Jean Charles Orsucci : " Ma candidature est légitime "

Obtiendra-t-il l’investiture socialiste et radicale de gauche pour les élections législatives de juin 2012 dans la 2ème circonscription de la Corse-du-Sud ? Jean-Charles Orsucci, maire de Bonifacio et vice-président de l’Assemblée de Corse, l’espère et le revendique. Mais il doit affronter un autre poids lourd de la majorité territoriale, Paul-Marie Bartoli, maire de Propriano et président de l’Office des Transports, favori du PRG et de Paul Giacobbi. Réponse attendue dans les prochains jours.

- Les instances nationales du PS ont, contre toute attente, gelé la désignation du candidat à l’élection législative dans votre circonscription, qui semblait acquise au PRG. Est-ce lié  à votre acte de candidature ?
- Ah oui ! Sûrement ! J’ai une petite part de responsabilité dans cette histoire puisque, conformément aux statuts du Parti socialiste, j’ai fait acte de candidature pour obtenir l’investiture. C’est vrai que certains ont pu penser que tout était réglé et plié. A priori, j’ai réussi à faire entendre ma voix. Au moins un temps ! Et ce n’est pas désagréable de voir que l’on peut être entendu.
- Pourquoi vous êtes-vous porté candidat ?
- Tout simplement, parce que j’estime qu’il n’est pas tout à fait logique que le Parti socialiste soit totalement absent de la future élection législative en Corse. Ce n’est pas comme cela que l’on aide un parti à grandir ! Ce n’est pas comme cela que l’on aide un parti à faire entendre sa voix ! Une voix qui n’est ni celle du Parti radical de gauche, ni celle du Front de gauche. Mais c’est en étant présent aux élections. J’aimerais bien y aller pour défendre mes idées et je crois avoir un certain nombre d’atouts pour les défendre au mieux. Je regrette d’ailleurs de ne pas obtenir plus de soutien de mon propre parti au niveau local.

- Le PRG, en tant que plus importante force insulaire de gauche, revendique comme légitimes les trois circonscriptions, hors celle de Simon Renucci. Que lui répondez-vous ?
- L’argument est facile. Pourquoi, alors, trouve-t-il légitime que le Front de gauche soit présent au premier tour ? Ce qui serait vrai pour le Front de gauche ne serait pas vrai pour le Parti socialiste ! Qu’il m’explique en quoi je n’aurais pas de légitimité, en quoi le PS ne serait pas légitime à être présent aux élections ! Quel score prend-il en considération ? A quel titre et sur quelle base peut-il affirmer cela dans ma circonscription ? Où sont les résultats ? Il oublie Corse Social Démocrate, un partenaire qui, de mon point de vue, est important. Simon Renucci et ses amis comptent dans ma circonscription qui englobe un canton d’Ajaccio, il faut écouter ce qu’ils ont à dire.
- Que pensez-vous de cette candidature unique PRG-PS qui masque de fortes divergences entre les deux partis sur les questions corses ?
- D’abord, à ma connaissance, Paul-Marie Bartoli n’est pas encarté dans un parti, même s’il est très proche du PRG. Ensuite, c’est un secret de polichinelle de dire qu’au sein de la majorité territoriale, nous avons longuement et souvent divergé sur des sujets importants pour la Corse. C’est compliqué. Aussi ai-je fait acte de candidature pour représenter une certaine idée de la Corse, de son développement, de son avenir politique et de ses alliances. Je n’ai jamais caché mes soutiens locaux à Bonifacio. Les nationalistes m’ont fortement aidé aux élections municipales et cantonales. Inversement et sans états d’âme, je suis allé soutenir Jean-Christophe Angelini à Porto-Vecchio.
- Justement, certains disent que le meilleur candidat de gauche serait Jean-Christophe Angelini. Il aurait même été question qu'il soit le candidat des Verts en accord avec le PS. Qu’en pensez-vous ?
- Si Jean-Christophe Angelini avait été investi par le PS et par Europe Ecologie les Verts (EELV),  peut-être ! C’est à ce titre que je l’ai soutenu à Porto-Vecchio au moment des cantonales. Mais je crois qu’il ne le souhaite pas et c’est dommage. J’ai milité, en mars 2010, pour une ouverture vers les nationalistes modérés au sein de la majorité régionale. L’ouverture n’a pas pu se faire, je le regrette encore. Aujourd’hui, à Porto-Vecchio, Jean-Christophe Angelini a phagocyté la quasi-totalité de l’électorat de gauche. Le connaissant assez bien, je pense que, sur bon nombre de valeurs et d’idées, il pourrait, demain, composer à gauche. Et s’il est élu député, il pourrait siéger dans une majorité de gauche à l’Assemblée Nationale.
- Avez-vous bon espoir d’être désigné ?
- Sincèrement, je ne sais pas. Aujourd’hui, je ne dispose pas d’éléments qui me poussent à l’optimisme ou au pessimisme.
Ma candidature pose beaucoup de questions au niveau national. J’attends de voir quelle décision sera prise. Je suis serein. Quelque soit la décision, je la respecterais parce que je suis militant dans un parti avec des instances dont il faut respecter le fonctionnement quand bien même on en serait, un petit peu, la victime. Evidemment, je préfèrerais être investi sinon je n’aurais pas fait acte de candidature.
- Si le PS choisit Paul-Marie Bartoli, vous y conformerez-vous ou, comme Laurent Croce, exprimerez-vous votre mécontentement ?
- Je ne vais pas vous dire que je bondirai de joie si mon concurrent est désigné ! A priori, je ne me place pas dans ce cas de figure. J’ai eu l’occasion déjà de le faire et certains de mes amis me l’ont reproché, peut-être à juste titre ! Je n’ai pas à dire aujourd’hui ce que je ferais demain si je ne suis pas investi par mon parti. A priori, je ne serais pas candidat si je n’ai pas l’investiture du PS.
- Dans ce cas, soutiendrez-vous néanmoins le candidat PRG ?
- On verra le moment venu. Dans un premier temps, je vais me consacrer à l’élection présidentielle qui est l’échéance la plus importante. Ensuite, tout dépendra des candidats en présence et de leur positionnement au niveau national. Aujourd’hui, je suis incapable de vous dire si je soutiendrais Paul-Marie Bartoli. Je ne connais pas la position de Corse Sociale Démocrate. Auront-ils un candidat ? N’en auront-ils pas ? Qui auront-ils décidé de soutenir ? Nous en discuterons le moment venu. Il y a une certaine légitimité à ce que je me range derrière la majorité régionale, mais on ne peut pas m'expliquer qu’il faut donner l’investiture au PRG au nom d’une majorité territoriale avec Dominique Bucchini, qui sera aussi candidat ! Il faudra, alors, remettre les cartes sur la table et réfléchir en profondeur. Dans ce cas-là, la situation sera compliquée, je vais être en difficulté.
- Pourquoi ?
- La situation, pour moi, sera forcément compliquée parce qu’une partie de la gauche bonifacienne, avec qui concrètement j’ai du mal à m’entendre, passe son temps à prendre le contrepied de la position qui peut être la mienne. Ces militants socialistes font tout pour que Paul-Marie Bartoli ait l’investiture. Ils ont toujours été mes adversaires. En 2003, quand j’étais candidat, ils soutenaient mon adversaire UMP avec qui ils partageaient leur permanence. Ils étaient contre moi en 2008 et en 2010. Ils seront contre moi en 2014. Depuis pas mal de temps, ils enchaînent les défaites, mais ils n’en tirent pas les conséquences. C’est dommage !
- Les échecs électoraux dus aux conflits internes et aux ambitions personnelles ne sont-ils pas un problème récurrent dans tous les partis en Corse ?
- Pas seulement en Corse, mais sur l’ensemble du territoire national. Regardez ce qui se passe à l'UMP à Paris avec Rachida Dati ou au PS, quelques soient les circonscriptions. Ce n’est pas un problème insulaire. Je crois même que c’est une vérité absolue, en politique, que les débats et les affrontements sont souvent plus durs au sein même de son propre parti. C’est un fait avéré, les difficultés sont souvent plus grandes avec ses propres amis. En Corse, la difficulté que l’on voit poindre systématiquement et qui est une spécificité locale, c’est qu’au-delà du traditionnel clivage droite/gauche se dessine ce fameux clivage Jacobin/Girondin qui traverse tous les partis politiques.
- C’est-à-dire ?
- C’est-à-dire que l’histoire des trente dernières années démontre qu’il y a eu des unions entre la droite et la gauche contre les nationalistes. Je suis reconnu pour être un homme de gauche mais assez proche des autonomistes.
- N’étiez-vous pas au départ autonomiste ?
- Non. J’ai toujours été un homme de gauche et j’ai toujours été un autonomiste. J’ai milité dans un syndicat nationaliste, mais le seul parti dans lequel j’ai été encarté est le PS depuis 1988. Cela étant, j’ai toujours eu des relations et des liens très forts avec bon nombre d’élus nationalistes et je partage avec eux bon nombre de convictions. Ce qui fait qu’ils m’ont apporté leur soutien à Bonifacio et qu'il y a dans mon équipe municipale des adjoints très proches de Jean-Christophe Angelini, avec qui je m’entends pour le mieux, à l'inverse de certains de mes camarades socialistes.
- Ce débat autour de l’investiture aux législatives ne risque-t-il pas de vous mettre en difficulté pour les municipales de 2014 ?
- Je pense que, contrairement à 2008, je n’aurais pas à défendre une équipe et un projet, mais à défendre un bilan. Quand je regarde ce qui a déjà  été fait sur la commune de Bonifacio et ce que nous sommes en train de réaliser en ce moment-même, je suis serein. Je pense que nous serons en capacité de défendre ce bilan et d’être réélu. Nous avons gagné l’élection de mars dernier au premier tour avec 55 % des voix alors que je n’étais pas moi-même candidat dans un scrutin où le conseiller général a toujours été le maire. La bataille des législatives est difficile, mais différente, car elle se place dans un débat national droite/gauche. Dans tous les cas de figure, la politique c’est la démocratie, j'y mets toute ma passion et toute ma volonté, mais j’accepte toujours le résultat des urnes.
- Quand serez-vous fixé pour votre investiture ?
- Je pense que la décision est toujours en discussion et qu'elle sera prise ce mois-ci. Je l’attends sereinement. A partir de là, je continuerai mon analyse.
                                                                                               Propos recueillis par N.M.

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