Jean-Guy Talamoni : « Pour une véritable maîtrise des transports »

L’assemblée de Corse a voté la mise en place d’une Commission ad hoc sur la création d’une compagnie maritime régionale, à l’instar de la CCM dans l’aérien et des CFC dans le ferroviaire. Composée de conseillers territoriaux, celle-ci devra examiner la faisabilité de la création d'une société d'économie mixte locale (SEM) et les modalités de sa mise en œuvre. Jean-Guy Talamoni, l’élu territorial de Corsica Libera, explique, à Corse Net Infos, que l’avenir des transports maritimes corses est entre les mains de cette commission. 

- Êtes-vous satisfaits du vote de la commission d’étude sur la création d’une compagnie maritime régionale qui est une revendication nationaliste ? 

- En ce qui nous concerne, nous avons soutenu la décision de créer une commission pour étudier la faisabilité de la compagnie dite régionale. C’est une idée que nous défendons depuis fort longtemps, que nous avons défendu, seuls, pendant des décennies. Nous avons relancé le débat, à la fin 2010 au moment où plus personne n’en parlait, en interpellant Paul-Marie Bartoli, président de l’Office des transports. A l’époque, il s’était engagé à lancer l’étude de faisabilité, ce qui n’a pas été fait. Aujourd’hui, le dossier a évolué dans la mesure où c’est la dernière solution qui reste à la CTC pour avoir une véritable maîtrise des transports et pour sortir de ce bourbier où s’enlise le dossier des transports maritimes. Plus que jamais, cette proposition est crédible. Nous ne sommes plus les seuls à la défendre. Nous allons nous engager, bien sûr, dans le cadre de cette commission et travailler avec les autres élus de la Corse pour faire en sorte que ce projet débouche rapidement.

- Que pensez-vous du cafouillage de l’exécutif qui avait prétendu, en février dernier, que l’étude était réalisée, ce qui s’est avéré faux ?

- Il y a eu effectivement un cafouillage. La manière, dont a été rédigé le rapport initialement, laissait penser que, finalement, l’exécutif faisait cela sans trop de conviction. L’exécutif nous a expliqué que le rapport était rédigé de manière maladroite, mais qu’il était très engagé dans cette étude de faisabilité. Nous pensons qu’en l’état actuel de ce qui a été adopté par la CTC, il y a une possibilité de voir cette étude de faisabilité se faire dans de bonnes conditions. Nous prenons acte de la décision qui a été exprimée, publiquement, lors du débat, par le Conseil exécutif, mais nous avons insisté pour que ce rapport soit amendé parce qu’il y avait nombre de choses ne convenaient pas.

- Lesquelles ?

- La composition, notamment, de la commission. Il y a eu deux amendements sur le même passage du rapport. Un amendement, que j’ai moi-même déposé, reprenait l’avis du Conseil économique, social et culturel (CESC) de la Corse. Il consistait à dire que le CESC devait être associé à la commission. Un autre amendement disait que l’ensemble des voies juridiques devait être examiné, et pas seulement la SEM. Donc, j’ai repris, pour le compte de Corsica Libera, cet avis du CESC.

- Quelle fut la raison du blocage de l’amendement présenté par le Front de gauche ?

- Un amendement du groupe communiste visait à introduire, dans la commission, les syndicats des compagnies maritimes. Notre groupe a exprimé, et a été suivi par une majorité de l’assemblée, notre désaccord. Cette commission doit concerner les élus de la Corse et les représentants de la Corse qui siègent au CESC. On ne peut pas mettre sur le même plan les institutions de la Corse, à savoir l’assemblée et le CESC, et des syndicats qui ne sont pas élus.

- Vous ne vouliez pas qu’ils soient juges et parties ?

- Nous pensons que ces syndicats doivent, bien sûr, être entendus par la commission, mais qu’ils aient un rôle actif et décisionnel au sein de la commission, qui planche sur l’avenir maritime de la Corse, ne nous paraît pas logique. Il y a eu une discussion sur ce point et la CTC a tranché de manière extrêmement majoritaire en faveur de la thèse que nous défendions. Les syndicats seront donc auditionnés, mais ne feront pas partie de la commission.

- N’est-ce pas, en même temps, faire preuve d’une certaine défiance, au regard des erreurs du passé, vis-à-vis des marins du port de Marseille ?

- Très concrètement, je ne sais pas si on peut lancer une étude et des débats constructifs en mettant en présence des élus et des responsables syndicaux qui, eux, ne défendent pas l’intérêt public corse, mais défendent simplement l’intérêt de leurs adhérents. Ce qu’on ne peut pas leur reprocher d’ailleurs. En tout état de cause, tous les syndicats sont représentés, d’une certaine manière, à travers le CESC qui est, lui, une institution de la Corse.

- La droite dit qu’une compagnie régionale n’est pas viable et que la CTC n’a pas les moyens de financer une troisième SEM, surtout dans le maritime. Que lui répondez-vous ?

- Je ne sais pas ce que dit la droite. A l’assemblée, elle prétend que la SEM n’est pas une bonne chose, qu’elle n’est pas viable. Mais, dans ses meetings, il y a quelques jours encore, l’UMP affirme que la compagnie dite régionale est une hypothèse à examiner sérieusement. J’ai donc du mal à faire le point sur ce que pense vraiment l’opposition de droite. Et je peux d’ailleurs me poser la question, comme beaucoup, de savoir s’il y a encore une opposition de droite et un groupe de droite à l’assemblée !

- A gauche également, nombre d’élus ne sont pas favorables à la SEM. Ne craignez-vous pas que cette commission ne soit qu’un subterfuge politique pour donner le change ?

- Cette commission ne doit pas être une manière d’enterrer le dossier. Nous avons cru comprendre que ce n’était pas l’esprit de l’exécutif, mais nous serons extrêmement vigilants quand au rythme des travaux de cette commission qui est très importante pour la Corse.

- Pourquoi vous êtes-vous abstenus lors du vote sur la suppression du service complémentaire ?

- Nous avons dénoncé, depuis des années, la politique qui était menée. Cette politique, aujourd’hui, arrive à ses conclusions, à savoir des risques très forts sur le plan social avec la double suppression du service complémentaire et de l’aide sociale. C’est la conséquence ultime d’une politique totalement désastreuse, qui a été menée sous les précédentes mandatures et qui n’a pas été modifiée depuis un an et demi alors que tous les voyants étaient au rouge. Nous n’avons pas approuvé cette politique, nous ne l’approuvons pas davantage aujourd’hui, donc nous n’allons pas assumer la responsabilité de ses conséquences. C’est la raison pour laquelle nous nous sommes abstenus.                                                      

                                                                               Propos recueillis par Nicole MARI

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