Yvan Colonna : La rumeur a bien existé

Yvan Colonna, informateur du préfet Bonnet? La rumeur, évoquée pour la première fois au troisième procès du berger de Cargèse, mardi puis mercredi par deux membres du commando Erignac, a bien existé et a été démentie en «une semaine», fin 1999, selon l'accusation.

Après Alain Ferrandi, condamné en 2003 à perpétuité comme coauteur de l'assassinat du préfet de Corse, Claude Erignac, le 6 février 1998 à Ajaccio, c'est Joseph Versini qui en a fait état.
Cet exploitant agricole de 53 ans avait été condamné à 15 ans de réclusion pour complicité dans l'assassinat et a été mis en liberté conditionnelle en août 2008. Il avait mis en cause Yvan Colonna lors de sa garde à vue en mai 1999, et ne s'était rétracté qu'à son procès, en 2003.
I
l a réaffirmé devant la cour d'assises spéciale de Paris que l'accusé «n'a jamais fait partie du groupe des anonymes», responsable de l'attaque de la gendarmerie de Pietrosella en septembre 1997 et de l'assassinat du préfet.
Il a expliqué que pendant sa garde à vue, les policiers lui avaient «lu des PV avec des noms» qu'il avait «confirmés», car ils avaient selon lui menacé de placer son fils à la DDASS. S'il n'a disculpé Yvan Colonna que quatre ans plus tard, c'est parce qu'il avait été informé par un codétenu, à la prison de la Santé, de la «rumeur» faisant du berger l'«informateur du préfet Bonnet».Cela se passait selon lui «au début de l'instruction». La veille, Alain Ferrandi avait précisé avoir eu vent de la même rumeur. L'ancien préfet Bernard Bonnet, qui avait succédé à Claude Erignac en Corse, a dit à plusieurs reprises avoir obtenu des informations sur le groupe des anonymes, d'un mystérieux informateur baptisé «Corte».

Aux précédents procès, les membres du commando qui avaient mis en cause Yvan Colonna n'avaient pas expliqué les raisons de leurs revirements tardifs. Les parties civiles ont suspecté une «stratégie concertée» entre eux, et l'avocate générale, Annie Grenier, s'est montrée tout aussi sceptique.
«Cette rumeur est dans le dossier depuis 1999», a-t-elle souligné. Elle «est née le 10 novembre 1999 et on lui a tordu le cou en une semaine, a-t-elle affirmé. Je suis étonnée qu'on sorte ça hier et aujourd'hui.»
Elle a expliqué qu'un gardien de la paix avait signalé en novembre 1999 au procureur général de Bastia avoir vu à la préfecture, en juin 1998, un homme «au regard de tueur» qui «avait parlé de son élevage de chèvres», et qui était selon lui Yvan Colonna.

Après vérification, il s'est avéré que l'homme était en fait un exploitant agricole nommé Paul Colonna, sans lien de parenté avec Yvan.
«Entre juin 1998 et au minimum novembre 1999, un fonctionnaire de police est convaincu qu'il a vu Yvan Colonna» à la préfecture, a souligné l'un des avocats de la défense, Me Eric Dupond-Moretti. «Je pense que cet homme-là n'a pas gardé ça pour lui! La rumeur, c'est la rumeur», a-t-il ajouté.
«Ça ne doit pas être très simple de dire qu'on a soupçonné quelqu'un d'être une balance!», a-t-il conclu. Interrogé en fin de journée, Didier Maranelli, condamné à 25 ans de réclusion en 2003, a dit ne pas avoir été au courant de cette rumeur.
Premier à avoir mis en cause Yvan Colonna, le désignant même comme le tireur, il a expliqué avoir «accusé un innocent» par «peur» de voir sa compagne accusée de complicité et «incarcérée». Il ne s'est rétracté que 19 mois plus tard parce que cette peur «ne (l'a) pas quitté», a-t-il dit.
Il est le premier membre du commando entendu depuis mardi à accepter de participer à la reconstitution envisagée pour le 6 juin à Ajaccio.

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