Paul-Marie Romani : "Je ne suis le candidat de personne"

 

 

 

Professeur d’économie, âgé de 61 ans, Paul-Marie Romani est en lice pour succéder à Antoine Aiello à la présidence de l’université de Corse. S’inscrivant dans le droit fil de la continuité, il répond, pour Corse Net Infos, aux critiques dont il fait l’objet de la part de son adversaire. Tout en défendant, bec et ongles, la mandature sortante où il était vice-président, il revendique sa spécificité. 

- On dit que vous êtes le candidat de la Présidence ?
- Non. Je suis le candidat Paul-Marie Romani d’Erbalunga, professeur d’économie à l’université de Corse, 61 ans, droit dans ses bottes et clair dans sa tête. Je ne suis le candidat de personne. Je suis un candidat parmi d’autres à l’élection présidentielle. 
- Cette assimilation avec le président sortant vous gène-t-elle ?
- Non. Elle ne me gène absolument pas. Soyons clair. J’ai travaillé six ans avec lui, dont quatre ans en tant que vice-président. Ce fut, pour moi, une période fabuleuse où, au contact d’un jeune président talentueux et courageux, j’ai pu remettre en cause un certain nombre d’habitudes que j’avais accumulé, à tort ou à raison, dans ma carrière. J’ai paradoxalement beaucoup appris auprès d’un président qui a l’âge de mon fils aîné. De là, à dire, que je suis son candidat, je crois que lui-même en rirait ! 
- Néanmoins, vous vous inscrivez dans la continuité de la mandature sortante.
- Je suis dans une certaine continuité. Comment pourrais-je faire autrement ! Serais-je crédible si je disais que ce qui s’est passé avant moi n’existe pas et que j’arrive pour révolutionner et tout changer ! Ce serait stupide ! Je vais capitaliser tout le travail de mes prédécesseurs et essayer de le porter un peu plus loin. Je suis très proche d’Antoine Aiello sur le plan personnel et professionnel. J’admire beaucoup ce qu’il a fait, je suis fier de ce qu’à ma petite place, j’ai contribué à faire avec lui. Mais, si je suis élu, je présiderai avec une équipe de 50 personnes qui a choisi de m’accompagner.
- Dans cette liste que vous présentez, y-a-t-il beaucoup de membres de l’ancienne mandature ?
- Il y a un renouvellement considérable. Mais la communauté universitaire n’est pas extensible à l’infini. Nous devons respecter des contraintes de sectorisation.
- Vous dites que vous irez plus loin. Que proposez-vous de plus ?
- Je pars sur un socle existant. Ma première mission est de le préserver. Le legs de la mandature précédente est un capital important, riche de perspectives et de potentialités. Ma seconde mission, immédiate et concomitante, est de l’enrichir et de le capitaliser. Au niveau de la recherche, je vais donner, aux chercheurs dans les laboratoires, tous les moyens dont ils ont besoin et dont nous disposons pour non seulement produire les fruits des investissements réalisés dans la mandature précédente, mais en produire de nouveaux.
- Quels défis devrez-vous relever ?
- Il y a deux aspects. L’un est lié aux résultats des élections présidentielles et législatives, dont je ne peux pas préjuger. Nous sommes aujourd’hui dans un cadre réglementaire législatif que nous essayons d’optimiser. L’autre aspect est lié au contexte économique et social. En tant qu’économiste, ces perspectives m’interpellent. Elles ne sont pas réjouissantes : le chômage augmente, les budgets se resserrent, les déficits se creusent. Par notre autonomie et notre prise de responsabilité, nous avons, d’une certaine manière, bénéficié positivement d’un contexte qui n’était déjà pas mirobolant. Je crains qu’un contexte resserré sur le plan budgétaire ne nous amène à regarder de près ce qui se passe et à prendre des dispositions.
- La crise économique aura-t-elle un impact sur l’université ?
- Comment ne pas la prendre en compte ! L’autonomie imposant la gestion notamment de la masse salariale et du patrimoine, nous avons anticipé la rigueur et pris des précautions. Nous avons géré en bon père de famille sans faire déborder la masse salariale. Il nous reste ainsi des marges de manœuvre grâce à une réserve de postes que nous pourrons libérer en cas de besoin. Nous avons aussi beaucoup investi dans le passé avec l’aide de nos partenaires : la CTC, l’Europe et l’Etat. Le climat économique, sur le plan comptable et financier de l’université est très bon. Nous disposons de réserves budgétaires importantes. Nous pouvons donc affronter une éventuelle aggravation de la situation nationale de façon sereine.
- N’y aura-t-il donc pas d’impact ?
- La montée du chômage risque d’avoir un impact sur nos très bons résultats d’insertion professionnelle puisque les étudiants trouveront moins de possibilités de s’insérer. Il nous faut anticiper sur cette situation et renforcer nos problématiques et nos dispositifs pour maintenir un niveau d’insertion satisfaisant. 
- Que comptez-vous faire contre la précarité étudiante ?
- C’est une question qui m’interpelle. Jamais je n’aurais pu imaginer qu’une telle situation puisse exister à l’université. Elle existe, encore faut-il en connaître le périmètre et la gravité exacte ! L’une de mes premières décisions sera de solliciter tous les services compétents, internes et externes, pour resserrer la visibilité sur ce sujet. Nous prendrons à bras-le-corps cette situation. Il est anormal que, dans un pays comme le nôtre, des étudiants n’aient pas les moyens de vivre correctement. Il y a quelques semaines, le Conseil économique, social et culturel de Corse s’est autosaisi, à l’initiative de l’université, de ce problème. Des moyens importants ont été dégagés par la CTC. D’autres discussions auront lieu pour compléter le dispositif.
- L’autonomie, qui a été le cheval de bataille d’Antoine Aiello, est critiquée au sein même de votre université !
- Connaissez-vous une loi qui ne soit pas critiquée ! La loi dite LRU, Liberté, Responsabilité, Université, est notre cadre de référence. Nous l’avons anticipé. Quand le président Aiello a obtenu la mise hors normes de l’université de Corse qui bénéficie, ainsi, d’un statut dérogatoire en raison de sa petite taille et du contexte insulaire et qu’il a choisi de l’intégrer au premier lot éligible à la loi LRU, il a pris ses responsabilités. Nous avons conscience des déficiences et des incohérences de la loi, mais nous essayons de l’utiliser au mieux de nos intérêts. Nous avons aussi la possibilité, dans le cadre réglementaire et institutionnel corse, de négocier de nouvelles marges de manœuvre en adaptant la loi LRU, via une réflexion avec la Commission Chaubon.
- Pour encore plus d’autonomie ?
- Oui. Nous ne voulons pas l’autonomie pour l’autonomie, mais pour agir, être efficace au quotidien et obtenir des résultats.
- La présidence Aiello est taxée d’autoritarisme et de pratiques peu démocratiques. Que répondez-vous ?
- Je ne m’en suis pas aperçu. Donc, ou j’étais aveugle, ou ce reproche est infondé ! Ceux qui prononcent ce genre de commentaire méconnaissent totalement le fonctionnement de l’université. Pensez-vous que les professeurs expérimentés ou les jeunes dynamiques, qui forment les Conseils, sont des moutons qui obéiraient à un dictateur, qui attendraient qu’on leur donne des ordres ! Cela n’existe pas. Les décisions prises sont d’abord examinées, critiquées et votées dans les instances intérieures que sont les Conseils d’administration des composantes pédagogiques ou de recherche. Le Président a un droit de veto, mais je ne l’ai jamais vu l’exercer. Tout ça me paraît de l’agit’ prop’, de la poussière, du brouillard qui vise à entraîner le débat sur des chemins de traverse. Je ne m’engagerais pas sur ces chemins-là.
- Que pensez-vous également des accusations graves proférées par votre concurrent Antoine Orsini ?
- J’en ai pris acte. Je note qu’elles sont de moins en moins graves et précises. Ces énonciations s’effritent. La justice a, me semble-t-il, été saisie par le président Aiello qui a jugé ces accusations offensantes et diffamantes pour l’université. Elle tranchera. Je suis très serein sur le résultat de cette procédure. 
- Est-ce facile de succéder à Antoine Aiello ?
- C’est toujours difficile de succéder à quelqu’un. Je ferais du mieux que je peux. Mon âge et mon expérience compenseront le dynamisme et le culot dont Antoine Aiello a fait montre. Grâce à l’expérience notamment acquise à ses côtés, je me projette dans l’avenir avec passion, sérénité et détermination.
- Etes-vous confiant quant aux résultats de ces élections ?
- Absolument.
                       Propos recueillis par Nicole MARI

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