Yvan Colonna : Les gardes à vue dans le collimateur

Yvan Colonna comparaît pour la troisième fois depuis lundi devant la cour d'assises spéciale de Paris pour l'assassinat du préfet Erignac après l'annulation pour vice de forme de sa condamnation en appel. A cette occasion, ses avocats ont, comme prévu, demandé que les accusations portées par des membres du commando durant leurs gardes à vue soient écartées.

 

Me Philippe Dehapiot, l'un des cinq avocats, a demandé à ce que le vote sur la culpabilité éventuelle d'Yvan Colonna soit effectué "à la majorité qualifiée", c'est-à-dire qu'au moins six des neuf juges de la cour d'assises spécialement composée se prononce en ce sens. Il veut en outre que la décision de la cour "soit motivée".

Me Eric Dupond-Moretti, également dans l'équipe de défense, a estimé qu'au moins l'une de ces deux mesures s'imposait : "Il faut choisir: ou on change le mode de scrutin et on nous le dit, ou on motive".

Le procès a été suspendu et la cour devrait se prononcer mardi matin.

Juste avant l'ouverture de la première audience, Me Antoine Sollacaro, l'un des avocats Colonna, a expliqué pourquoi il allait plaider l'acquittement de son client: "Nous démontrerons (...) qu'il n'est pas le tireur. Nous avons peaufiné la balistique".

Les charges qui pèsent contre Yvan Colonna "se résument à des déclarations de co-accusés qui ont ensuite été rétractées", a affirmé Me Sollacaro. Il a en outre noté que ces accusations avaient été portées au cours de "gardes à vue qui se sont déroulées sans avocat" - gardes à vue qui ont depuis été déclarées anticonstitutionnelles. "C'est un moyen nouveau" que la défense compte utiliser, a précisé le conseil.

 

"Gardes à vue irrégulières"

Durant la première matinée de procès, les avocats d'Yvan Colonna n'ont cessé de rappeler qu'une décision de la Cour de cassation du 15 avril dernier imposait la présence d'un avocat dès le début de la garde à vue, et ce avec application immédiate. "On demande à la cour d'assises d'en tirer les conséquences et d'interdire qu'on utilise durant le procès, comme mode de preuve contre Yvan Colonna, des gardes à vue irrégulières", a résumé à la mi-journée Me Dehapiot.

"Est-ce qu'il va exister aujourd'hui une garde à vue Colonna qu'on va maintenir artificiellement pour les besoins de la cause ou est-ce que Colonna est un justiciable comme un autre?", s'est interrogé Me Dupond-Moretti.

La recevabilité ou non des déclarations recueillies en garde à vue est primordiale car plusieurs membres du commando ont désigné Yvan Colonna comme étant le tireur, avant de se rétracter.

Le préfet de Corse Claude Erignac a été tué par balles le 6 février 1998 à Ajaccio, avec une arme dérobée cinq mois plus tôt lors de l'attaque de la gendarmerie de Pietrosella (Corse-du-Sud). En mai 1999, deux jours après l'interpellation des premiers suspects, Yvan Colonna prenait la fuite. Sa cavale durera plus de quatre ans.

Yvan Colonna a été arrêté en juillet 2003 dans une bergerie, alors que venait de s'ouvrir le procès de six hommes accusés d'avoir perpétré l'assassinat du préfet Erignac. Pierre Alessandri et Alain Ferrandi ont écopé de la perpétuité comme coauteurs du crime, le guetteur Didier Maranelli a été condamné à 25 ans de réclusion, le chauffeur Martin Ottaviani et Marcel Istria à 20 ans, Joseph Versini à 15 ans.

Jugés en même temps, les commanditaires présumés Jean Castela et Vincent Andriuzzi ont été condamnés à trente ans de réclusion avant d'être acquittés en appel en 2006.

Bien qu'il ait toujours clamé son innocence, et bien que Pierre Alessandri ait affirmé dans une lettre d'octobre 2004 avoir été le tireur, Yvan Colonna a déjà été condamné deux fois: en décembre 2007, les assises de Paris lui ont infligé la perpétuité, peine qui a été confirmée en appel en mars 2009 et assortie de 22 ans de sûreté. Mais le 30 juin 2010, la Cour de cassation a annulé cette condamnation pour vice de forme.

 

"Une reconstitution s'imposera"

Dans ce dossier, l'accusation ne dispose pas d'éléments matériels contre Yvan Colonna. Des relevés téléphoniques ont permis d'établir la présence des hommes condamnés sur les lieux de l'assassinat, mais pas d'Yvan Colonna. Trois des six membres du commando l'ont désigné en garde à vue puis lors de l'instruction comme l'homme ayant abattu le préfet, mais ils se sont rétractés. Un quatrième a attesté de sa présence lors de l'attaque de la gendarmerie de Pietrosella, attentat dont Yvan Colonna doit également répondre lors de ce procès.

Sa défense va une nouvelle fois demander une reconstitution de l'assassinat du préfet Erignac. Au cours de l'instruction, les membres du commando ont refusé de s'y prêter. Lors du premier procès, un transport de la cour sur les lieux a eu lieu. Cette fois-ci, "elle s'imposera et je pense que la cour ne pourra pas y échapper", a avancé Me Sollacaro.

A 51 ans, dont huit derrière les barreaux, Yvan Colonna est arrivé souriant à l'audience, visiblement content de voir sa famille présente dans la salle, et notamment sa femme Stéphanie, une bergère épousée il y a deux mois en prison. Appelés comme témoins, son père Jean-Hugues Colonna, sa soeur Christine et son frère Stéphane doivent être entendus par la cour mardi après-midi

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