Garde à vue : La liste des avocats est inconstitutionnelle

 

Le Conseil constitutionnel a abrogé, ce vendredi, l'article du code de procédure pénale qui limitait le nombre d’avocats habilités à intervenir pendant les gardes à vue en matière de terrorisme. C’est une victoire incontestable pour le barreau de Bastia, à l’origine de la fronde.

Toute personne mise en garde à vue dans une affaire de terrorisme ou de grand banditisme pourra donc choisir librement son avocat. Ainsi en a décidé, ce 17 février, le Conseil constitutionnel en abrogeant une disposition très décriée du décret d’application de la réforme du 14 avril 2011.
Une question de constitutionnalité
Ce décret, publié le 14 novembre dernier, demandait à chaque barreau de dresser une liste d’avocats susceptibles d’intervenir pendant ces gardes à vue, liste parmi laquelle un magistrat aurait pu, à partir d’avril prochain, choisir un défenseur à la place de la personne interpellée. La liste ne pouvant excéder 10 % du barreau, à Bastia, seuls 13 avocats pouvaient y figurer.
Cette mesure bafouant le droit à la libre défense, le barreau de Bastia a donc refusé de constituer la liste et, par l’intermédiaire de Me Patrice Spinosi, introduit un recours en annulation auprès du Conseil d’Etat et posé une question prioritaire de constitutionnalité. D’autres barreaux ont marqué leur hostilité en envoyant une liste composée de l'ensemble des avocats du ressort.
Les droits de la défense préservés
Le Conseil constitutionnel a donc tranché en faveur des droits de la défense. Il estime que « ces dispositions n’offrent pas de garanties suffisantes et violent les droits de la défense dès lors que le pouvoir donné au juge de priver la personne gardée à vue du libre choix de son avocat n’est pas suffisamment encadré ». Il relève que « la loi ne prévoit pas l’obligation pour le juge de motiver sa décision et qu’elle ne définit pas les circonstances particulières de l'enquête ou de l'instruction, ni les raisons permettant d'imposer une telle restriction aux droits de la défense ».
Une victoire pour les avocats
Une décision unanimement saluée dans tous les barreaux de France. « Cette décision nous donne une fois de plus l’occasion de saluer les belles avancées du Conseil constitutionnel qui renforcent notre État de droit », se félicite Christian Charrière-Bournazel, président du Conseil national des barreaux.
La Haute juridiction avait déjà, en juillet 2010, censuré l'ancienne loi sur la garde à vue, qui ne prévoyait qu'une présence très limitée de l'avocat.
Même satisfaction de Me Patrice Spinosi : « C'est une très belle décision, cela démontre que le Conseil constitutionnel garantit de façon claire les libertés fondamentales. Ce décret était complètement infamant. Il était sous-tendu par l'idée que les avocats sont complices de leurs clients. Pour quelle autre raison, sinon, vouloir écarter le conseil choisi par un prévenu? Or, même lorsqu'ils sont militants, les avocats savent garder leur déontologie. De même qu'un justiciable ne choisit pas son juge, un juge ne peut choisir son avocat ! ».
Une exception suspecte
Néanmoins, le Conseil constitutionnel admet que la liberté de choix de l'avocat puisse être différée, « à titre exceptionnel », sous certaines conditions, afin de ne pas compromettre une enquête. Mais, précise-t-il, « Il incombe au législateur de définir les conditions et les modalités selon lesquelles une telle atteinte aux conditions d'exercice des droits de la défense peut être mise en œuvre ».
Pour préserver le travail des enquêteurs sur les dossiers les plus lourds et les plus sensibles, le gouvernement tente, par tous les moyens, de conserver un régime spécial, dérogatoire. Ainsi une disposition de la loi sur la garde à vue, que la France a été obligée d’adopter sous la pression conjuguée du Conseil constitutionnel et de la Cour européenne des droits de l'homme, permet à un magistrat de retarder l'arrivée d’un avocat au commissariat. Mais cette dérogation est mise à mal par la Cour de cassation qui exige de justifier de « circonstances exceptionnelles » pour le faire.
Les Basques et les Corses
La sanction du Conseil constitutionnel est un second camouflet. L’article censuré, inspiré de la législation espagnole, fait, comme l’a effectivement soutenu Me Spinosi, peser une suspicion sur les avocats, notamment dans les affaires de terrorisme. L’idée est d’empêcher les fuites. Enquêteurs et magistrats instructeurs s’accordent à penser qu’un avocat, militant, idéologiquement proche d’une personne interpellée, peut utiliser les informations entendues lors des interrogatoires en garde à vue et les transmettre à des suspects non encore arrêtés et, ainsi, plomber la procédure.
En ligne de mire, les avocats basques et corses.
                                                                                                                                  N. M.

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