Haute-Corse : Front commun pour l'emploi des jeunes

L'ADEC, Pôle Emploi et la Chambre de Commerce et d'industrie de Haute-Corse (CCIT) ont signé une convention tripartite pour faciliter l'insertion des jeunes dans la vie active. Quatre manifestations sont programmées, dont trois inédites, notamment La Nuit de l'orientation qui se tiendra vendredi 10 février à la CCIT de Bastia. Explications conjointes de Paul Trojani, président de la CCIT, Dany Bergeot, Directeur régional de Pôle Emploi, et Jean Zuccarelli, président de l'ADEC.

Avec 15 300 demandeurs d'emploi au troisième trimestre 2011, le chômage touche 9,4 % de la population active insulaire. Pour enrayer ce « cancer social », l'Agence de développement économique de la Corse (ADEC), la Chambre de Commerce et d'industrie de Haute-Corse (CCIT) et Pôle Emploi unissent, depuis plusieurs années, leurs efforts pour les mettre au service du tissu professionnel et des demandeurs d’emploi.
L’objectif commun est de mieux répondre aux besoins en compétence des entreprises, de les accompagner dans leurs démarches de recrutement et de sécuriser les parcours professionnels des créateurs et des repreneurs d’activité.
Quatre évènements
Une nouvelle convention tripartite a été signée, mardi matin, pour renforcer cette coopération, la réajuster et la redynamiser. Elle vise essentiellement les jeunes qui, avec ou sans diplôme, sont confrontés à cette problématique d’insertion.
Son ambition est de créer des espaces de rencontre et d’échanges destinés, non seulement à favoriser l’interaction entre le monde de l’entreprise et les chômeurs, mais aussi à guider les jeunes, dès le collège et le lycée, vers une orientation professionnelle susceptible de leur procurer un emploi.
Quatre rencontres sont programmées pour 2012 : les « Rencontres pour l’Emploi », qui sont amplifiées, et trois inédites : la « Nuit de l’Orientation », le « Forum des jeunes » et les « Métiers qui recrutent ».
La Nuit de l’Orientation
La première « Nuit de l’Orientation » se tiendra vendredi 10 février, à partir de 17 heures, au siège de la CCIT de Haute-Corse, et permettra d’offrir une vision globale de la recherche de stages et d’emplois dans l’île. Seront proposés plusieurs ateliers d’initiation thématiques sur l’orientation, l’emploi, les métiers de la croissance verte ainsi qu’un speed dating des métiers. Des tests individuels pourront être effectués et des conseils seront prodigués par différents acteurs de l’information et de l’orientation professionnelles. Pendant cette nuit, les jeunes pourront également rencontrer des spécialistes de la découverte de soi et des professionnels de l’entreprise.
Ce concept original a déjà séduit en 2011 plus de 71 000 visiteurs qui ont participé, partout en France, à 44 « Nuits » et mobilisé plus de 3 700 chefs d’entreprise venus présenter plus de 1 800 métiers.
                                                                                                                                 N. M.

Paul Trojani : « Il y a des emplois en Corse »

- Quel est l'objectif de cette nouvelle convention que vous venez de signer ?
- La CCIT de Haute-Corse vient de signer une convention avec l'ADEC et Pôle Emploi pour aider nos jeunes à trouver du travail. Cette convention est un partenariat exemplaire qui place la problématique de l'emploi au cœur d'un dispositif innovant sur le plan local car, dans un contexte économique particulier, la meilleure des réponses reste la mutualisation et l'action solidaire. La solidarité doit être dirigée d'abord vers les jeunes. Cette feuille de route engage ces trois organismes au contact des jeunes qui sont à la recherche d'un emploi ou en quête d'un conseil ou d'une orientation.
- Pourquoi la CCI s'implique-t-elle ?
- La CCI est là pour aider tous les ressortissants, et surtout les chômeurs, à trouver un emploi. Nous nous impliquons là où il faut, pour résoudre ce problème de chômage qui n'est pas simple. Un emploi, qui peut être sauvé, est une victoire pour nous. Nous espérons, avec cette convention, obtenir des résultats rapides.
- Y-a-t-il des perspectives d'emploi en Corse ?
- Bien sûr ! Il y a des emplois en Corse. Il faut arrêter de dire qu'en Corse, il n'y a pas de place pour les jeunes. Les entreprises manquent de personnels, notamment dans le Bâtiment, mais aussi dans d'autres corps de métiers comme la climatisation et le froid. Il faut des formations plus adaptées, qui répondent aux demandes. 
Propos recueillis par N.M.

Dany Bergeot : « La fonction publique est saturée ».

- Quel est l'intérêt pour Pôle Emploi de faire partie de cette convention ?
- L'intérêt est d'aider les entreprises à réussir leur recrutement, à définir en amont leurs besoins et d'appuyer les personnes en recherche d'emploi. Le sujet est si vaste que seul, sans le concours du monde économique, Pôle Emploi ne peut pas y arriver. Cette convention permet la mise en commun de nos offres de service, de nos outils et de nos volontés respectives d'intervention. 
- La Corse souffre d'un fort taux de chômage. Y-a-t-il de l'emploi ?
- Il y a de l'emploi en Corse. Le problème n'est pas tant le volume de l'emploi, mais le désajustement entre ce que cherchent les entreprises et ce que proposent les demandeurs d'emploi. Sur les dix premiers métiers recherchés par les employeurs, cinq tournent autour de l'hôtellerie-restauration alors que la majorité des demandeurs d'emploi recherche des postes administratifs dans la fonction publique et le secrétariat. Il faut travailler sur des reconversions, sur la saisie d'opportunité, et être lucide sur la définition du marché de l'emploi en Corse. 
- Voulez-vous dire que la majorité des Corses veut devenir fonctionnaire ?
- C'est un cliché qui, en même temps, repose sur une réalité. La proportion des gens qui, en Corse, travaillent dans la fonction publique, est de l'ordre de 35 % alors que la moyenne nationale est autour de 26 à 27 %. La Corse a atteint la saturation entre la fonction publique d'état, territoriale et hospitalière qui offre des opportunités de remplacement, mais pas de recrutement massif.
- Quels sont les secteurs qui recrutent ?
- Tous les métiers de bouche, c'est-à-dire les filières alimentation, boucherie, charcuterie, boulangerie ou pâtisserie, souffrent d'un gros déficit de main d'œuvre. La voie royale pour y arriver, c'est l'apprentissage avec, à la clé, la reprise ou la création d'entreprise et l'indépendance. Prenez deux adolescents d'une quinzaine d'années, l'un se dirige vers l'université avec le risque d'être dans l'impasse, l'autre choisit la voie de l'apprentissage, par exemple en installation thermique et sanitaire avec le solaire à la clé et regardez leur différence de situation et de perspectives quand ils auront trente ans !
- L'apprentissage n’est-il pas la priorité du gouvernement?
- Au delà de cette politique ponctuelle, c'est une ligne de fond depuis quinze ans. L'apprentissage, en France, a trop longtemps été considéré comme une voie de garage, la voie de ceux qui avaient échoué partout alors que, dans d'autres pays et pas seulement en Allemagne, c'est une voie d'études supérieures que la moitié des étudiants suivent jusqu'au niveau ingénieur. Le cursus d'ingénieur à Corte concerne, pour l'instant, peu de personnes, il reste donc une grande marge de développement.
Propos recueillis par N.M.


Jean Zuccarelli : « La question de l'orientation est cruciale »

- Pourquoi l’ADEC a-t-elle signé cette convention ?
- Le but de cette convention est d'unir nos forces avec celles de la CCI et de Pôle Emploi pour mieux agir en faveur de l'emploi et du développement économique. Cette convention tripartite est nouvelle dans son ampleur car elle englobe un ensemble d'actions pour 2012,  dont trois événements nouveaux. Elle témoigne de notre volonté d'œuvrer au rapprochement de l'entreprise et des jeunes demandeurs d'emploi, de les mettre en contact par rapport à des thématiques particulières. Chaque événement a son objectif, sa particularité et son public.
- Pouvez-vous détailler ces quatre événements ?
- Le premier, La nuit de l'orientation, est une première en Corse, à Bastia, et vise à faire découvrir les métiers aux publics les plus jeunes, y compris aux collégiens et lycéens, pour les aider à s'orienter. La question de l'orientation est cruciale, elle est au centre des problématiques d'emploi. Aider le jeune à trouver sa voie et à se mettre sur la bonne trajectoire, c'est lui donner le maximum de chance de trouver un emploi au terme d'une formation et d'une qualification. Si les problématiques de décrochage scolaire et d'orientation étaient mieux appréhendées en amont, nous aurions moins de difficultés au sortir du système éducatif.
- Pourquoi cet événement se tient-il la nuit ?
- Nous avons voulu un cadre différent des traditionnels salons et une ambiance festive pour séduire les jeunes. Le deuxième événement est la réédition et l'amplification des Rencontres pour l'emploi qui ont fait la démonstration de leur efficacité.  Elles se tiendront en mars sur trois sites pour mettre en contact les entreprises qui recrutent et les demandeurs d'emploi avec des contrats à l'issue des entretiens. Le troisième événement nouveau est, en mai, le Forum des jeunes qui s'adresse à ceux qui ont, en fin de cursus, le projet de créer une entreprise. Ce forum leur propose un parcours organisé avec l'ensemble des acteurs qui peuvent les accompagner dans la création d'entreprise. Il vise également à sensibiliser à l'entreprenariat. 
- N’avez-vous pas déjà effectué ce type de sensibilisation, l'an dernier ?
- Nous avons, il y a plus d'un an, distribué dans les collèges une petite brochure racontant l'histoire de deux jeunes, Stella et Batti, qui montraient concrètement comment passer d'une idée à une entreprise. Le quatrième événement, en novembre, est également une première et vise à mettre en lumière les métiers qui recrutent et dont les demandes sont insatisfaites. Le paradoxe est que, dans le même temps, le chômage progresse et des entreprises peinent à recruter. 
- La formation n'est-elle donc pas adaptée au besoin des entreprises corses ?
- Il faut revoir la carte des formations pour qu'elle colle mieux au besoin du tissu économique. Trop de jeunes sortent avec des diplômes qui ne correspondent pas à la demande du moment des entreprises. La question de l'orientation et de l'offre de formation doit être considérablement améliorée. Ensuite, il faut communiquer. C'est en montrant la réalité de la vie professionnelle, les perspectives d'emploi et d'évolution que l'on va inciter les jeunes à s’engager et à trouver un emploi dans des métiers qui pâtissent d'une image difficile et qui peinent à recruter. 
                                                                                             Propos recueillis par N.M.

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