Le Système Victoria, d'Éric Reinhardt : Un libertinage contemporain ?

 

Il n'était pas facile pour Éric Reinhardt de réussir son retour après le succès de son précédent roman, Cendrillon. C'est chose faite, cependant, avec Le Système Victoria. Ce roman fait partie des livres qu'on ne referme qu'à demi, tant la tension et les interrogations que l'auteur a créées sont grandes.

Dès le début, pourtant, le décor est planté : David, architecte raté devenu chef de travaux, raconte le cheminement tragique qui a mené à la mort de Victoria, sa maîtresse. Le lecteur se croit alors à l'abri de la surprise, de l'imprévu. Or il n'en est rien, la mort de Victoria surprend.
Entre les deux personnages, le coup de foudre est immédiat. David Kolski, homme de gauche peu combattif, presque faible, aborde dans un centre commercial Victoria de Winter, femme mariée, D.R.H. monde d'une société britannique. Personnages apparemment antithétiques mais irrésistiblement attirés l'un par l'autre et qui s'adonneront aux jeux de l'amour entre Londres et Paris. Mais dans cette relation pas de place au hasard car Victoria va imposer à son amant son système amoureux, analogie à peine déguisée du système économique libéral. L'auteur dresserait-il là la description  d'un nouveau libertinage ? Nous pouvons le croire. Laissons de côté les aristocrates libertins du siècle des Lumières, pour retrouver leurs successeurs : des bourgeois décomplexés pour qui l'amour se consomme comme une marchandise.    
David est entraîné dans les rouages de Victoria qui le repoussent et le fascinent. Le temps passé avec elle est un temps hors de la réalité, hors de sa vie familiale, un temps suspendu. Pour elle, tout n'est d'abord qu'un jeu. Elle applique avec David ses principes faits pour assurer non pas de l'amour mais du détachement, non pas des sentiments mais de la consommation. Système apparemment bien rôdé dans lequel Victoria se laissera quand même entraîner. Libertine aux jeux trop poussés, libertine amoureuse, elle ne survivra pas à l'engrenage qu'elle a elle-même créé.
Éric Reinhardt bâtit son roman sur une double structure : à la construction d'une tour dont David est le directeur de travaux se superpose le développement de sa relation avec Victoria. Deux constructions ascendantes, deux systèmes, l'un économique, l'autre amoureux, qui s'effondreront en même temps.
Intrigue policière, roman politique, roman d'amour, tout participe à faire du Système Victoria un des romans les plus réussis de cette année.
                                                                                                         Lucie CANCELLIERI

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