François Tatti :"La demande consistant à implanter la CCIC à Bastia est légitime "

Le Gouvernement a été le premier à botter en touche. Dans la foulée, l'assemblée de Corse l'a imité. Mais à présent, au pied du mur, elle va devoir se prononcer sur le lieu d'implantation de la Chambre de commerce et d'industrie de la Corse (CCIC). Dès mercredi ses commissions du développement économique, de l’aménagement du territoire et de l’environnement et des compétences législatives et réglementaires vont se pencher sur la question. Avec au final l'examen de la question du siège de la CCIC qui fait aujourd'hui débat. François Tatti est président de la commission du développement économique et élu municipal de Bastia dont il défend âprement la cause. Interview.

- Le débat sur le futur lieu d'implantation de la chambre de commerce régionale s'envenime quelque peu : après les échanges épistolaires et verbaux certains élus consulaires de Corse-du-Sud menacent de boycott les travaux de la commission que vous présidez à l'assemblée de Corse : pensez-vous que le débat mérite une telle crispation?

La question de l’implantation des organismes régionaux a toujours été difficile en Corse car il y a des enjeux en termes d’emploi, de place économique et de répartition des centres de décision. Le fait que la Corse soit bipolaire ne facilite pas la tâche.

Si j’ai alerté l’opinion c’est pour que le débat soit posé sur des bases saines et ne soit pas escamoté. Pour ces mêmes raisons je n’entrerai pas dans la polémique avec les élus consulaires de la Corse du Sud. Ils sont appelés à donner un avis sur un sujet qui les concerne mais l’aménagement du territoire reste une compétence de l’Assemblée de Corse, je dirai même une de ses principales compétences.

Chacun doit rester à sa place.



- Le Corse lambba a du mal à suivre : quels sont les enjeux d'une telle décision? En d'autres termes quelles retombées directes, ou indirectes, peut-il attendre du futur lieu d'implantation ?

Les enjeux sont nombreux. Tout d’abord, il faut choisir une implantation qui corresponde aux besoins de cet organisme régional en termes de gestion opérationnelle en ayant à l’esprit que la CCI de Corse est appelée à jouer un rôle politique et administratif majeur dans l’île. Songez qu’elle devient l’unique chambre de plein exercice et que les chambres départementales ne sont les des établissements publics rattachés. Ainsi, la loi a prévu que la CCIC se substitue aux 2 chambres départementales en devenant l’employeur des salariés des chambres consulaires, l’interlocuteur de l’Etat et la CTC pour les politiques de formations et d’action économique, et enfin le collecteur des recettes fiscales consulaires et d’apprentissage. Si l’on veut rationnaliser les moyens il faut nécessairement choisir un site dans lequel il existe déjà une structuration administrative suffisante. Et ce ne peut être que Bastia ou Ajaccio.

En second lieu cette implantation doit répondre aux enjeux d‘aménagement du territoire. En effet, implanter un outil régional sur un territoire a des répercussions directe sur l’économie et l’emploi. Depuis 30 ans nous vivons en Corse un centralisme tourné vers la capitale régionale, Ajaccio, qui a des répercussions énormes en termes d’emploi et de développement économique. Les nouvelles implantations doivent donc être l’occasion d’opérer un rééquilibrage.

En troisième lieu il faut prendre en compte le rôle des outils régionaux en termes de répartition des centres de décision. Il ne serait pas acceptable de reproduire en Corse le schéma tant critiqué au niveau national avec Paris qui cannibalise tous les centres de décision nationaux.

 

-  Que répondez-vous à ceux qui vous reprochent de faire preuve de campanilisme?

Personne ne peut dire sérieusement que mon analyse est frappée de campanilisme. Je crois au contraire que c’est l’intérêt de la Corse de réfléchir autrement qu’en termes de rapport de force au sein de l’assemblée de corse ou de proximité avec le gouvernement pour prendre de telles décisions.

Le déséquilibre territorial est une réalité, elle ne peut être occultée.

Est-il acceptable qu’avec 20 000 habitants de moins que la Haute-Corse, la Corse-du-Sud compte 2500 agents publics ou parapublics de plus ?

Est-il acceptable que, depuis des décennies, la plupart des organismes régionaux soient implantés à Ajaccio ou en tout cas en dehors de Bastia ?

Je pourrais citer pêle-mêle : Assemblée de Corse, ATC, OTC, OEC, ADEC, France3, INSEE, Météo, PNRC, ONF, ASSEDIC, Trésorerie, Rectorat, ANPE,CRAM, AFPA, ARS, ADEME, Université, CRDP, Musée de la Corse, cinémathèque, CCM, Creps, CCA, Via Stella,… et toutes les directions régionales des services de l’Etat. Cela représente des milliers d’emplois qui contribuent à faire fonctionner l’économie locale et à irriguer un territoire.

Avec seulement la Cour d’Appel, le TA, RCFM et deux offices, Bastia est la grande oubliée de la politique d’aménagement du territoire en Corse.

La demande consistant à implanter la CCIC à Bastia est donc légitime. J’admets que l’on puisse ne pas être d’accord avec mon analyse mais pour l’heure je n’ai pas encore lu ou entendu un seul argument sérieux.

 

- Et à ceux qui préconisent d'implanter la future structure à Corte ?

Avec tout le respect que j’ai pour le centre Corse et ses habitants, je pense que Corté n’est pas une solution viable. Elle n’a été avancée que pour faire diversion, et éclipser le réel débat que nous devons avoir. De plus, Corté accueille déjà un certain nombre d’organismes régionaux ; beaucoup plus que Bastia si l’on raisonne en terme de population. Cette solution aggraverait donc un peu plus le déséquilibre territorial, ce qui ne serait pas de bonne gestion.

 

- Pour vous c'est Bastia qui doit être désigné : pour quelles raisons objectives ?

Bastia est le seul site qui permet de satisfaire aux trois exigences qui doivent être prises en compte pour faire notre choix. C’est un siège adapté à la CCIC en termes opérationnels, d’équilibre territorial et de répartition des centres de décision.

 


- Mais pourquoi pas un siège tournant ?

Je ne pense pas que l’on puisse sérieusement imaginer de faire fonctionner ainsi une structure appelée à prendre une telle importance. Je vous rappelle qu’il ne s’agit pas d’une coquille vide mais d’un outil régional de première importance. Elle va collecter 10 millions d’€ de fiscalité par an et sera l’employeur direct de tous les salariés des CCI départementales ! Comment pourrait-on sérieusement imaginer qu’une telle structure soit appelée à faire ses cartons, et déménager, tous les deux ans et demi ?

 

- Que préconisez-vous pour que le débat ne dérape pas comme il a un peu tendance à le faire ?
Je veux tout simplement rappeler à chacun qu’il ne s’agit pas ici de défendre son pré carré. Au contraire, il s’agit de réfléchir à l’organisation territoriale que l’on souhaite pour la Corse en ayant la volonté d’impulser une réelle dynamique. Je souhaite que chaque conseiller territorial, quelle que soit son origine géographique, garde à l’esprit que la répartition équitable des services et des centres de décisions sur le territoire est un enjeu majeur de justice sociale dans une région où l’emploi public et para public a une place prépondérante, et c’est bien cela qui doit être notre préoccupation centrale.

 

- Et, enfin, qu'attendez-vous de l'assemblée de Corse qui doit, in fine, dire qui d'Ajaccio ou de Bastia doit hériter su siège de la future chambre de commerce régionale?

J’attends tout simplement un vote clair et responsable, sans faux fuyants et procès en campanilisme.

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Commentaires: 4
  • #1

    Pietri D.V (mardi, 19 juillet 2011 07:08)

    "Chassez le centralisme, il revient au galop". Aprés le Parisien, c'est le "Pomuntinchu" qui sévit, avec l'aval de l'Etat. C'est le principe même de la recherche du pouvoir. Plus on en a, plus on en veut. Manger en affamant les autres. Et CORTE!!! ah s'ell'avessi un portu!!!

  • #2

    Sampieri Marine (mardi, 19 juillet 2011 10:47)

    Corté, ils ont déjà eu la fac en dépit de toutes considérations pratiques et pédagogiques, mais ils sont capables de demander en plus le siège de l'union des ports de plaisance !
    Bref, François Tatti défend sa ville, c'est normal et ses arguments sont plutôt recevables, mais si on doit s'en remettre à l'Assemblée de Corse, semu bè !

  • #3

    Lutincu (mardi, 19 juillet 2011 19:35)

    Aiacciu, Aiacciu, Aiacciu... Ava basta. Un pocu per Bastia

  • #4

    Sgaiuffu (dimanche, 07 août 2011 08:47)

    TATTI parle du "Corse Lambda".balloté entre Ajaccio et Bastia c'est plutôt LAMBADA !!!