Nathalie Ruggeri : " Le Grand Site sera celui des îles Sanguinaires-pointe de la Parata ou ne sera pas"

Le 24 avril dernier, la Ville d’Ajaccio lançait un sacré pavé dans la mare en annonçant vouloir scinder en deux le Grand Site Iles Sanguinaires-pointe de la Parata. Nathalie Ruggeri, présidente de la commission environnement du conseil général de la Corse du Sud, co-partenaire de cette opération, fait part pour Corse Net Infos de son profond désaccord avec cette décision et affirme : " Le Grand Site sera celui des îles Sanguinaires-pointe de la Parata ou ne sera pas."

- Isabelle Moracchini, adjointe au maire d’Ajaccio déléguée à l’environnement, a récemment indiqué que le site de La Parata serait désormais géré en direct par la Ville. Cette décision, semble-t-il, vous a surpris ?

- Surpris ? C’est un euphémisme. Comment ne pas se sentir méprisé en tant que co-partenaire de l’opération que d’apprendre une telle nouvelle par la presse ? Cela ne fait jamais que deux ans que nous sollicitons, en vain, le maire pour finaliser ensemble les derniers détails de cet ambitieux projet. Tant d’un point de vue des travaux que sa gestion. Mais surtout quelle immense déception, à la fois pour le Conseil général qui porte ce projet depuis le début mais également pour les habitants de notre territoire, que de voir s’échouer à quelques encâblures de sa destination finale la première grande opération régionale en matière de développement durable. Car au final, c’est bien cela que cette décision signifie : l’arrêt de mort du Grand Site Iles Sanguinaires-pointe de la Parata.

 

- Ne s’agit-il donc pas d’un divorce à l’amiable ?

 En aucun cas ! Cette décision de scinder en deux le Grand Site a été prise de manière aussi soudaine qu’unilatérale par la municipalité. Sans concertation ni information préalable. Ni du Conseil général, ni des autres parties prenantes que sont la Collectivité Territoriale de Corse ou l’Etat. Etrange conception du partenariat, n’est-ce pas ?

 

- A défaut de gouvernance commune possible, la partition du Grand site n’était-elle pas pourtant la seule solution ?

- La solution sécessionniste présentée, avec d’un côté La Parata et de l’autre Les Sanguinaires, ne tient pas. Si rien ne l’interdit explicitement, chacune des deux collectivités restant propriétaire de ses terrains, elle est un non sens absolu. Elle est contraire à l’esprit même du Grand Site. L’OGS a été conçue dès le départ dans le cadre d’une action commune visant à réhabiliter ensemble ces lieux puis à en assurer, ensemble, une gestion durable. C’est ce qui a été fait pour la requalification de la Parata, la réhabilitation de Mezzu Mare et la construction de la Maison du Site. Au total, le coût de ces interventions s’est élevé à 6 millions d’euros. Le Département, comme la Ville, y ont contribué chacun de manière strictement égale à hauteur de 14 %. Pourquoi une gestion commune de l’ensemble n’aurait-elle donc pas été ensuite possible ?

 

- Vous pensez notamment à la formule du syndicat mixte ouvert qui a vos faveurs ?

- Pas seulement les nôtres. Toutes les études, toutes les expériences similaires –confortées d’ailleurs par les témoignages des participants aux XIIIe rencontres des Grands Sites de France qui se sont tenues à Ajaccio en octobre dernier – et la majorité des avis des partenaires sur ce dossier convergent vers cette solution. Cette formule de gestion apparaît comme la seule à même de répondre aux enjeux de la gestion du site. Elle aurait créé un partenariat équilibré entre la Ville et le Département. Elle aurait permis de mutualiser nos moyens techniques, humains et de disposer d’une grande réactivité dans l’entretien, la mise en valeur du site et l’accueil du public. C’est l’opposé du « un pour tous, chacun pour soi » prôné aujourd’hui par la mairie.

 

- Une coordination des actions entre les deux sites n’est-elle pas envisageable à l’avenir ?

- La solution du chacun chez soi est, je l’ai dit, l’antithèse absolue de ce qu’est un Grand Site. Elle demeure confinée dans une logique de coup par coup plutôt que de projet. Elle ne permet pas une bonne lisibilité des actions ni de leur coût. Elle n’associe pas non plus la gestion opérationnelle et la gouvernance du territoire. Deux aspects pourtant fondamentaux qui doivent être mis en œuvre de manière complémentaire et qui conditionnent la pleine réussite d’une OGS. Et puis nous savons déjà ce que le mot coordination veut dire pour la municipalité. L’an dernier, cela s’est traduit par l’envoi d’une facture de 350 000 € pour la prise en charge des frais de la navette mise en place à La Parata. Le tout pour une période de trois mois et pour couvrir 600 mètres. Pour vous donner un ordre d’idée, cette somme équivaut à près des deux tiers du budget que le département consacre chaque année aux transports de voyageurs pour couvrir l’ensemble de la Corse-du-Sud… Vous comprendrez dans ces conditions que le Conseil général n’accepte pas d’être relégué au rôle de simple bailleur de fonds.

 

- Il n’en demeure pas moins qu’un règlement intérieur a été pris, un budget de fonctionnement et des tarifs d’entrée arrêtés…

- Là encore de manière unilatérale par la municipalité. Sans consultation des partenaires ni même des socioprofessionnels concernés, autocaristes en tête qui devront désormais s’acquitter à chaque passage d’un droit d’entrée de 50 €. Et au travers d’une délibération pour le moins discutable. Car ni la Maison du Site et moins encore la route départementale d’accès ne sont propriétés de la commune. Aussi malgré les efforts de communication déployés par Mme Morrachini, on voit bien que derrière les quelques considérations écologiques énoncées se cachent en réalité des considérations financières voire politiques bien plus importantes. La preuve ? La Maison du Site va être transformée en annexe de l’office du tourisme, avec emplois à la clé bien sûr. Et La Parata en parking géant payant. Comme on l’entend de plus en plus à Ajaccio, on a aussi envie de dire : tout ça pour ça ? C’est navrant…

 

- Il a même été question d’inaugurer prochainement le Grand Site La Parata ? Y serez-vous présente ?

- Encore eût-il fallu que nous fussions invités. Sachant que pas plus qu’il n’existe de « Grand Site Iles Sanguinaires », il ne saurait y avoir de « Grand Site La Parata ». Cette formule n’est qu’un artifice de plus. Le Grand Site sera celui des îles Sanguinaires-pointe de la Parata ou ne sera pas.

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