Deux îles, deux univers, deux incontournables

Claudie Gallay © Aldo Speber / Picture Tank
Claudie Gallay © Aldo Speber / Picture Tank

L’amour est une île, de Claudie Gallay

C’est avec impatience que l’on attendait la sortie du nouveau roman de Claudie Gallay, auteur des Déferlantes, qui avait emporté, en 2009, plus de 300 000 lecteurs. Une chose est sûre, les amoureux de ce livre et les autres ne seront pas déçus. 

 

Et pour cause. L’amour est une île, n’est pas un livre que l’on referme avec indifférence pour passer, vite, à autre chose. Non. On reste, en effet, scotché à Avignon, les yeux rivés, presque ahuris sur la scène de théâtre. Car voilà les lieux de l’action, presque du crime. L’auteur quitte, en effet, les plages normandes des Déferlantes, la pluie et le vent qui soulèvent les secrets, pour Avignon et son soleil accablant et tragique qui exacerbe les passions.

Claudie Gallay exécute ici une tragédie en cinq actes qui se joue sur le théâtre d’Odon, metteur en scène réputé. Cette année-là, la compagnie a choisi de prendre un risque en présentant au public l’œuvre d’un auteur inconnu, Paul Selliès, mort dans des conditions troublantes. A partir de là, comme dans une tragédie grecque, l’engrenage est enclenché : plus rien ne va. Le festival est, d’abord, perturbé par la grève des intermittents du spectacle. Mais cela n’est rien à côté de l’arrivée de la Jogar, ancienne enfant du pays et surtout ancienne maîtresse d’Odon. Arrivée bouleversante pour le metteur en scène autant que celle de Marie, la sœur de Paul Selliès. La petite Marie, douce, innocente autant que marginale et vengeresse va, sous le soleil accusateur d’Avignon, remuer le mystère de la mort de son frère. Et demander des comptes.

Le style vif, épuré, fait de phrases sèches de Claudie Gallay, retranscrit parfaitement cette complexité des sentiments. Amour et secret sont analysés avec pertinence et sans fioriture. Encore une fois, l’auteur voit juste dans cette mise en abyme du théâtre. Car c’est aussi de cela qu’il s’agit. L’amour est une île est un livre sur la littérature, le théâtre et surtout sur l’acte de création aussi magnifique que destructeur.

Ce n’est qu’à la fin du roman que l’on comprend toute la force du titre. L’amour est une île : simple, séducteur, presque naïf à la première page du roman, révèle toute sa portée symbolique à la dernière. Car d’île réelle, il n’en est guère question. L’auteur développe une île métaphorique, imaginaire, celle de l’amour qui, exacerbé, enferme les personnages, les rend prisonnier de leur sentiment. 

Le lecteur, lui-même, est vite emporté par ces passions, prisonnier, avec plaisir, de l’île de Claudie Gallay.  
L’Amour est une île (Actes Sud, 2010) 

A lire, pour les amoureux de Maupassant et à découvrir pour les autres : Contes du jour et de la nuit, (Le Livre de Poche).
A lire, pour les amoureux de Maupassant et à découvrir pour les autres : Contes du jour et de la nuit, (Le Livre de Poche).

Le bonheur est une île ?

 

              A lire ou à relire : La Corse chez Maupassant 

Après un voyage en Corse, en 1880, où il retrouve sa mère, Maupassant retranscrit dans ses nouvelles sa vision de l’île. Représentation en clair-obscur dont la postérité n’a retenu que l’obscur.

Noire, sauvage, inculte, violente et meurtrière, voilà autant d’adjectifs qui conviennent à définir la Corse de Maupassant. L’auteur se demande d’ailleurs, comment cette île « monde encore en chaos » peut être si éloignée de « l’intelligence créatrice » de la voisine Italie.

     Pourtant, si la postérité a retenu ces poncifs, Maupassant n’en développe pas moins une vision lumineuse, en faisant de la Corse l’île du bonheur. Le bonheur est-il une île ? Cherchons…
Dans Contes du jour et de la nuit, trois nouvelles se déroulent en Corse. Dans La Main, nouvelle fantastique, l’île ne tient qu’un rôle restreint de décor. Vient ensuite Une Vendetta. Dans ce récit, comme Mérimée et Balzac avant lui, Maupassant reprend le thème, bien connu, de la vengeance familiale, en particulier de la vengeance acharnée d’une mère, la veuve Saverini qui vient d’enterrer son fils. Cette nouvelle, pour son exploration de l’amour filial, allant jusqu’à la folie et pour son traitement de la vendetta, non pas impulsive mais raisonnée, organisée, et terriblement violente, vaut la peine d’être lue ou relue.  Même si l’on doit pour cela replonger dans les ténèbres d’une corse meurtrière.

C’est pourtant de cette obscurité sauvage et violente qu’émerge la lumière. Dans Le Bonheur, nouvelle au titre déjà évocateur, Maupassant apporte une vision originale de l’île au XIXème siècle, une vision inédite, plus lumineuse, qu’il est temps de faire connaître. Deux amoureux, une fille de général et un fils de paysan, que les codes de la société nancéenne empêchaient de s’aimer, trouvent refuge en Corse. Cette île, primitive et sauvage, est surtout vierge d’une quelconque civilisation. Ce qui en fait le seul refuge de l’amour. Le seul lieu possible de bonheur.
Laissons-nous donc emporter par une vision originale de la Corse, si différente des autres représentations de l’île au XIXème siècle qu’elle mérite d’être lue ou relue. Et ne passons pas à côté du Bonheur.

La Corse de Guy de Maupassant, présenté par Jean-Dominique Poli (Albiana).
La Corse de Guy de Maupassant, présenté par Jean-Dominique Poli (Albiana).

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