Conseil Général de Haute-Corse : Un budget Bis repetita

Le vote du budget primitif 2012 du Conseil Général de Haute-Corse, qui est intervenu mardi matin, a donné lieu à la même polémique que le débat d’orientations budgétaires qui l’avait précédé en octobre dernier. Le budget, marqué du sceau de la rigueur, a fait l’objet d’une passe d’armes désormais rituelle entre Hyacinthe Mattei, conseiller général de L’Ile-Rousse, aujourd’hui en dissidence, et ses anciens colistiers. Une bataille de chiffres sur fond de dialogue de sourds.

Le pessimisme était de mise au Conseil général de Haute-Corse lors du vote du budget primitif pour l’année 2012.
Pessimisme, d’abord, au niveau de l’exécutif qui présentait un budget en berne avec des perspectives de baisse à tous les étages.
Baisses des recettes principales à court-terme avec une stagnation prévue pour 2012-2013 et une diminution programmée des dotations de l’Etat aux collectivités en 2014. En 2011, le département a reçu 75,5 millions d’euros de l’Etat, dont 7,3 millions au titre de la réforme de la taxe professionnelle.
Réduction de 40 % de l’autonomie fiscale pour une collectivité qui, depuis la réforme de la fiscalité  locale, est confrontée à un manque à gagner de 10 millions d’euros en 7 ans.  En 2012, celui-ci atteindra 1,326 million d’euros.
Baisse accumulée des dépenses sociales traditionnelles de 15,56 millions d’euros pour couvrir le différentiel de transfert de compétences mal compensées.
Un budget difficile
Dans ce contexte, l’exercice financier 2012 s’annonçait difficile et rempli d’incertitude. Le budget primitif, qui vient d’être voté et qui s’élève à  230,5 millions d’euros, est à peine moins élevé que celui de 2011 qui affichait 232,2 millions.
Malgré la présence d’emprunts toxiques, la capacité d’autofinancement de la dette, qui culmine à 133 millions d’euros, augmente de 14,24 %. « En 2012, nous faisons le vœu de sécuriser l’encours de la dette. Le ratio de désendettement diminuera de 5,98 à 5,24 années alors que le seuil communément admis à ne pas dépasser est de 8 ans » promet Eric Calloni, président de la Commission des finances qui présentait ce nouveau budget.
Les dépenses de fonctionnement sont fixées à 179 millions pour 204,38 millions de recettes prévues. Les dépenses d’investissement, qui devraient atteindre 51,54 millions, ne pourront être comblées par les recettes attendues de 26,18 millions. Sur ce poste, c’est le réseau routier qui rafle la mise avec une hausse de 10 millions d’investissements sur l’année, autofinancés grâce notamment à la subvention accordée par la CTC. Les dépenses sociales et sanitaires augmentent également de 5,6 % mais prévient Eric Calloni, « nous aurons une gestion plus rigoureuse des attributions des aides ».
Les dépenses de la discorde
Augmentation également des charges de personnel qui atteignent 49, 5 millions d’euros. Une hausse, que l’exécutif impute à l’intégration des agents de la DDE, de la voirie et de HCD, mais qui, comme en octobre dernier, va cristalliser la discorde avec l’opposition.
Premier à entrer en lice, Claude Flori, Conseiller général du Haut-Nebbio, va d’emblée avouer que « se taire serait une faute grave de notre part ». S’étonnant d’abord que « l’un des départements les plus choyés de la métropole » puisse se plaindre de la faiblesse des dotations de l’Etat, il attaque le montant des dépenses de personnel : « leur visibilité est trouble et ambiguë ». Puis s’en prend « au pourcentage inquiétant des investissements, 30 %, qui servent au remboursement de la dette ». Il dénonce les emprunts nouveaux qui ne sont pas contractés pour investir « mais pour rembourser le capital de la dette. Ce qui est le signe majeur d’une collectivité en difficulté et en gestion tendue ». Expliquant que la dette par habitant de la Haute-Corse atteint 807 euros contre 400 euros de moyenne nationale et 101 euros pour le département de Corse-du-Sud qui fait figure de premier de la classe, il assène : « La gestion de la dette est calamiteuse. La plupart des départements, qui ont des prêts toxiques, provisionnent, nous non ». Déplorant la « capacité de financement quasi-nulle » du département et son « état financier inquiétant », il annonce que l’opposition de droite ne votera pas le budget.
Au même niveau que la Lozère
En réponse, Eric Calloni fait remarquer que « la seule recette du département reste la taxe foncière ». N’appréciant guère la comparaison avec le département du Sud, il rétorque : « Certes, on s’est endetté, mais on a des réalisations d’infrastructures, on a un patrimoine. Pour la dette par habitant, il faut comparer à des départements de la même strate comme la Lozère, nous sommes au même niveau ». Il estime que « la hauteur des emprunts contractés annuellement ne dépasse pas la capacité d’investissement » et balaie la polémique sur la hausse des charges de personnel qu’il nie.
"Des méthodes d’un autre âge"
Entre alors en scène Hyacinthe Mattei qui a épluché ce budget, qu’il qualifie « d’insincère », pour l’éreinter point par point. « Ce budget d’investissement est le plus faible que j’ai connu depuis que je suis élu ».
La charge la plus forte portera, comme à son habitude, sur les dépenses de personnel, selon lui, sous-évaluées. « Les charges sont éclatées et une simple addition les fait passer de 49,5 millions d’euros à 50 millions. Je souhaite que le tableau des effectifs soit connu ».
Considérant que ce budget est « la conséquence de certaines dérives de fonctionnement qui continuent », il estime que « le département ne pourra pas consommer les crédits de la CTC, faute de ressources propres ».
Listant l’ostracisme dont son canton fait l’objet, il annonce un nouveau recours devant le tribunal administratif pour « faire reconnaître la créance sur ma commune ». Enfin, il apostrophe directement le président Joseph Castelli : « Ce sont des méthodes d’un autre âge qui ne correspondent pas à votre personne mais que vous assumez stoïquement », avant de conclure : « Je ne vote pas ce budget ».
Un vote sans surprise
Agacé par les piques récurrentes de son ancien coreligionnaire, Joseph Castelli  contre attaque en estimant que le budget 2011-2012 est « pour ainsi dire collé à celui de 2011, qui n’a pas été fait par les services, mais par vous-même, alors président de la Commission des finances ». Accusant les critiques de l’élu balanin de n’être qu’une « litanie de procès d’intention », il estime que l’opposition de droite auraient pu faire les mêmes « l’an dernier sur votre budget ».
La majorité viendra, comme en octobre, prêter mainte forte à son président pour défendre ce budget difficile contre les récalcitrants. Une défense de pure forme pour un vote sans surprise. Le budget est adopté en l’état.
                                                                                                                                N. M.

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