Après l’assemblée générale du PNC, dimanche à Corte, Jean Christophe Angelini revient sur les difficiles relations entre les nationalistes et l’exécutif territorial et explique la mise en place d’une véritable stratégie parlementaire à la CTC. Balayant d’un revers de main les atermoiements au sein de Femu à Corsica, il affirme que le choix des candidats pour les législatives devra obéir à un triple principe d’équilibre. Refusant de confirmer sa candidature avant l’heure, il veut soumettre les présidentiables à la question corse.
- Quel a été l’objet de cette assemblée générale ?
- Le débat a porté, à la fois, sur ce qui s’est passé ces derniers mois, notamment de début 2011 à aujourd’hui. Evidemment sur la mise en perspective des grandes orientations que nous voulons
proposer à nos militants et à nos sympathisants pour l’année à venir. Puis, sur le bilan du travail à l’assemblée que nous distinguons du travail établi par les militants du PNC.
- Pourquoi ?
- Déjà, parce qu’à l’assemblée, agit le groupe Femu a Corsica, qui est un groupe unitaire au-delà du PNC. Ensuite parce nous distinguons, pour des raisons d’ordre institutionnelles, le travail
des élus du travail accompli au quotidien par le PNC. Il est évident que chacun a un militantisme et un engagement. Le travail des élus est, quand même, particulier, notamment depuis que nous
avons choisi d’avoir une stratégie dite parlementaire.
- C’est-à-dire ?
- Nous considérons l’Assemblée comme quelque chose d’important où nous développons une force de proposition et de travail sans commune mesure avec ce que nous faisions auparavant. Nous
développons une vraie stratégie parlementaire avec de nombreuses propositions, des amendements et des constructions.
- Vous accusez pourtant l’exécutif de vous mettre des bâtons dans les roues ?
- Tout à fait. Nous sommes malheureusement dans l’opposition. Selon l’état d’esprit et la volonté politique des dirigeants majoritaires, nous pouvons rencontrer des difficultés. Elles ne sont pas
plus importantes que celles que nous rencontrions sous l’ancienne mandature, mais elles sont réelles. C’est un peu frustrant parce que nous pensions que la gauche, en arrivant aux affaires,
allait générer une inflexion, comme elle l’avait promise d’ailleurs, après 25 années de pouvoir territorial sans partage, notamment du côté de la droite libérale. Ce n’est manifestement pas le
cas, en tous cas pas dans les proportions que nous attendons. Il faut continuer à travailler, à se mobiliser et nous parviendrons à contourner les écueils.
- L’exécutif reprend des propositions nationalistes majeures, notamment sur la langue ou le foncier, n’est-ce pas une avancée ?
- En grande partie. Au sens où beaucoup de nos thèmes et de nos propositions aujourd’hui rythment l’agenda de l’Assemblée de Corse. Il est vrai que beaucoup de nos fondamentaux sont repris par
l’actuelle majorité mais c’est une chose de les reprendre, c’en est une autre de leur donner un contenu conforme à ce que nous espérons. Et de ce point de vue-là, il y a encore loin de la coupe
aux lèvres ! Il ne faut pas raisonner en termes de principes et de contenant, mais en termes de contenu, d’approche pragmatique. Il faut savoir ce que l’on met derrière tous les thèmes que nous
avons mis en débat ces dernières années. La meilleure garantie pour la bonne application de nos propositions, c’est que nous contribuons nous aussi à les appliquer en étant aux
responsabilités.
- Vous justifiez beaucoup la démarche de Femu a Corsica et son importance électorale auprès des militants PNC. Est-ce à dire qu’ils l’acceptent mal ou qu’il y a mauvaise lecture,
incompréhension sur cette démarche et ses partenaires ?
- Non. C’est moins le fait d’une mauvaise lecture que le fait que nous soyons aujourd’hui dans des contradictions apparentes, qui n’ont rien de fondamentales mais qui peuvent interroger et poser
débat. Par exemple, beaucoup se demandent pourquoi, après les Territoriales, nous n’avons pas fusionné pour créer un grand outil commun à l’ensemble des composantes de Femu a Corsica et pourquoi,
au contraire, nous demeurons, à la fois, dans Femu a Corsica et dans nos mouvements respectifs.
- C’était votre vœu de fusionner les trois mouvements dans un parti unique ?
- C’était le vœu de la plupart des dirigeants du PNC. Nous ne l’avons pas soumis à un vote d’assemblée générale parce qu’il a fallu aller jusqu’au bout de ce qui était voulu par nos partenaires
et, notamment, de rester en l’état. Donc, nous continuons à développer le PNC et à développer Femu a Corsica. Ce sont les deux faces de la même pièce. Nous avons intérêt à développer l’une et
l’autre en bonne intelligence et en parfaite harmonie.
- Etes-vous candidat aux élections législatives ?
- Pas encore ! Pas pour l’instant ! Je n’ai pas pris ma décision pour plusieurs raisons. La première, c’est que ce sera une décision collective à l’échelle du territoire qui est le mien, à
l’échelle du parti qui est le mien et enfin à l’échelle de la coalition dans laquelle j’évolue, qui est Femu a Corsica. Il y a encore quelques semaines, quelques mois de discussions pour une
élection qui aura lieu au mois de juin. Si nous nous déterminons entre janvier et février, nous serons très largement dans les temps. Les Corses attendent moins de savoir qui sera candidat aux
législatives que de savoir quelles réponses nous voulons apporter à leurs problèmes et à leurs difficultés.
- Pourquoi faire trainer l’annonce d’une candidature qui s’avère certaine alors que beaucoup de candidats, au Nord comme au Sud, se sont déjà déclarés ?
- Non. L’UMP s’est un peu déclarée, mais pas complètement. Les circonscriptions du Sud, et notamment la mienne qui comprend un député sortant UMP, n’ont toujours pas donné d’investiture. Le
député sortant vient à peine de se déclarer. A gauche, un certain nombre de débats est en cours dans ma circonscription comme ailleurs. Tout n’est pas réglé. Des évolutions interviendront
probablement en début d’année prochaine. Il n’y a aucune urgence. Cela ne nous empêche pas de parler et d’échanger et, très rapidement, en début d’année, de prendre des décisions en toute
sérénité.
- Femu a Corsica sera présente sur les quatre circonscriptions. Va alors se poser le problème de la répartition des sièges entre les trois mouvements. Comment se fera le choix
?
Non. Le problème ne se posera pas parce que, cette fois-ci, nous aurons une méthode complètement différente. Comme cela a déjà été dit et validé, les candidatures seront déterminées au terme d’un
large processus d’appels à candidature dans les mouvements et de débats internes. Il ne peut pas y avoir de démarche réussie si elle n’est pas fondée sur le principe d’équilibre : équilibre entre
les composantes politiques, équilibre entre les générations, équilibre entre les sexes. Il faut réussir à s’organiser à l’aune de tous ses principes et pas seulement à l’un ou deux d’entre eux.
Il faut tout intégrer : le renouvellement, l’ouverture, le travail, la disponibilité aussi. J’ai déjà fait deux campagnes législatives, c’est relativement lourd et ne peut pas s’improviser. Il
faut beaucoup de travail et de préparation.
- Pourquoi présenter une candidature à un scrutin national qui, comme le laissent entendre certains nationalistes, ne devrait, idéologiquement, pas vous concerner?
- Ce n’est pas mon point de vue, du tout. Je pense au contraire, en étant provocateur, que c’est parce que je suis autonomiste que je dois y aller, que le mouvement doit être présent aux
législatives. Il faut aujourd’hui porter la voix de la Corse partout. A ce compte-là, pourquoi envoyer un député européen dès l’instant que la Corse présente une réalité presque microscopique
dans le concert des Etats et des régions d’Europe ? Si nous le faisons, c’est que nous pensons que la Corse a vocation à être entendue partout où des décisions sont prises en son nom. Et nous
savons malheureusement que beaucoup de décisions, qui nous concernent et qui nous engagent, sont prises à l’Assemblée Nationale ou au Parlement européen. Nous devons être présents malgré les
difficultés d’exercice pour peser et faire entendre notre voix propre.
- Vous avez beaucoup parlé d’autonomie comme le projet à défendre. Pensez-vous qu’il soit d’actualité ?
- L’autonomie s’impose aujourd’hui comme le choix de la raison. Après 30 ou 40 années de débats, elle apparaît de moins en moins comme un choix, mais de plus en plus comme une évidence. Quelques
éléments chiffrés : 51 % des Corses, sur la foi de sondages répétés, sont favorables à l’autonomie. C’est donc quelque chose de très largement admis par l’ensemble des Corses au-delà même des
nationalistes ou des autonomistes. Nous savons également qu’à l’échelle de l’Europe, dans les crises importantes que nous traversons, notamment d’un point de vue financier, elle est aussi la
solution. Enfin, le PNC a toujours fait de l’autonomie un cheval de bataille, ce n’est pas au moment où nous sommes confrontés à ces opportunités que nous allons y renoncer.
- Qui allez-vous soutenir aux élections présidentielles ? Allez-vous donner des consignes de vote ?
- Le PNC se déterminera en janvier ou en février sur une attitude à adopter lors des présidentielles qui peut, ne pas être du tout, une attitude de soutien à tel ou tel candidat. A titre
personnel, je pencherais plutôt, et c’est la thèse que je défendrais, pour une interpellation collective des candidats et moins sous l’égide du PNC que sous l’égide de Femu a Corsica.
L’important, c’est que les candidats s’engagent ou pas sur le principe d’un règlement négocié de la question corse, sur la question d’autonomie, de co-officialité de la langue, de l’évolution
institutionnelle, sur la problématique corse en général.
- Pourtant François Alfonsi soutient la candidature d’Eva Joly?
- François Alfonsi, notre député européen, va soutenir Europe Ecologie. De nombreux militants du PNC seront à ses côtés. Mais il faut distinguer Europe Ecologie du PNC, même s’ils sont intimement
liés, comme il faut distinguer le PNC de Femu a Corsica. Nous sommes dans le champ de nos partenariats. Le PNC, de mon point de vue, devrait interpeller les candidats. Je vous le dirais avec plus
de précision en février prochain.
Propos recueillis par N.M.
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