Lors d'une conférence de presse symboliquement tenue devant le lycée du Fango àBastia, les représentants de Corsica Libera, avec à leur tête les deux candidats àl'élection législative en Haute-Corse, Ghjuvan Filippu Antolini et Petru'Anto Tomasi, ont demandé le transfert de la compétence éducative à la CTC. Dressant un constat inquiétant de la situation insulaire, ils préconisent des mesures urgentes.
Pour le mouvement nationaliste, le système éducatif actuel, "obsolète par son centralisme et ses orientations", conduit la jeunesse corse "droit dans le mur" et la condamne "à l’exil ou au chômage". Il y a donc urgence à mettre en place "une éducation qui prenne en compte les spécificités insulaires".
Moins de scolarisés
Le constat est accablant. L'académie compte l'un des plus faibles taux de scolarisation nationale et le plus de sorties du système éducatif sans diplôme. En 2006, seulement 43 % des jeunes âgés de 15 à 29 ans étaient inscrits dans un établissement d'enseignement. Si ce taux a augmenté de 2,5 % depuis 1999, il reste inférieur de 3,5 % à la moyenne nationale. Cette faible scolarisation est particulièrement marquée au sortir du secondaire. Ainsi, le taux de scolarisation des 18-21 ans n'est que de 60 %, 8 % de moins que la moyenne nationale. En revanche, entre 22 et 24 ans, l'écart se réduit : 25 % des jeunes résidant en Corse sont inscrits dans un établissement d'enseignement, ce qui situe l'île au milieu du classement des régions françaises.
Plus d'inactifs
Si les jeunes de plus de 18 ans sont moins scolarisés que sur le continent, ils ne sont pas pour autant mieux insérés sur le marché du travail. Seulement 53 % de ceux âgés de 18 à 29 ans occupent un emploi, soit un taux inférieur de 5 % à la moyenne nationale. Ainsi la part d'inactifs jeunes est-elle supérieure sur l'île.
Pour les nationalistes, la faute en incombe à la politique éducative du gouvernement qu'ils accusent de persévérer " dans la mise en place de véritables dispositifs de mise à l’écart, certifiés par des décrochages et des échecs scolaires exponentiels. Il s’appuie sans vergogne sur une fallacieuse logique comptable, érigée en dogme, pour supprimer, sur notreîle, depuis des années des centaines de postes d’enseignants. 350 en tout depuis 2005, et ce, toutes catégories confondues".
Un transfert de ressources
Dénonçant "un système éducatif au service des intérêts de l’Etat français", Corsica Libera
propose un projet qui intègre "la dimension socio-économique liée à l’aménagement du territoire, à la défense de la ruralité et à nos spécificités. C’est l’un des grands enjeux de la carte scolaire et, pour nous, un objectif politique majeur : celui du rééquilibrage territorial et de l’égalité des chances".
Selon le mouvement, il est plus que jamais vital d’obtenir le transfert de la compétenceéducative à la CTC et les ressources afférentes, soit environ 300 millions €. Ce transfert passant, obligatoirement, par l’officialisation de la langue corse.
Une nouvelle organisation
Dans le cadre de leur projet Corsica 21, les nationalistes proposent, notamment, la mise en place d’une politique de développement de la langue corse qui doit devenir « a lingua di u pane », une formation initiale et continue en adéquation avec "la réalité économique de notre terre et au service des intérêts collectifs de notre peuple".
Ils préconisent une nouvelle organisation du temps scolaire, un rythme adapté aux difficultés rencontrées par les élèves et un calendrier prenant en compte "les spécificités de notre climat, de notre culture et respectant les grandes dates historiques et religieuses de notre île". Ils défendent une véritable éducation à l’orientation dès la classe de sixième, la refonte des programmes "pour une plus grande pertinence" et un accompagnement personnalisé pour pallier la baisse significative des effectifs par classes.
Des établissements autonomes
Ils prônent également l'autonomie des établissements scolaires pour une meilleure adaptation à chaque réalité locale, plus de transparence sur les notations, les promotions ou les titularisations. Et réclament "le retour des enseignants corses exilés par l’instauration d’un barème spécifique valorisant leurs compétences en langue corse et répondant à un critère de citoyenneté corse". Ainsi que la gratuité des fournitures scolaires, des transports, de la cantine et de la garderie pour les familles à faible revenu.
Pour Corsica Libera, ce transfert de la compétence éducative et des ressources nécessite la création d’une Direction de l’Education à la CTC qui "aura en charge, dans un premier temps, l’adaptation et l’expérimentation des textes réglementaires et législatifs à la réalité de notre pays, missions aboutissant de fait à une autonomie administrative, et dans un deuxième temps à une véritable gouvernance de l’éducation nationale corse".
La position de Paris
Un transfert auquel Michel Barat, le recteur de l'académie de Corse, a récemment déclaré ne pas être hostile. La balle est du côté de Paris. Il faudra néanmoins attendre le résultat des élections présidentielles pour connaître la position du nouveau gouvernement sur le sujet.
"Pourquoi serions-nous moins capables que l’administration française pour faire fonctionner notre académie et pour jeter les bases d’une vraie société de la connaissance émancipatrice afin d’assurer l’avenir de nos enfants ?" s'interrogent les nationalistes.
La question a le mérite d'être posée.
N. M.
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