Fréderic Alpozzo : « L’avenir de la SNCM dépend des choix de la CTC »

Frédéric Alpozzo et Christine Bonnefoi
Frédéric Alpozzo et Christine Bonnefoi

L’exécutif de la CTC examinera, jeudi, le dossier des transports maritimes, notamment la délégation de service public (DSP) et l’étude de la création d’une compagnie régionale. Pour Fréderic Alpozzo, la survie de la compagnie maritime et du service public dépend des choix politiques de la CTC, et notamment de sa majorité de gauche. Le leader de la CGT marins se dit inquiet pour l’avenir de la SNCM et de ses salariés.

- Que pensez-vous de la situation actuelle de la SNCM ?
- La situation actuelle va conduire à des pertes en fin d’année en raison de la concurrence sur le service public et des menaces sur son équilibre social avec peut-être un plan de licenciement. Que l’entreprise vive, dépend en grande partie des choix politiques de la CTC en matière de service public par rapport à la concurrence qui dure depuis trop longtemps des compagnies low costs, financées, comble de tout, avec de l’argent public. Or, un marché n’est pas subventionné. L’aide sociale aux passagers, en théorie, c’est un remboursement individuel au passager qui doit bénéficier sur des critères sociaux aux usagers du service public, donc en premier lieu aux résidents. Ce n’est pas le cas. Corsica Ferries a touché de 15 à 20 millions d’euros par an, au pourcentage de passagers transportés pendant la période estivale, touristique. C’est un scandale ! Ce n’est pas nouveau. Mais ça doit s’arrêter.
- Pourtant aujourd’hui, c’est la SNCM qui a été condamnée pour avoir perçu des subventions de service public…
- C’est le comble de tout ! Elle a été condamnée pour avoir perçu des subventions pour un service qu’elle assure toute l’année, y compris avec les car ferries en période de vacances scolaires. Si on laisse exécuter la libre concurrence, on va supprimer le Napoléon Bonaparte et le Danielle Casanova de la desserte dans les prochains mois. On mettra à la place des vieux bateaux de 30 ans comme on le voit sur la desserte de Toulon et de Nice avec Sardinia Vera et Moby Lines. Avec aussi des conséquences en matière de sécurité et d’environnement dont on ne parle jamais. Et on aura fait cadeau de 500 000 passagers à Corsica Ferries au détriment de la DSP sur Marseille pour la CMN et la SNCM. Ces passagers vont passer par le port de Toulon où, l’hiver, la Corsica Ferries fait le minimum, sans emploi de marins français, ni statut français, ni emploi induit, ni employés à terre nationaux, aussi bien en Corse que sur le continent.
- Que pensez-vous des propositions faites par le président de l’exécutif ?
- Elles ne sont pas très ambitieuses et, pour l’heure, ne sont pas de nature à sauvegarder et pérenniser le service public en matière de transports maritimes. Maintenant, elles peuvent avoir du sens à condition qu’il y ait une convention transitoire qui permette de maintenir les car ferries jusqu’au 1er janvier 2014.
- Que se passera-t-il si les capacités du service public étaient revues à la baisse?
- Cela entraînerait un plan social pour les salariés de la SNCM, une nouvelle donne où Corsica Ferries aurait le champ libre. Depuis 2007, elle n’arrête pas de saisir les tribunaux pour réduire le service public à sa portion congrue et récupérer les meilleures parties du service sur les meilleures périodes. Uniquement pendant les périodes estivales où s’effectuent 80 % du service passager rentable. Corsica Ferries a été alimentée avec l’argent du contribuable. Elle est majoritaire sur le transport des passagers. Si on laisse faire, elle va devenir également majoritaire sur le fret, elle va tuer la SNCM. L’an prochain, c’est la CMN qui va commencer à tirer la langue pour la première fois de sa carrière. C’est exactement ce qui s’est passé en Sardaigne, où la Tyrréhnia, la compagnie de service public, a été abattue avec les emplois qui allaient avec. S’est instauré un monopole privé low costs à travers la Corsica Ferries, la Sardinia Ferries et Moby lines. Ils ont pris toute la desserte avec des vieux bateaux, imposé leurs lois et fixé les tarifs à 170 % au détriment des usagers.
- Vous souhaitez une DSP sur Toulon ?
- Nous souhaitions une DSP sur Toulon et nous n’avons pas abandonné l’idée que Toulon soit regroupé avec Marseille puisque la mission parlementaire a fait la démonstration que ces deux ports ne peuvent pas être en concurrence. Si la CTC ne le fait pas, elle doit organiser différemment la concurrence entre Toulon, Marseille, la DSP et la non DSP afin que les deux ports ne soient plus concurrents et que l’ensemble du territoire se développe harmonieusement. S’il y a des OSP sur Toulon, il faut qu’elles soient régulées et limitées. S’il y a une initiative privée sur Toulon, c’est qu’il y a un marché et s’il y a un marché, on doit supprimer toute aide sociale à Corsica Ferries.
- Qu’attendez-vous de la session de la CTC consacrée aux transports ?
- Qu’elle ait une réflexion sur la situation du service public du transport maritime et sur l’avenir des salariés. Aujourd’hui, c’est clair, on est à la croisée des chemins. Il appartient à la CTC, et notamment à sa majorité de gauche, de définir une politique en faveur du service public ou de choisir la libre concurrence et les low costs au détriment du service public et de la casse sociale. Les vraies causes de la mise à mort du service public de continuité territoriale, depuis une dizaine d’années, sont connues, identifiées et peuvent être résolues. Ce sont les réponses que doit nous apporter l’exécutif de Corse.
                                                                            Propos recueillis par Nicole MARI

Me Christine Bonnefoi : « Les DSP et les OSP sont légales »

La CGT marins a fait appel à une avocate spécialisée en droit public et en droit communautaire pour analyser l’arrêt de la cour d’appel administrative de Marseille annulant la DSP. Pour Me Christine Bonnefoi, cet arrêt a été mal interprété et se révèle favorable à une DSP et à une OSP. Elle estime qu’il ne faut pas se cacher derrière les textes européens qui n’interdisent rien.

- Pourquoi la CTC a-t-elle décidé de ne pas saisir le conseil d’Etat concernant la décision de la cour d’appel?
- Nous ne pouvons pas répondre. Par contre, cet arrêt de la cour administrative d’appel de Marseille n’est pas si négatif. C’est l’interprétation qu’on en fait qui est négative. Effectivement, l’arrêt bloque la convention et la DSP telle qu’elle est mise en œuvre. Mais il dit que les DSP et les OSP sont légales. C’est très important parce que certains utilisent cet arrêt pour dire que les DSP et les OSP doivent disparaître. Non. La Cour reconnaît leur importance et reconnaît que le droit communautaire les reconnaît et qu’elles sont compatibles avec les logiques de droit français et communautaire.
- Alors que condamne cet arrêt ?
- Il condamne la convention qui est illégale, pas l’OSP ou la DSP. Les commentaires sur cet arrêt mélangent le contenant et le contenu. La Cour administrative d’appel dit, à bon escient, que le contenu n’est pas suffisamment motivé ou est mal motivé pour correspondre au contenant. Ce qui signifie que les DSP et les OSP sont légales et peuvent être mises en place.
- Qu’est-ce qui manque pour qu’il y ait eu, dans ce cas particulier, une décision plus favorable ?
- Il manque, premièrement, des motivations expliquant pourquoi il y avait un besoin d’intérêt général. La convention, quand elle a été rédigée, n’a pas suffisamment développé les notions d’intérêt général et de besoin. Pourquoi y a-t-il un besoin ? Comment légitimer ce besoin et comment le prouver ? En droit, quand on utilise ce terme d’intérêt général, on doit prouver le besoin et l’intérêt général. Pour une desserte, comme celle de la Corse, ce n’est pas difficile de prouver le besoin. L’exercice n’a pas été fait. Les magistrats ne statuent pas en politique.

Ils statuent en droit et juridiquement la justification n’a pas été suffisante.
- Quel est le 2ème point ?
- C’est l’article 7 de la convention qui est la compensation et la méthode de mesure de la compensation. La cour d’appel reconnaît la notion de compensation quand il y a un service public avec une DSP et une OSP. Mais elle dit que cet article 7 est mal écrit, qu’il déguise des aides servant à compenser des pertes économiques et non pas à compenser un service de qualité. Ce qui n’est pas pareil. La façon dans l’article est rédigé parle d’une aide au fonctionnement d’une entreprise, ce qui est interdit tant en droit interne qu’en droit communautaire. Tout le monde le sait.
- Un rapport remis à l’OTC dit que la Commission européenne et la Cour d’appel définissent un service suffisant au regard de la quantité des services et non de la qualité.
- C’est faux. La cour dit que les services doivent être suffisant en termes de continuité, régularité, fréquence, qualité, prix et, le cas échéant, de capacité pour atténuer les contraintes liées à l’insularité. On fait un faux procès à la Cour administrative d’appel comme on fait un faux procès à  la marge de manœuvre laissée par le niveau communautaire, au vu de l’article 17. Le droit européen dit que les services d’intérêt  économique se mesurent par un niveau élevé de la qualité, de la sécurité, du caractère abordable, l’égalité de traitement... Les droits des utilisateurs sont autorisés par l’Europe sous une réserve : que les autorités délibérantes définissent clairement leurs objectifs. Il faut délimiter le champ du besoin et de l’intérêt général. Qu’on ne dise pas que les blocages sont liés à la Cour d’appel et au droit européen, c’est faux.
  Propos recueillis par Nicole MARI


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Commentaires: 4
  • #1

    M. CASANOVA (mercredi, 21 mars 2012 12:50)

    Article intéressant qui malheureusement n'apporte pas grand chose au vrai débat autour de Frédéric Alpozzo. Cet homme a annoncé une nouvelle grève en compagnie de son éternel sbire Marce Faure pour le 27 Mars 2012. Encore une j'ai envie de dire !!! Frédéric Alpozzo contribue FORTEMENT à la mort de la SNCM !!! Le droit de grève doit rester un droit et non pas un abus. Il se trouve que les raisons invoquées pour cette grève ne sont qu'une couverture pour manifester contre son licenciement (et celui de Faure) dont il est question à la SNCM. Messieurs ALPOZZO et FAURE doivent être virés, il le faut pour le bien de la SNCM. Ce qui est terrible, c'est de voir qu'en interne personne ne soutien ces deux hommes (même au sein de la CGT Sédentaires). Alors pourquoi personne ne leur dit rien? C'est à vomir de voir à quel point la CGT peut pourrir une entreprise...

    Signé : un ancien de la SNCM !

  • #2

    FIAT LUX (mercredi, 21 mars 2012 13:15)

    bravo,très bonne réaction,je suis tout à fait d'accord avec vous.

  • #3

    Ici et là (mercredi, 21 mars 2012 17:02)

    Tellement vrai... Ras le bol des grèves... Qu'ils se mettent au boulot... Faut-il se renseigner auprès de la CGT avant de réserver un billet pour faire une traversée sur la SNCM?

  • #4

    Cegetiste (vendredi, 01 juin 2012 00:14)

    Mouai.! Il serait plus efficace de virer Mr Dufour, TRES GRAND fournisseur de chomeurs à Pole emploie !!Pour réserver un billet,je comprends mais je n'ai,pour le momment grace aux nouvelles exigences Corses ,plus de travail à la rentrée ! Ma famille ne partita pas de si tot en vacance pour une utopique compagnie régionale Corse.On tape TOUJOURS sur la gueule de ceux qui défendent leur emploie, au GRAND bonheur des politiques et patrons à qui profitent l'égoisme général Francais. Aujourd'hui je n'ai plus de compassion pour ceux qui triment pour un salaire de misère,car ceux sont les premiers à cracher sur ceux qui se battent pour faire évoluer le statut du salarié dans ce pays. Tellement plus facile que de prendre ses Couilles à la main et de faire front ! Pour les anciens qui ont su profiter des avantages et des acquis et qui aujourd'hui VOMISSES sur nous, Bonne retraites !!!