La Corse verte : Nationalisme et écologie

 

Eva Joly était Mardi soir au palais des congrès d'Ajaccio dans le cadre de la campagne présidentielle. Elle a réaffirmé le lien qui unit la Corse avec l’écologie. Il est vrai que depuis 50 ans la Corse a mené des combats pour la défense de son environnement et que la proche parenté entre les revendications nationalistes et le programme écologiste ne date pas d’hier. Ainsi, un collectif de soutien à la candidate écologiste s’est créé. Alors, la Corse est-elle verte ? Toute verte ?

 

Comme se plait à dire un dirigeant nationaliste « on faisait de l’écologie sans le savoir ». Dès les années 60, un vaste mouvement de mobilisation regroupant toutes les tendances politiques, s’opposait à la volonté du gouvernement Debré de créer un centre d’essai nucléaire à l’Argentella. En 1973, des collectifs anti boues rouges se formaient en opposition aux déversements de déchets toxiques en Méditerranée. Le comité Anti-Vaziu créé en 1982, en revanche, n’aura pu empêcher l’installation d’une centrale au fioul lourd. Les exemples sont légion de mobilisations parmi lesquelles les nationalistes figuraient toujours en bonne place. 

 

Cette propension à la cause écologiste serait le fruit de l'insularité et d'une ruralité tardive venant renforcer les liens entre les hommes et le territoire. « Le combat pour la terre est l’âme du combat pour la Corse ». Et de la défense de la terre à la défense de l’écologie, il n’y a qu’un pas. Cependant le nationalisme ne pouvait pas se reconnaitre dans certaines revendications écologiques de l’époque telles que la dénonciation de la société de surconsommation, du boom démographique ou du gaspillage énergétique, car l’île était exactement soumise à la réalité inverse du sous-développement. En revanche, le nationalisme a rapidement compris l’intérêt de la thématique écologiste qui permettait de souder une population autour d’un intérêt unanime et, par là même, de subsumer les corses en une entité commune voulant fabriquer la conscience d’une Nation.


Liens politiques

A partir des années 80, les nationalistes passent progressivement d’une accointance idéologique à des rapports politiques avec les partis nationaux verts. Les candidats du PNC ou I verdi Corsi ont bénéficié d’accords électoraux notamment pour les élections européennes qui ont permis d’élire Max Simeoni (1989) ou François Alfonsi (2009) au parlement européen. Dans Kyrn en 1989, Max Simeoni prophétisait : " Le problème sera de trouver des convergences avec d’autres forces. Il y a deux axes, l’axe des iles et l’axe des peuples. Les régions et les peuples sans Etats n’ont pas encore réussi à se regrouper ". Aujourd'hui, le groupe Verts-Alliance libre européenne rassemble des écologistes et des élus de régions autonomes (les Basques espagnols, les Flamands ou les Écossais) et concrétise cette stratégie d'alliance.


Ce lien entre nationalisme et écologie politique n'a pas toujours été heureux pour tous. Le candidat à l’élection présidentielle de 2002, Alain Lipietz, a du regretter longtemps une phrase sur le nationalisme corse qui l’obligea à retirer sa candidature à la suite d'une campagne médiatique dévastatrice. On lui reprochera notamment d’avoir participé à la rédaction du programme économique du FLNC, ce qu’il démentira par la suite.  En 2000, l'économiste reconnu participera à un rapport de la commission des affaires européennes dirigée par Jean Guy Talamoni « Une ambition européenne pour la Corse. Environnement et identité au cœur du développement ». On peut y lire la convergence programatique entre la vision fédéraliste et européenne des Verts et l’autonomisme corse prônant une Europe des peuples et des régions. Cette vision est coférente avec le projet nationaliste en lui fournissant deux leviers pour contourner la puissance de l’Etat : au niveau supra-étatique en tentant de créer un rapport privilégié et direct avec l’Europe et au niveau infra-étatique en favorisant une plus large autonomie des régions.

 

Oups !

Si l'association écologie-nationalisme est ancienne, il faut dire que le soutien des nationalistes n’a jamais été décisif pour l'écologie nationale. Aux dernières élections présidentielles, les candidats écologistes réalisent des scores très faibles, souvent même inférieurs à la moyenne continentale. Ces résultats sont loin de refléter les niveaux habituels des nationalistes. L’électorat reste donc relativement mobile et peu influençable par les consignes de vote concernant une élection nationale.

 

De même, lorsque l Verdi Corsi, rattaché au courant nationaliste et aux Verts nationaux, se présentèrent pour la seule fois sans alliance aux élections régionales de 1998, ils n'obtinrent que 1,2 % des suffrages. Pour expliquer cet écart entre "l'âme verte" des corses et sa faible représentation politique, on pourrait suivre Jean Marie Arrighi  : « les mobilisations sur des thèmes environnementaux ont réussi quand elles étaient aussi porteuses d’autres significations, culturelles ou politiques, et qu’elles permettaient de réaliser brièvement un rêve d’unité des Corse.» Un groupe se constitue lorsqu'il se sent menacé par un ennemi extérieur. En revanche, lorsqu’il s’agit de pratiques concrètes, de choix internes ou d'un enjeu national, les conflits apparaissent ou la fibre verte tend à s'effacer. Selon lui, on aurait tort « d’idéaliser la défense de la nature en Corse et d’y voir un lieu phare de l’écologie dans tous les domaines. »

 

D. B.



Une consigne de vote pour 2012 ?


A la veille des élections présidentielles, parmi les programmes des candidats, c’est bien celui d’Eva Joly qui est le plus proche des revendications nationalistes : reconnaissance du peuple corse, autonomie, co-officialité de la langue, lutte contre la spéculation et la bétonisation, agriculture paysanne... Soutenir la candidature écologiste reviendrait à donner force à ces idées dans un éventuel gouvernement.

Ainsi, pour la campagne de 2012, un comité de soutien s’est créé regroupant des nationalistes ou sympathisants notamment l’eurodéputé François Alfonsi, la conseillère territoriale Fabiana Giovannini du PNC, Norbert Laredo d’I Verdi Corsi.

Cependant les partis nationalistes n’ont pas encore arrêté une position officielle en leur qualité de structure politique. Notamment le mouvement Femu a Corsica, coalition de sensibilités diverses regroupant le PNC, Inseme per a Corsica et a chjama, souhaite au préalable consulter l’ensemble des candidats à la présidentielle dans un questionnaire qui leur parviendra très prochainement. Ils décideront ensuite de la stratégie à tenir qui ne s'orienterait pas forcement vers une consigne de vote mais plutôt sur un compte rendu des meilleures réponses.

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