Emmanuelle de Gentili : « Je n’exclus rien et je ne décide rien »

Elle ne s’était pas exprimée depuis son éviction à l’investiture du Parti socialiste pour les élections législatives dans la 1ère circonscription de Haute Corse. Emmanuelle de Gentili sort de son silence et livre, à Corse Net Infos, son sentiment sur ce conflit d’investiture qui oppose le PS et le PRG dans deux circonscriptions insulaires. Conseillère exécutive, membre du Conseil national de son parti, animatrice de la campagne socialiste pour les présidentielles, elle explique les espoirs insulaires mis dans une victoire de François Hollande.

- Pouvez-vous nous donner votre sentiment sur votre éviction à l’investiture du PS dans la 1ère circonscription de Haute-Corse ?
- Je ne vais pas m’exprimer spécialement sur les législatives dans la mesure où, en 2007, j’étais déjà candidate à la candidature. On m’avait alors expliqué qu’Emile Zuccarelli étant le député sortant, il était naturel qu’il ait l’investiture et qu’il était le mieux placé pour remporter l’élection. Tout naturellement, je me suis effacée. Cette-fois encore, j’ai déposé ma candidature, elle n’a pas été retenue. J’en ai pris acte. 
- Dans quel cadre vouliez-vous être candidate ?
- Dans la mesure où le député sortant est de droite, nous trouvions complètement légitime d’avoir une primaire à gauche pour déterminer quel était le candidat le mieux placé entre le Front de gauche, le PRG et le PS. Mais le PRG n’a pas souhaité la tenue de primaires. Tout ce que nous demandions alors, c’était de pouvoir avoir un candidat au même titre que les autres partis. Nous nous posons la question de savoir pourquoi on n’a vraiment pas voulu que le PS ait un représentant de son rang dans cette élection. 
- Pourquoi n’avez-vous pas été entendus ?
- C’est une question qui m’interpelle. Dans un cadre de partenariat, le PS a autant de légitimité à être candidat que le Front de gauche au 1er tour avec, bien entendu, un report au 2ème tour, puisque nous appartenons à une même famille politique. Mais on a vraiment tout fait pour qu’il n’y ait pas de candidat socialiste.
- Ne croyez-vous pas qu’une triple candidature aurait divisé  les voix et rendu problématique la présence de la gauche au 2nd tour ?
- Si un candidat se sent fort, il n’a pas peur de cette éventualité. Moi, je n’en avais pas peur. Je ne comprends pas pourquoi d’autres candidats avaient cette crainte.
- Votre père, Laurent Croce, a déclaré que la candidature de Jean Zuccarelli n’était pas légitime. Est-ce également votre sentiment ?
- Il faut demander à Laurent Croce de commenter ses propos. En ce qui me concerne, les législatives passent après les présidentielles. Je m’occuperai de ce que représentent les législatives après le 6 mai.
- Soutiendrez-vous alors la candidature de Jean Zuccarelli ?
- Cette question devra m’être posée le 6 mai. De toute façon, il n’y a eu aucune discussion entre le PRG local et le PS local. Rien n’a été demandé. Donc, cette question, pour moi, n’est pas d’actualité.
- Jean-Charles Orsucci se heurte dans la 2ème circonscription de Corse-du-Sud au même blocage que vous. Cela signifie-t-il qu’en Corse, le PS est condamné à ne rien faire parce que le PRG est tout-puissant ?
- Non. Le résultat de cette désignation relève de la participation du PRG dans les Primaires et d’un engagement pris à ce moment-là. Le PRG avait mis un casus belli disant que, s’il n’obtenait pas la Corse, il n’y aurait pas d’accord national. Considérant cette annonce et l’enjeu national, il était très difficile à François Hollande de refuser l’investiture au PRG dans la mesure où il allait afficher une alliance avec les Verts qui n’ont pas participé aux Primaires. Cela n’a rien à voir avec les contingences locales, ni avec les personnalités locales que ce soit Jean-Charles Orsucci, moi-même ou qui que ce soit d’autre. Des décisions nationales ont des conséquences locales, mais ce problème existe dans plein de départements, notamment dans la circonscription parisienne. Nous ne sommes pas une exception à la règle.
- Mais, pour vous, sur Bastia, ne craignez-vous pas que vos ambitions politiques soient continuellement entravées ?
- Non. Je vais continuer mon parcours politique et à exister à ma manière. Puis, vous verrez au fil des mois. Je n’exclus rien et je ne décide rien. La seule chose qui m’intéresse aujourd’hui, c’est de gagner les Présidentielles. Il ne faut rien faire qui puisse empêcher la victoire de notre candidat. C’est la priorité. Et, comme nous l’a demandé  François Hollande qui ne souhaite pas que l’on mélange les élections, toutes nos forces doivent être d’abord mises à la réussite de ce combat qui est très compliqué et que nous avons perdu pendant trois mandats. Etant animateur de sa campagne, je vais travailler à  faire en sorte que, sur la Corse, il ait la meilleure image possible.
- La gauche insulaire est secouée par des conflits et des tensions. Pensez-vous qu’elle va réussir à tenir le cap ?
- Le Parti socialiste a toujours tout fait pour apaiser les choses. Jean-Charles Orsucci et moi-même sommes plutôt des personnes de dialogue que des personnes de conflit. Maintenant comment les autres le perçoivent, l’analysent ou l’appréhendent, ne relèvent que de leur responsabilité ! Aujourd’hui, des gens prennent des décisions, font des choix, concertent ou ne concertent pas. Ils assumeront leurs choix et leurs décisions. Nous prendrons acte. Nous avons des engagements vis-à-vis d’un certain nombre d’amis, de partenaires et d’électeurs et nous serons à notre juste place, le moment venu. Quant aux problèmes à l’intérieur de la gauche, il y a les mêmes au sein du mouvement nationaliste et encore plus, peut-être, au sein de la droite insulaire. 
- Comment cette alliance de gauche, composée de progressistes comme Jean-Charles Orsucci et vous et de réactionnaires, peut-elle véritablement fonctionner ?
- Chacun est sur ses positions. Nous recherchons un consensus permanent. L’intérêt de la Corse est de toujours avancer au delà de toutes les contraintes. Avec Jean-Charles Orsucci, nous sommes sur une position très clairement progressiste parce que nous pensons que la Corse est à un tournant. Elle doit se développer et transcender certaines idées reçues. Ma génération ne peut plus admettre les oppositions de principe. Ce n’est pas parce qu’on est de droite, de gauche ou nationaliste qu’on ne peut pas défendre ensemble la loi littoral, le Padduc ou les problèmes énergétiques. On peut avoir des divergences sur l’approche sociale ou sur le développement du tourisme, mais il faut des sujets qui nous rassemblent dans l’intérêt de la Corse. Je crois que c’est ça aujourd’hui faire de la politique sur cette île. Lorsque la Corse se fédère, on peut la faire avancer. On nous observe. Quand on nous sent unis, solidaires, on nous écoute. Si on commence à parler de nos handicaps, à dire qu’on est les plus mauvais du monde et qu’il n’y aura jamais rien d’autre que de l’assistanat, on n’arrivera à rien.
- Qu’est-ce que l’élection de François Hollande peut changer pour la Corse ?
- J’espère qu’il va changer beaucoup de choses, qu’il sera à l’écoute de la Corse et qu’il ne fera pas simplement des visites de courtoisie avec des annonces miraculeuses, mais qu’il sera dans le concret. Nous sommes sur une île et nous avons des problématiques prégnantes. Nous lui avons donné un certain nombre d’informations afin qu’il soit au courant du travail accompli par la CTC sur les prisonniers politiques, le foncier ou la santé. Je l’ai d’ailleurs interpelé par courrier pour connaître ses idées sur un certain nombre de sujets. Quand il est venu en campagne pour les Primaires, son discours n’était pas complet.
- Il était même assez fermé puisqu’il s’est déclaré contre les évolutions institutionnelles!
- François Hollande est contre la réforme des collectivités locales qu’il va arrêter complètement s’il est élu. Mais je pense qu’il laissera la CTC avancer sur une réforme pour la Corse avec les statuts et l’expérience acquise depuis une vingtaine d’années. Je peux comprendre que les évolutions fassent peur, mais, à un moment donné, pour se développer, il faut se prendre en main ! La décentralisation, à gauche, c’est la mise en responsabilité des régions avec des actions dans les domaines de compétences. Nous vivons aujourd’hui l’abandon des régions par un Etat qui donne des compétences sans transférer les moyens financiers et les mises à niveau adéquats. C’est pour cela que les collectivités doivent disposer d’une autonomie fiscale et financière pour définir leur propre politique en fonction de leur spécificité. Nous devons faire émerger une société très différente qui soit capable de se développer par elle-même et d’avancer. Nos spécificités sont, aussi, nos forces. Nous avons des contraintes physiques, mais ces contraintes nous donnent une capacité d’imagination et d’inventivité. 
- François Hollande a-t-il prévu de venir en Corse ?
- Il s’est engagé pendant les Primaires à venir avant le 1er tour, mais nous n’avons pas de dates. Nous espérons sa venue, courant mars. La seule contrainte, que nous avons posée, c’est qu’il ne vienne pas pendant les vacances de février, mais juste après pour être suffisamment proche de l’élection.
                                                                                           Propos recueillis par Nicole MARI

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