de leur raconter une histoire d’esclavage ou d’humiliation de leurs ancêtres et de leurs frères inconnus à travers le monde. »

Et d’enchaîner directement, avec pour seule transition un retrait à la ligne :

« Je me souviens d’un long entretien avec le leader nationaliste corse Jean-Guy Talamoni. Il me raconta comment, à l’âge de 13 ans, un discours du tribun Edmond Simeoni (auteur, en 1975, de la première action armée spectaculaire des autonomistes – deux gendarmes tués) lui avait “révélé” que la démocratie corse, célébrée par Jean-Jacques Rousseau, avait été « écrasée dans le sang » par l’État français : « 20 000 soldats vomis sur nos côtes »… À dater de là, la France n’était plus sa patrie. Et les Français “du continent” étaient des étrangers, sinon des ennemis. L’étape suivante – celle que l’on franchit dans les camps d’entraînement du Pakistan... »

Mme Clerc a donc une thèse : le terrorisme naît dans la jeunesse d’un individu et provient d’un sentiment de mépris issu d’un événement historique conflictuel. Pour démontrer cette thèse, elle choisit dans ses souvenirs de journaliste l’exemple de Jean-Guy Talamoni. Il faut bien avouer que la transition entre ces deux idées est assez malvenue, voire violente, d’autant que la journaliste ne s’embarrasse d’aucune précaution intellectuelle ou rhétorique.

 

Des idées "Clerc" et distinctes


Sans vouloir présager des compétences de Mme Clerc dans le domaine de la psychosociologie du terrorisme, la thèse est simpliste. Il ne suffit pas de «  raconter une histoire d’esclavage ou d’humiliation de leurs ancêtres » pour que des individus se transforment en Mohamed Merah, ni même en Jean-Guy Talamoni. Tous les méprisés de l'histoire ne sont pas des terroristes, ni même d’ailleurs, tous les terroristes ne sont pas seulement des méprisés.

Par là-même, la journaliste en convoquant les événements d'Aleria et la bataille de Ponte-Novu préjuge que le seul déterminisme historique de la repentance puisse conduire à expliquer de la même manière le Djihad islamiste et la clandestinité corse.

Sans compter que ce billet insinue, sans pour autant le dire ouvertement, que Jean-Guy Talamoni est un terroriste. Il n’a jamais été mis en cause dans une affaire de terrorisme, ni même condamné par la justice.

 

En réalité, la fabrique sociale du terroriste n’intéresse pas beaucoup Mme Clerc. Elle souhaite plutôt établir - pour des raisons plus idéologiques que scientifiques - que la repentance historique de la France enfanterait des monstres. Pour se faire, elle assimile des exemples disparates.

Sur des sujets aussi complexes, il vaut mieux s’abstenir d’explications historicisantes  confuses et inutiles. Plusieurs registres explicatifs pourraient être avancés (psychologiques, cognitifs c'est-à-dire l'environnement intellectuel, idéologique, doctrinal, voire affectuel, familliaux, religieux, sociologiques...) et, quand bien même, nous n'aurions épuisé la complexité du sujet. A défaut de se priver d'analyse, essayons simplement de garder à la manière de Descartes les idées claires et distinctes, « celles qui sont tellement précises et différentes de toutes les autres, qu'elles ne comprennent en soi que ce qui paraît manifestement ».

 

   Damien BIANCHI

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Commentaires: 7
  • #1

    U Palatinu (vendredi, 30 mars 2012 15:02)

    Un beau chjame è rispondi en perspective...

  • #2

    FIAT LUX (samedi, 31 mars 2012 07:56)

    madame Clerc est à mon avis incompétente et devrait lire des livres d'histoire pour se permettre de porter des jugements sur des personnes et des peuples.Surtout sur l'histoire de la Corse et de l’Algérie par rapport à la France.

  • #3

    Olivier (samedi, 31 mars 2012 09:56)

    Pour le coup, il est malheureusement évident que votre article est partial. Si une comparaison peut être discutable, il est ridicule de refuser le lien en monsieur Talamoni et le terrorisme: nous condamnons l'acte mais pas les auteurs.....!
    De plus l'article de madame Clerc parle de positionnement intellectuel et pas de passage à l'acte. Enfin les mots de monsieur Talamoni, repris dans ces deux articles ont tout de même une signification...

  • #4

    Raison (samedi, 31 mars 2012 10:41)

    http://abonnes.lemonde.fr/idees/article/2012/03/26/la-fabrique-sociale-de-la-violence_1675736_3232.html

  • #5

    FIAT LUX (samedi, 31 mars 2012 14:29)

    la différence "est que monsieur Talamoni ce bat pour des idées et l'indépendance de son pays,tandis que monsieur Merah tu par conviction des enfants et des innocents.

  • #6

    Olivier (samedi, 31 mars 2012 15:46)

    Avant de lutter pour une indépendance il faudrait qu'il définisse qui est corse et qui ne l'est pas....qu'il arrête de soutenir des assassinats quelques soient les victimes.
    De plus si il faut revenir à l'histoire, il ne faut pas en prendre uniquement les parties qui correspondent à vos idées. Le siècles dernier et les génération qu'il a vu grandir et pourrir témoigne de l'attachement de la corse et des corses à la France.

    Enfin, lutter pour imposer des idées ou une religions par la violence n'est peut etre pas la même chose mais ces deux actions montrent toutes deux le même manque de respect pour les autres.... Le libre arbitre fait l'homme, l'asservissement par la violence est un renoncement à l'humain .

    Tant pis pour eux, ils ont déjà perdu.

  • #7

    U Palatinu (samedi, 31 mars 2012 20:40)

    Personnellement, je dirais que le sentiment de se sentir corse ou français, ou corse et français appartient à chacun d'entre nous, selon nos sensibilités personnelles. C'est une question d'idéal, que chacun défini selon son coeur, et dans l'absolu, aucune idée n'est plus mauvaise qu'une autre à partir du moment où elle existe dans le respect strict et absolu de l'humain et de l'environnement.